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Version de travail : Dossier en cours de rédaction

L’adoucissement, discret mais indispensable

Devenu tellement habituel qu’on ne l’évoque que rarement, l’adoucissement de l’eau reste un procédé indispensable et omniprésent en industrie. Les technologies sont aujourd’hui bien établies.

C’est le b.a.-ba du traitement de l’eau. L’adoucissement et parfois la décarbonatation consiste à débarrasser l’eau de la présence du calcaire dissous, susceptible de se redéposer sur les canalisations, les appareils… ou la peau des consommateurs. C’est un problème omniprésent, peu spectaculaire mais qui doit être traité, en tout cas en industrie. Les technologies sont maintenant établies depuis longtemps mais continuent à évoluer à la marge, et certains marchés sont en pleine croissance. Mais de quoi parle-t-on? 

Les roches calcaires sont constituées majoritairement de carbonate de calcium, mais aussi de carbonate de magnésium. Dissous par la pluie ou le ruissellement, le calcaire se retrouve dispersé dans l’eau sous la forme d’ions carbonate (CO3 2-), calcium (Ca2+) et magnésium (Mg2+). Ces ions ne présentent aucun caractère toxique l’organisme humain a d’ailleurs besoin de calcium et de magnésium mais peuvent, en se recombinant et précipitant sous forme de tartre, poser de sérieux problèmes en industrie, et des désagréments bien connus pour les particuliers. Pour éviter cette précipitation, on peut éliminer les ions calcium et magnésium : c’est l’adoucissement, méthode très largement majoritaire. On peut aussi supprimer les ions carbonate, opération logiquement appelée décarbonatation. Il est également possible de laisser tous ces ions dans l’eau mais de les empêcher de précipiter par différents procédés physico-chimiques, par exemple la «séquestration». 

Enfin une autre méthode, longtemps utilisée en industrie mais en déclin, consiste au contraire à favoriser la précipitation au fond d’une enceinte en amont du process pour n’utiliser que l’eau surnageant, débarrassée de son calcaire. Si l’on excepte l’immense marché des particuliers qui s’équipent d’adoucisseurs individuels, beaucoup de procédés ou utilités industriel exigent au minimum une eau adoucie. Certains responsables de réseaux de distribution d’eau potable envisagent également un adoucissement collectif. Interviennent sur ce marché des traiteurs d’eau comme Aquaprox, Atlantique Industrie, BWT, Chemdoc Water Technologies, Hydrobios, John Cockerill, Nalco Water (groupe Ecolab), Nijhuis Saur Industries, Suez Water Technologies & Solutions, Veolia Water Technologies, Waterleau, ou Ex Eau, ainsi que des chimistes comme par exemple Lanxess ou Adiquimica.

TECHNOLOGIES : LES RÉSINES DOMINENT

Osmoseur précédé d’un petit adoucisseur monobloc pour alimenter un laboratoire cosmétique - Hydrobios.

Dans quasi-totalité des cas, les traiteurs d’eau préconisent l’utilisation de résines échangeuses de cations (ions positifs), dites cationiques. Elles captent spécifiquement les ions Ca2+ et Mg2+ en relarguant à la place des ions sodium (Na+ ). Lorsqu’elles sont saturées, il faut les régénérer en faisant passer dessus une solution de sel (chlorure de sodium NaCl), ce qui les débarrasse des cations piégés et les recharge en sodium. 

«Sur certaines eaux brutes, il peut être nécessaire de prétraiter l’eau pour protéger la résine. Nous mettons alors en place des filtres à sable, ou à charbon actif. Eventuellement aussi une déferrisation ou une déchloration, car chlore et fer sont nocifs pour les résines. Tous ces prétraitements n’ont toutefois aucun effet sur le calcaire lui-même» précise Simon Libert, responsable des ventes France pour Lanxess. 

Chimiste spécialiste des résines, Lanxess propose depuis une vingtaine d’années sa Lewatit S 1567 pour l’adoucissement. «Nos unités comprennent le plus souvent une résine cationique, sans plus. Il arrive toutefois qu’elle soit couplée en amont avec une osmose inverse pour gagner en qualité» avance Olivier Leclerc, responsable commercial de la division France chez NSI Mobile Water Solutions de Nijhuis Saur Industries (NSI MWS). 

Veolia utilise également en routine la technologie largement éprouvée des résines cationiques. «Le groupe Veolia a pour sa part travaillé sur la configuration des dispositifs adoucisseurs, avec une régénération optimisée à contre-courant (système Berkoion™). Cela permet des gains importants en eau et en sel lors de la phase de régénération» affirme Jean-Claude Celani, Directeur Service région Sud chez Veolia. Des industriels comme Sun Chemicals font ainsi appel à Veolia pour adoucir leur eau de process. Dans la même optique d’optimisation, les pastilles Aqua Protect®, proposées par les Salins du Midi, offrent une solution efficace. Celles-ci contiennent un agent actif exclusif, σ-Protect®, qui débarrasse les résines de l’adoucisseur des dépôts métalliques susceptibles de les encrasser. 

En régénérant efficacement les résines, ces pastilles prolongent également leur durée de vie. À de rares occasions, d’autres technologies que les résines sont employées. «On peut ajouter à l’eau des adjuvants chimiques, appelés séquestrants, qui évitent la re-déposition du calcaire, sans l’éliminer. C’est employé pour les eaux destinées aux utilités mais, en général, pas pour l’eau de process à cause de la présence du produit ajouté» explique par exemple Matthieu Villez, de NSI Mobile Water Solutions (NSI MWS). Il est également possible de faire appel aux membranes pour adoucir l’eau mais il s’agit d’une technologie très sophistiquée pour un besoin aussi «simple». Cela peut néanmoins se produire au cours d’un traitement complexe faisant appel aux membranes pour autre chose que le seul calcaire. En revanche, les membranes elles-mêmes, et ce quelle que soit leur utilisation, nécessitent en général un adoucissement préalable. 

«Certaines collectivités utilisent des technologies membranaires au cours de la potabilisation de l’eau. Les exploitants de Veolia Eau peuvent alors faire appel à nous pour protéger en amont les unités d’OIBP (unités d’osmose inverse basse pression) ou unités de nanofiltration, voire nettoyer les membranes avec des formulations chimiques HYDREX disposant des agréments ANSES ou ACS. C’est le cas à Méry-sur-Oise pour le Sedif, mais aussi en province» précise à cet égard Johann Scuiller, Responsable technique et commercial d’Hydrex France, la division produits chimiques de Veolia. 

C’est également vrai en industrie, devant tous les osmoseurs. «L’adoucisseur constitue une solution intéressante, nous l’utilisons fréquemment en amont de nos skids d'osmose inverse pour la protection des membranes. Pour d’autres applications telles que la protection d’éléments en contact avec une eau chaude (vapeur) ou froide, nous préférons l’utilisation de procédés dosés, sans relargage de sodium, sans rejet d’eau à l'égout, intégrant une dé-chloration, sans mécanisme autre que l’effet venturi mais autorisant des autonomies de 24 m3 à 2000 m3 contre l'entartrage et la corrosion. Notre solution Hydroblend rend ce service aux ballons d'eau chaude, chaudières, étuves, fours de panification, fours double parois, chauffe-eau instantanés, percolateurs, machines à glaçons, brumisateurs, lave batteries etc.», ajoute pour sa part la société Hydrobios.

INDUSTRIE : LE GROS DES BESOINS

L’adoucissement est présent dans beaucoup d’industries, où il n’est pas question de laisser les circuits et machines s’entartrer malgré l’utilisation permanente d’eau chaude. « Les industriels ont besoin d’eau adoucie pour toutes les utilisations de base, comme le lavage des équipements, le chauffage des cuves ou de certains appareils… Et bien sûr pour faire de la vapeur basse pression. Là, tous les chaudiéristes l’imposent » explique Matthieu Villez NSI Mobile Water Solutions. «Les industriels nous demandent tout le temps de l’eau adoucie, ne serait-ce que pour leurs chaudières à basse pression. C’est vrai aussi dans tous les secteurs utilisant de l’eau chaude : agroalimentaire, sidérurgie, automobile… En revanche, la décarbonatation est de plus en plus rare» confirme Johann Scuiller (Veolia). 

Simon Libert, de Lanxess, cite également l’industrie pétrolière, qui injecte de l’eau adoucie (et additivée) dans les nappes qu’elle exploite. La division Mobile Water Solutions de Nijhuis Saur Industries propose aux industriels, pour leurs besoins temporaires, des unités mobiles d’adoucissement de différents formats, d’une capacité allant d’un à 50 m3 /h. «Nous pouvons mettre à disposition sous 24-48 h une unité dimensionnée selon les besoins de l’utilisateur. Les résines sont prêtes à l’emploi et leur volume ajusté de manière à ce que l’utilisateur n’ait pas à les régénérer sur son site, contrairement à ce qui se passe avec les unités pérennes. En cas d’utilisation prolongée, nous pouvons également livrer des bonbonnes de remplacement qu’il suffit de raccorder. Nous prenons alors en charge la régénération bonbonnes saturées » détaille Olivier Leclerc. 

Un industriel breton de l’agroalimentaire, ayant subi une panne sur l’adoucisseur de sa chaudière, a ainsi fait appel aux services mobiles de NSI MWS le temps de la réparation. «Nous avons également mis en place en moins de 24 heures un conteneur d’une capacité de 40 m3 /h dans une aciérie d’Ile de France » ajoute Matthieu Villez NSI Mobile Water Solutions. Axel Zielinski, gérant de la société Europaz, précise par ailleurs : «Dans l’industrie, les appareils anti calcaire obtiennent également de très bons résultats, avec un avantage déterminant: le fonctionnement de ces appareils n’entraîne pas de surconsommation d’eau. Ont ainsi été équipés avec les appareils ULF à Ultra Basses Fréquences les aciéries ALR (aciéries et laminoirs de rives), des usines de Saint-Gobain, dans l’agroalimentaire (Tendriade, Harrys Restauration, Del Maître, etc.)».

LES RÉSEAUX DE CHALEUR, UN MARCHÉ EN EXPANSION EN FRANCE :

De plus en plus de municipalités ou communautés de communes en France mettent en place des réseaux de chaleur urbaine, comme cela se fait depuis longtemps dans le nord de l’Europe. Il s’agit de réseaux souterrains calorifugés où circule une eau chauffée par une unité centrale. Cela permet de chauffer et alimenter en eau chaude sanitaire des bâtiments collectifs ou des immeubles d’habitation via des échangeurs de chaleur. Evidemment, le tartre est ici un ennemi, et ces installations en circuit fermé nécessitent une eau adoucie. Là encore, les résines sont la solution majoritaire. 

Une importante métropole du Sud-Est de la France vient ainsi d’installer un adoucisseur Veolia avec régénération à contre-courant pour traiter l’eau de sa compagnie de chauffage urbain. «Nous déployons également des solutions pour le remplissage ponctuel de ces réseaux, avec nos unités mobiles et nos systèmes Aquadem. Le couplage de tels réseaux avec des UVE1 est de plus en plus courant» ajoute Johann Scuiller (Hydrex-Veolia). La recharge de ces réseaux après une purge constitue également un marché d’importance croissante pour les unités mobiles de NSI: «Il s’agit de répondre à un gros besoin ponctuel d’eau adoucie pour le redémarrage de ces réseaux. Différents acteurs de ce domaine nous ont sollicités l’hiver dernier, et recommenceront probablement cette année» affirme pour sa part Matthieu Villez pour NSI Mobile Water Solutions.

DES BESOINS AUSSI POUR LES MUNICIPALITÉS

Dans certaines régions, l’eau du robinet est tellement calcaire que cela pose de sérieux désagréments aux utilisateurs, qui en viennent à s’équiper de dispositifs plus ou moins efficaces d’adoucissement individuel. Les responsables de réseaux d’eau potable envisagent donc d’adoucir ou décarboner l’eau qu’ils distribuent. La demande des consommateurs n’est d’ailleurs pas leur seule motivation : le tarte affecte également les réseaux de distribution. Reste qu’une eau totalement adoucie par exemple au niveau de ce qui est exigé en industrie pour la production de vapeur n’est pas compatible avec une utilisation courante.

DÉCARBONATATION : L’AUTRE VOIE

plus simple, et la plus utilisée, consiste à augmenter le pH de l’eau, c’est-à-dire la rendre basique (ou «alcaline») à l’aide de chaux le plus souvent ou de soude. Cela favorise la précipitation du calcaire qui reste au fond de l’ouvrage placé en amont du process. L’électrodécarbonatation consiste pour sa part à favoriser la précipitation du calcaire sous l’effet d’un courant électrique à basse tension. Enfin, il existe aussi des solutions à base de résines anioniques (qui captent les ions négatifs, donc le carbonate), plus délicates d’utilisation cependant. Certains gérants de réseaux collectifs d’eau potable ont également choisi la décarbonatation pour distribuer une eau moins entartrante.

VERS DES PRODUITS PLUS « ÉCOLOGIQUES » ?

Gamme de solutions anti-tartre Gemka par R Cube Projet. 

Si les technologies d’adoucissement sont aujourd’hui bien établies et n’évoluent plus qu’à la marge, certains chimistes revoient leurs formulations sous l’effet des nouvelles exigences environnementales. Lanxess propose ainsi une variante «verte» de sa résine, la Lewatit S 1567 Scope Blue. 

Depuis quelques années, Lanxess a en effet lancé l’initiative Scope Blue. Pour être ainsi labellisé, un produit doit soit provenir à plus de 50% de matières biosourcées ou issues du recyclage, soit diviser par deux ses émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport au produit standard. 

«La résine Lewatit S 1567 Scope Blue a un profil d’émissions en GES diminué de plus de 70% par rapport à la 1567 standard. Le styrène, principal composant des résines, provient alors non pas du pétrole mais d’huiles recyclées. De plus la soude, indispensable au procédé de fabrication, est biosourcée. Tout cela a un coût, et la résine est vendue de 20 à 25% plus cher que la S1567 standard. Il revient aux gros clients, qui en ont la possibilité, de lancer la tendance. Pour notre part, nous sommes prêts» affirme Simon Libert (Lanxess).

DES SOLUTIONS ALTERNATIVES 

Solution proposée par la société Ecobulles pour dissoudre le calcaire. 

La technologie de traitement du calcaire au CO2 proposée par la société Ecobulles permet par ailleurs de dissoudre le calcaire et de l’empêcher de se déposer, via la méthode suivante: une juste dose de CO2 alimentaire, calculée en fonction de la dureté de l’eau, est injectée dans chaque litre d’eau consommé. «Au contact de l’eau (H2 O), ce CO2 se transforme en acide carbonique: H2 O + CO2 = H2 CO3 . L’acide doux naturel ainsi créé va dissoudre le calcaire. L’effet s’apparente à celui du vinaigre blanc, de manière beaucoup plus douce, sans goût pour l’eau et sans danger pour les canalisations. 

D’une efficacité incontestable en préventif et en curatif (programme spécifique permettant de détartrer les installations existantes), le système Ecobulles ne surconsomme pas d’eau et ne rejette aucun polluant aux eaux usées. La technologie d’injection de CO2 est une véritable alternative à l’adoucissement à la fois écologique et économique», explique Ecobulles. 

L’entreprise R Cube Projet propose pour sa part la gamme de produits Gemka, destinée à empêcher les molécules de calcaire de se transformer en tartre solide: «Nos produits fonctionnent grâce à une catalyse par induction tournante où des fréquences variables viennent s’adapter automatiquement à la dureté de l’eau à traiter. Ce procédé force la cristallisation du calcaire sous forme de poudre microscopique en suspension dans l’eau. Dès qu’il est déposé, ce calcaire s’enlève facilement car il est non incrustant», explique l’entreprise, qui décline cette solution en différentes gammes respectivement destinées aux habitats familiaux, au traitement de l’eau des immeubles, copropriétés, mais aussi pour entreprises et les usines.