Lixiviats : maitriser leur composition pour garantir le meilleur traitement
29 janvier 2021Paru dans le N°438
à la page 70 ( mots)
Rédigé par : Sophie BESREST
Contrairement aux eaux usées, il n’existe pas de traitement « type » pour les lixiviats issus de nos décharges. Celui-ci résulte le plus souvent d’une association de procédés. Les études menées en amont sont donc essentielles pour connaître la composition des lixiviats et définir les filières de traitement les plus adaptées.
Depuis la publication de l’arrêté du 9 septembre 1997 sur les installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND), les industriels sont contraints d’étanchéifier leur site de stockage et de traiter les lixiviats avec des objectifs de plus en plus stricts. Les solutions de traitement s’apprécient souvent au cas par cas. Même si les techniques utilisées dérivent pour la plupart du traitement des eaux usées, les lixiviats sont des effluents complexes dont le traitement nécessite une expertise particulière. La taille du site, les conditions d’enfouissement, la nature et l’âge des déchets ainsi que les conditions météorologiques, influent en effet sur la composition et la quantité de lixiviats produits.
Les études menées en amont sont donc essentielles pour connaître la concentration des lixiviats et les volumes à traiter afin de définir la filière de traitement la mieux adaptée. « En plus des analyses réglementaires réalisées par les gestionnaires du site, nous organisons plusieurs campagnes de prélèvements, échelonnées sur l’année, pour avoir la meilleure représentativité de la composition des lixiviats dans le temps », explique Jean-Luc Mangiacotti, chargé de développement chez Serpol.
Pour les sites avec une charge élevée de lixiviats, le fabricant Ovive propose à ses clients des études complémentaires grâce à des pilotes en laboratoire : des bioréacteurs à membrane miniaturisés. Ce traitement biologique associé à de l’ultrafiltration sert à éliminer les polluants dissous, notamment l’ammoniaque et la matière organique. Un traitement additionnel peut cependant s’avérer nécessaire pour répondre à la charge élevée des lixiviats ou aux exigences strictes de rejet imposées par les préfectures. « Nos pilotes laboratoires permettent d’évaluer la nécessité d’un traitement d’appoint par osmose inverse ou par nanofiltration, ou de décider de l’ajout de charbon actif pour traiter les pollutions non biodégradables comme certains AOX ou les phénols », détaille Maxime Pollet, responsable commercial France chez Ovive.
Cette prestation peut s’inscrire dans le cadre d’un Marché public global de performance, le nouvel outil contractuel mis à disposition des maîtres d’ouvrage depuis 2016. « À partir des résultats de notre laboratoire pilote, nous disposons d’une connaissance approfondie des lixiviats. Grâce à ces essais et à notre expérience du traitement sur plus de cent ISDND, nous pouvons ainsi nous engager auprès de nos clients et délivrer des garanties de performance de nos procédés dans le temps », poursuit-il.
La source d’énergie disponible sur le site est aussi un facteur essentiel pour le choix de la filière. « Les coûts de fonctionnement pouvant varier si le centre de stockage est isolé, ou s’il est déjà équipé d’une chaudière ou d’une unité de recyclage du biogaz », précise William Buquet, ingénieur d’affaires chez Exonia. Depuis quatre ans, ce spécialiste de l’évaporation industrielle propose en phase d’études sa “machine pilote” : une unité mobile et modulable selon les procédés développés par Exonia. L’essai se fait le plus souvent en atelier mais la machine peut aussi être installée sur place. « Ce projet pilote nous permet de confirmer les performances de la filière choisie et d’optimiser les caractéristiques de traitement », résume l’ingénieur d’affaires.
Spécialisée dans les techniques membranaires, Firmus France propose également, au sein d’une plateforme technique, différents bancs test et pilotes permettant de réaliser des essais dans le cadre de prestations de service, pour tester ou encore évaluer l’efficacité d’un traitement. Ainsi en Corse, près de Propriano, des essais reposant sur une osmose inverse double passe ont permis la faisabilité d’une unité en container capable de traiter 120 m³/jour de lixiviat.
Les connaissances se précisent
Grâce aux études et aux suivis des lixiviats depuis 20 ans, certaines tendances se dessinent désormais pour le choix des filières. Le bioréacteur à membrane, associant un traitement biologique à de la filtration, reste une technique couramment installée. Elle peut être complétée par une nanofiltration ou un procédé d’osmose inverse pour garantir des normes de rejet très restrictives. « L’osmose inverse joue le rôle de barrière absolue. Elle est capable de traiter d’importants volumes et de produire une excellente qualité de l’eau en rejet. L’inconvénient reste la production de concentrats. Auparavant, ceux-ci étaient renvoyés dans la décharge, ce qui participait à augmenter la charge en polluants des lixiviats du site qui dans le temps peut complexifier le traitement. Désormais, les industriels préfèrent traiter leurs concentrats sur site à partir des techniques par évaporation pour éviter d’avoir à exporter ces volumes vers des centres de traitement extérieurs », commente Jean-Luc Mangiacotti.
Ces procédés thermiques permettent en effet une concentration maximale de la pollution. « Notre procédé Ecostill peut être utilisé en complément d’un procédé d’osmose inverse pour traiter la saumure, mais il peut aussi être utilisé en substitution », complète Thierry Satgé, directeur opérationnel chez TMW Tehnologies. Le procédé Nucleos d’Aeroe utilise l’évaporation naturelle. Cette technique modulable garantit zéro rejet liquide, les rejets étant dissous sous forme de vapeur dans l’air. « Les émissions dans l’atmosphère sont systématiquement contrôlées en sortie. Pour garantir les performances de nos installations, nous procédons à un nettoyage régulier des surfaces d’échange de nos évaporateurs. Si cela est possible, nous proposons aussi à nos clients une valorisation des biogaz en sortie », précise Philippe Stock, directeur chez Aeroe.
La principale caractéristique de l’Evapo-concentrateur CMV de KMU Loft est l’économie d’énergie, la vapeur compressée mécaniquement étant réutilisée pour chauffer et distiller l’effluent à traiter.
Sa conception permet de disposer d’un circuit thermique fermé qui garantit un rendement élevé et une faible consommation d’énergie. La pompe crée une circulation forcée à haute vitesse tandis qu’un système de séparateur cyclonique, assure un nettoyage optimal des vapeurs et une sécurité de fonctionnement des pompes à vide. Les évapo-concentrateurs de la gamme PROWADEST®/1 permettent de traiter de 180 m³ à plus de 15.000 m³ d’effluents par an.
Pour répondre à une norme moyennement contraignante, la solution privilégiée par Aqua Traitement ou Atlantique Industrie consiste à coupler traitement aérobie, anaérobie in situ en deux phases et à leur joindre en traitement final une adsorption sur charbon actif. Cette solution permet d’absorber de grands débits d’effluents faiblement concentrés, ce qui est rarement le cas des lixiviats, et de piéger la DCO dure.
Avec ses solutions sur site ou en cabanons, Atlantique Industrie se positionne sur le traitement in situ des petits débits par des solutions simples et économiques. Géré directement par l’exploitant, le procédé a pour intérêt principal l’absence de décanteur, le traitement biologique et la décantation qui se fait dans le même bassin. Les eaux étant carencées en carbone facilement assimilable par les bactéries, un ajout de carbone est nécessaire. Les eaux sont ensuite filtrées et débarrassées des éventuelles particules avant traitement sur charbon actif. Les boues sont purgées ou pompées selon les cas. Les installations fonctionnent en autonomie avec un automatisme simple et une supervision. Les coûts d’exploitation sont ainsi maîtrises et très réduits par rapport à des interventions externes ponctuelles.
La solution mobile est également privilégiée chez Biome qui déploie des unités opérationnelles complètes et autonomes de traitement par évaporation sous vide, composé d’un pré-traitement physico-chimique (aéro-flotateur), d’une ultra-filtration céramique et d’une osmose inverse double étage haute pression de finition. Pilotés par ordinateur, les perméats circulent d’étage en étage. Les saumures produites à chaque étage sont concentrées dans un étage spécifique et représentent 5 à 10 % du volume traité qui sont ensuite retraités par l’évaporateur.
Sur skids ou en conteneurs, faciles à transporter et à connecter, susceptibles d’être mises en service dans des délais très courts, ces unités mobiles également proposées par Aqua Traitements, GRS Valtech, Ovive, PLM Equipements, Semeo ou Vivlo, permettent aux exploitants de préserver leurs capacités d’investissement tout en faisant évoluer simplement leurs procédés de traitement. La facturation repose selon les cas sur de la location, du leasing ou sur un volume, par exemple le mètre cube traité.
Enfin, les traitements par phytoépuration, déjà approuvés dans l’assainissement des eaux usées, sont désormais plébiscités par les industriels. Contrairement aux autres techniques de traitement, elles sont simples d’exploitation et peuvent fonctionner sans apport d’énergie conséquente. Mais leur installation nécessite de la place. L’emprise au sol pour un traitement par phytoépuration peut représenter jusqu’à 1.000 m², contre 150 à 250 m² pour les autres techniques. « Les filtres plantés de roseaux répondent bien aux sites isolés qui produisent des quantités de lixiviats inférieures à 5.000 m³/an et dont les concentrations en azote sont relativement faibles », conclut Jean-Luc Mangiacotti. Serpol exploite depuis fin 2011 sur le site du Plantay (syndicat intercommunal Organom) un traitement des lixiviats selon son procédé Roseaulix. L’autorisation de rejet à été délivrée par la Dreal en décembre 2011. Le rendement épuratoire dépasse 95 %.
Présent historiquement sur les enjeux de stockage des déchets, Antea Group conçoit des sites pour limiter la production de lixiviats en phase exploitation et post exploitation, et réalise des études pour évaluer les volumes de lixiviats à traiter, identifier les solutions de traitement et assurer la maîtrise d’œuvre des installations.
S’il n’existe pas de solution type pour le traitement des lixiviats, c’est bien l’analyse des contraintes et des spécificités de chaque site qui doit orienter le choix le plus adapté, en combinant éventuellement plusieurs solutions.
Les principaux paramètres de celles-ci résidant notamment dans l’âge et la nature des déchets, les possibilités de rejet au milieu naturel, la sensibilité environnementale du site, la disponibilité d’énergie (en valorisant le biogaz produit), la place disponible sur site ainsi que les conditions météo locales.
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