Historiquement, les ultraviolets ont d’abord été utilisés en désinfection d’eau potable. Puis en industries, en piscines et en eaux de loisirs. Aujourd’hui, les applications se diversifient un peu plus encore vers des applications très spécifiques. Très dépendants des évolutions réglementaires, les UV-C pourraient bien trouver prochainement de nouveaux débouchés.
Comparé aux autres traitements utilisés en désinfection d’eau potable - chloration, ozonation, filtration - la désinfection UV a parfois donné l’impression de se situer en retrait, malgré des avantages avérés : une efficacité prouvée, une mise en œuvre simple, un faible coût d’exploitation et souvent l’absence de consommables chimiques. Des avantages qui font qu’aujourd’hui, la désinfection UV n’est plus seulement utilisée dans les filières de production d’eau potable. Elle se développe sur bien d’autres applications comme en témoigne l’expérience d’Abiotec, spécialisé dans la fabrication de réacteurs UV. « Quand nous avons créé Abiotec il y a trente-cinq ans, nous avons vite compris que les ultraviolets étaient un marché modeste au regard de la place occupée par le chlore et l’ozone, et que la seule façon de pérenniser notre activité était d’être présent dans toutes ses formes d’utilisation, explique Jean-Paul Sachoux, cofondateur et codirecteur d’Abiotec. Aujourd’hui, bien au-delà de l’eau potable, nous sommes également présents en sortie de station d’épuration, avant rejet au milieu naturel, ou lorsque l’eau est réutilisée pour des besoins variés. Nous sommes aussi présents dans de nombreuses industries, en piscines publiques, en traitements de surface, aquaculture… etc, et cette liste tend à s’allonger ».
Parmi les applications en développement, il y a le traitement des eaux ou de liquides de process industriels auxquels s’ajoutent les applications de recyclage et de réutilisation. Les UV-C percent également sur des marchés de niche comme l’élimination de l’ozone résiduel lorsqu’il est utilisé ou également en réduction de teneur en chlore dans les usines qui ont recours à des traitements par osmose inverse et qui souhaitent protéger les membranes.
Également en traitement de l’air, en amont des filtres stérilisants au sein des centrales de conditionnement de l’air chez les industriels qui veulent prévenir les problèmes de colmatage qui se rencontrent lorsque les germes s’accumulent sur les filtres : « En désinfectant l’air par rayons ultraviolets en amont des filtres stérilisants, on réduit la charge microbienne de l’air et on diminue le risque que ces filtres en viennent à se colmater, explique Jean-Paul Sachoux. C’est important parce que ces filtres coûtent cher à remplacer ».
Mais d’autres raisons poussent les fournisseurs à l’optimisme : c’est l’essor prévisible en France et dans le monde de la réutilisation des eaux usées traitées. Car tout le monde en convient : la ressource en eau est insuffisante et si réduire la consommation apparaît comme une solution de premier niveau indispensable, il faudra également développer la réutilisation des eaux usées et traitées. « Dans ces conditions, nous misons sur une accélération des projets de réutilisation des eaux usées, avec une place évidente à prendre pour la désinfection par rayons ultraviolets », estime Benoît Gillmann, fondateur et pdg de la société Bio-UV qui a investi plus de 7 millions d’euros au cours des dernières années pour financer des travaux de R&D. Mais pour que les projets se concrétisent, il faut que la réglementation évolue. « Le cadre réglementaire français, aujourd’hui, décourage les projets au lieu de les encourager, à cause d’exigences inadaptées, ce qui est très regrettable », déplore Benoît Gillmann. Les esprits y sont prêts et Bruxelles aussi, si bien que cette évolution est inéluctable. Mais quand ? Pendant que la France tergiverse, les applications se multiplient partout dans le monde et la concurrence se développe. Les industriels se préparent cependant. Le projet NOWMMA, piloté par Saur, est ainsi un projet démonstrateur de R&D qui vise la réutilisation d’eaux usées épurées à Mauguio et dans l’ensemble du bassin Méditerranéen incluant une filière Uv-C développée par BIO-UV. D’autres démonstrateurs s’apprêtent à voir le jour.
De nombreuses autres applications pourraient s’avérer prometteuses pour les UV sur le marché Français. « Nous pensons, par exemple, que les ultraviolets constituent un traitement pertinent pour lutter contre la présence de résidus médicamenteux, polluants émergents...etc », souligne ainsi Benoît Gillmann. Plus largement, le traitement des micropolluants pourrait reposer, au moins en partie, sur les UV. Comap a ainsi engagé un important programme de recherches sur le traitement des micropolluants par AOP (UV/C + Peroxyde d’hydrogène, voir EIN n° 384). Trojan, par le biais de son procédé d’oxydation UV Swift ECT (Environmental Contaminant Treatment) basé sur la création de radicaux hydroxyles via la photolyse UV du peroxyde d’hydrogène, travaille également sur le sujet tout comme RER.
Bref, les UV-C n’ont pas fini d’élargir leur champ d’applications.
L’eau potable : les réacteurs dédiés se conforment aux nouvelles dispositions
L’utilisation des UV comme moyen de désinfection de l’eau dans les usines de potabilisation ne date pas d’hier. Reste que jusqu’à récemment, rien ne permettait de garantir l’efficacité des réacteurs de manière encadrée. Pour combler ce manque, le législateur a introduit plusieurs textes réglementaires parmi lesquels l’arrêté du 9 octobre 2012, qui définit les conditions de mise sur le marché des lampes à rayonnements ultraviolets destinées à être utilisées dans les installations de traitement pour la production des eaux de consommation humaine.
Ainsi aujourd’hui, le responsable de la mise sur le marché d’un réacteur doit réunir plusieurs éléments, à commencer par une certification d’un laboratoire indépendant qui valide l’efficacité de l’appareil, plus l’attestation de conformité sanitaire ou ACS. Ces nouvelles dispositions, entrées en application au 1er janvier 2016, ont entraîné un renouvellement en matière d’offre de réacteurs. « Nos appareils sont maintenant testés par biodosimétrie, explique Jean-Paul Sachoux chez Abiotec. Dans les conditions normales ou prévisibles d’emploi, ils doivent permettre d’obtenir une efficacité minimale d’inactivation de 4 log vis-à-vis des bactéries et de 3 log vis-à-vis des protozoaires Cryptosporidium et Giardia. C’est un protocole qui est aujourd’hui entièrement standardisé. Les centres agréés pour la réalisation des tests contaminent l’eau à l’entrée du réacteur et observent la qualité à la sortie, ils déterminent de cette manière la plage de débits sur laquelle le réacteur satisfait les exigences réglementaires d’efficacité ». Si ce protocole de validation renforce les garanties liées à son utilisation, il coûte cher aux fabricants qui ont dû engager de lourds investissements, on parle de dizaines de milliers d’euros en moyenne pour un réacteur. Un effort d’autant plus important que l’attestation est délivrée à un réacteur conçu et monté dans une configuration définie : si le nombre de lampes, la longueur du réacteur ou si le type de raccords change, alors le fabricant doit présenter un nouveau dossier. Des exigences qui ont contribué les fabricants à se concentrer sur les gammes les plus demandées générant ainsi un rétrécissement global de l’offre. « Pour la production des eaux de consommation humaine, nous offrons aujourd’hui une gamme de 10 réacteurs agréés au lieu d’une cinquantaine de réacteurs auparavant », explique Jean-Paul Sachoux. Conséquence indirecte, sur les petites installations de potabilisation, les exploitants doivent parfois se rabattre sur un réacteur plus puissant que nécessaire. De même en matière de contraintes de mise en œuvre : les petites installations sont souvent confrontées à des problèmes d’encombrement, or l’ACS ne permet pas d’écarts par rapport aux conditions d’utilisation pour lesquelles le réacteur a été agréé.
Pour le reste, la façon d’aborder les projets ne change pas. Le choix parmi les modèles est fonction de cinq critères : le débit instantané, le niveau d’abattement germicide recherché, la transmittance de l’eau entrante, et enfin les contraintes d’encombrement.
« Pour ce qui nous concerne, nous proposons une gamme de douze réacteurs agréés sur une plage de 2 à 400 m³/h, avec la possibilité de monter ces réacteurs en vertical ou en horizontal selon les contraintes d’encombrement, explique Stéphane Sadoun, Directeur de l’activité UV France de l’entreprise Katadyn qui commercialise cette gamme de réacteurs sous la marque Aquafides. Éventuellement, nous pouvons aussi jouer sur la longueur des lampes. Chez nous, un réacteur comprend une à huit lampes : 300 W pour la plus courte et 400 W pour la plus longue ».
Tout comme Suez avec sa gamme de produits Aquaray® ou Xylem via sa marque Wedeco (gammes Spektron et Quadron) ou encore BIO-UV qui propose une gamme d’appareils allant de 2 à 700 m³/h certifiés ÖNORM et valables dans le monde entier, UvGermi propose également une gamme de 9 réacteurs de 3 à 700 m³/h disposant d’une ACS-UV conformément à l’arrêté du 09/10/12. L’entreprise a également annoncé le lancement au mois de mars 2017 de sa machine ACS 1.000 m³/h, l’une des plus importantes capacités de traitement de l’eau potable en basse pression en Europe.
Pour répondre aux spécificités du marché français, LIT UV offre une gamme complète de systèmes de désinfection UV répondant aux exigences de l’ACS UV. Ces systèmes font partie de la série DUV/A qui regroupent des systèmes par réacteur fermé (pressurisé) avec une orientation des lampes parallèle au débit. Par ailleurs, deux grands réacteurs de LIT UV ont récemment obtenu la certification conformément à la norme allemande DVGW. Les nouvelles unités sont équipées avec le dernier modèle de réacteur utilisant la technologie de lampes UV à amalgame haute puissance et des systèmes de nettoyage de pointe. Elles permettent d’atteindre des capacités de traitement certifiées jusqu’à 2.400 m³/h par réacteur, l’une des plus grandes capacités au niveau mondial.
Quant aux tests de validation, ils sont très codifiés et réalisés en centres agréées, en faisant varier le débit et l’intensité de rayonnement vis-à-vis des micro-organismes tests. Les valeurs d’abattement en sortie des réacteurs sont reportées sur une courbe dose - réponse, de façon à déterminer si le réacteur satisfait les exigences d’efficacité. Le protocole de validation impose une Dose de Réduction Équivalente (DRE) égale à 400 J/m². Seulement trois centres sont habités à réaliser ces essais : le DVGW en Allemagne, l’ÖNORM en Autriche et NSF aux États-Unis. En France, le fabricant doit ensuite déposer un dossier administratif auprès des laboratoires Eurofins ou Carso pour que l’agrément soit officiellement enregistré. La liste des réacteurs ayant obtenu une ACS est disponible auprès de ces laboratoires.
Autre champ d’application important pour les UV, le traitement des eaux de piscines.
Eaux de piscine : vers une évolution réglementaire
Plus de 2.000 : c’est le nombre de réacteurs UV installés en France dans des piscines recevant du public. Généralement insérés après l’unité de filtration sur la filière de traitement des eaux, ils sont fournis par BIO-UV, Abiotec, Cifec, Comap, Eufor Inter ou UVGermi et ont vocation à réduire, par photo-décomposition, la concentration en chlore combiné dans les eaux des bassins. Quelle est leur efficacité ?
L’Anses, saisie sur le sujet, a publié en décembre 2015 un avis d’une centaine de pages librement téléchargeable. Il en ressort que les rayonnements UV ont bien pour effet de dégrader les molécules non désirables issues de la réaction entre le chlore utilisé pour désinfecter les eaux des bassins et les composés organiques et minéraux apportés par les baigneurs. Leur efficacité varie selon la typologie des molécules et les conditions de fonctionnement des piscines. L’ANSES dans son avis recommande l’utilisation de gaines quartz coupant les longueurs d’ondes inférieures à 240 nm, ce qui permet de ne pas générer de sous-produits indésirables. Aujourd’hui, la plupart des réacteurs sur le marché sont conformes à cette recommandation. L’intérêt majeur des UV en piscine collective est de préserver la santé des baigneurs, des maîtres nageurs et des sportifs contre les effets des tri-chloramines qui ont un impact certain sur la santé, ces maladies étant reconnues en maladie professionnelle.Du côté des fabricants, on prend note, tout en considérant que le cadre des exigences est encore largement incomplet. Il manque une réglementation à part entière, selon eux. « Le signe en est que, même pour les trichloramines, qui provoquent des irritations des yeux, de la peau et des muqueuses chez les baigneurs et chez les maîtres-nageurs, il n’existe pas de valeur maximale réglementaire en tant que telle, explique Guerric Vrillet, directeur technique chez UV Germi. La seule valeur de référence est une valeur définie par l’INRS, fixée 0,5 mg/m³. Si on élargit les paramètres, il existe aussi une valeur de référence définie par l’Anses, fixée à O,3 mg/m³, mais qui concerne le taux maximal de trichloramine dans l’air et non dans l’eau. La référence à l’heure actuelle, c’est le taux de chlore combiné (ensemble des mono, di et tri-chloramines) dans l’eau qui doit réglementairement être inférieur à 0,6 mg/l ».
En attendant une évolution de la réglementation qui tarde à venir, les fabricants proposent différentes gammes dans lesquelles on trouve des réacteurs équipés de lampes basse pression émettant à λ=254 nm mais surtout des lampes moyenne pression émettant entre λ=200 et 350 nm. « En règle générale, les lampes basse pression peuvent suffire pour les petits débits, estime Benoît Gillmann chez Bio-UV. Il faut en revanche privilégier les lampes moyenne pression pour les débits plus importants car la largeur de leur spectre d’émission est plus efficace sur la réduction des trichloramines (celle qui est la plus nuisible). Pour ce qui nous concerne, nous offrons des appareils qui garantissent une réduction de 50 à 75 % du taux de chlore combiné pour atteindre un niveau moyen de 0,1 à 0,3 ppm ». Ce sont aussi des repères utiles à connaître : chaque lampe délivre une dose de rayonnements UV comprise entre
16 MJ.cm-² (uniquement pour des lampes BP) et 60 mJ.cm-² (lampes BP ou MP). La dose UV délivrée joue un rôle essentiel dans la nature et la concentration des sous-produits formés lors de l’irradiation des eaux de piscines.
La fiabilité et la simplicité d’utilisation restent également des critères essentiels sur lesquels les fabricants portent de gros efforts. Ainsi, UVGermi a mis au point, pour les applications de déchloramination, une gamme dédiée de réacteurs sans aucun capteur et avec un seul voyant vert par lampe en façade. « C’est simple : si le voyant est vert, la lampe fonctionne correctement, s’il est rouge, la lampe ne fonctionne pas ou mal », souligne Guerric Vrillet. Le traitement des eaux de piscines requiert un matériel simple à exploiter et accessible à des agents qui ne peuvent pas tout connaître des UV. En ce domaine comme dans bien d’autres, la sécurité découle parfois de la simplicité….