Ça fait bien longtemps que la variation de vitesse a été identifiée dans le domaine de l’eau comme un facteur clé de l’efficience énergétique. Pourtant, sur le terrain, les gains restent parfois difficiles à quantifier et ils sont assez variables d’un site à l’autre, parfois même sur des applications comparables. C’est que la mise en œuvre d’une variation de vitesse reste une opération délicate.
Les bénéfices qui peuvent être tirés de la mise en place d’une variation de fréquence sont multiples : des économies d’énergie bien sûr, mais aussi un process optimisé (rendement, réactifs…), usure de l’installation et niveau sonore moindres, des fonctionnalités étendues (ex : télégestion, analyses de consommations), etc.
Voilà pourquoi, cette solution qui permet de contrôler la vitesse de rotation des pompes et autres machines tournantes est fréquemment mise en œuvre dans les stations d’épuration, stations de relevage, usine de production d’eau potable et réseaux d’eau potable ou usée.
Toutefois, chaque cas reste particulier et nécessite un examen approfondi avant d’opter pour cette voie. Plusieurs critères, d’ordres techniques et financiers doivent en effet être pris en compte : durée annuelle de fonctionnement, variation de charge, coûts et tarifs de l’électricité, rendement moteur sur les différentes plages de fonctionnement, caractéristiques du réseau, durée de vie des équipements, dimensionnement des accessoires etc. Une étude poussée du contexte et de l’installation est donc toujours nécessaire pour cerner correctement les besoins.
La variation de fréquence ne doit pas être considérée comme une solution miracle susceptible de résoudre tous les problèmes. Mais judicieusement mise en œuvre, elle constitue sans conteste une source d’économies d’énergie, avec un retour rapide sur investissement, de l’ordre de un à trois ans en moyenne. Et une solution de choix face à l’importance du poste énergie sur certaines applications (aération, pompage…) sans oublier le contexte réglementaire : Directives ErP avec obligation réglementaire liées aux rendements des moteurs, incitations fiscales telles que les certificats d’économie d’énergie (CEE), etc.
L’offre, dans le domaine de la variation de fréquence est portée par des électroniciens ou des automaticiens comme Danfoss, ABB, Siemens, Rockwell Automation, Eaton, WEG, Fuji Electric, Gefran, Leroy-Somer, Mitsubishi, Omron, IP Systèmes ou Schneider Electric. Mais les fabricants de pompes comme Grundfos, KSB, Xylem, Wilo ou encore Sulzer proposent également des systèmes intégrant des systèmes élaborés de variation de fréquence sur leurs propres pompes. C’est également le cas des fabricants de compresseurs tels qu’Aerzen, Atlas Copco, Kaeser Compresseurs, Sulzer, Continental Industrie ou Gardner Denver, division Robuschi.
Atlas Copco a été le pionnier de l’intégration des variateurs de vitesse dans les armoires électriques de ses compresseurs et surpresseurs d’air, toutes technologies confondues (vis, lobes, centrifuge). Cela a permis de réduire les coûts d’installation en raccordant directement le variateur au moteur spécifiquement adapté à cet usage et à garantir une large plage de régulation. Cette solution technique permet des économies d’énergie pouvant atteindre en moyenne 35?% car dans la plupart des environnements de production, plusieurs facteurs contribuent à la variation de la demande d’air (moment de la journée, de la semaine ou même du mois). « Des mesures et études approfondies des profils de demande d’air comprimé montrent que dans 92?% de l’ensemble des installations de compresseurs et de surpresseurs, la demande d’air varie significativement, estime-t-on chez Atlas Copco. Seules 8 % des installations montrent une demande d’air plus stable. Des tests ont prouvé que même dans ce cas de figure, les compresseurs et surpresseurs VSD permettent de réaliser des économies d’énergie ».
Assurer productivité et longévité
En régulant la vitesse des pompes et des machines tournantes en fonction des besoins, les variateurs permettent aux exploitants de réseaux d’eau potable d’assurer à la fois la productivité et la longévité de leurs installations, tout en diminuant leur consommation en énergie. « En réduisant de
20 % la vitesse de la pompe ou du débit, il est possible d’obtenir jusqu’à 50 % d’économies d’énergie, indique Jean-Philippe Peschet, Business Developer Segment Eau chez Danfoss. Mais au-delà de ces gains, nos variateurs participent aussi à la longévité des équipements, notamment en réduisant les risques de coups de bélier ». En eaux usées aussi, notamment sur des applications très gourmandes, les gains peuvent s’avérer substantiels : « la commande des équipements de production d’air comprimé aux fins d’aération avec des variateurs de vitesse génère, en moyenne de 30 à 50 % d’économies d’énergie », ajoute-t-il.
Pour l’affirmer, la plupart des fabricants s’appuient sur des cas concrets, chiffres à l’appui. Dans la station de traitement des eaux usées de Horsens Vand (Danemark), trois pompes d’eaux usées ont par exemple été récemment remplacées par des pompes Hidrostal et des moteurs électriques Leroy-Somer associés à des variateurs de vitesse Powerdrive. Résultat : des économies moyennes de 20,5 % en termes de kWh consommés par tranche de 1.000 m3. Sur la station de traitement des eaux usées de Marselisborg, à Aarhus au Danemark, l’installation de 140 variateurs Danfoss VLT® AQUA Drive sur des mélangeurs, des compresseurs, des pompes… etc a permis de produire 140 % d’électricité (40 % de surplus) et 2,5 GWh de chaleur excédentaire qui ont pu être utilisés dans le système de chauffage urbain de la ville, réduisant ainsi substantiellement son empreinte carbone. Autre exemple : la mise en place d’une vitesse variable chez un client de KSB - le fabricant de peinture en poudre VLG - Chem - aurait été amortie en 15 mois, avec un gain énergétique voisin de 65 %.
Sur un réseau bouclé, donc sans hauteur à franchir, les variateurs de fréquence permettent de réaliser des économies d’énergie car on évite d’avoir à vaincre trop de pertes de charges.
Attention toutefois aux configurations nécessitant de franchir une hauteur géométrique importante. « Les variateurs de fréquence vont à l’encontre de l’objectif recherché quand on a une proportion importante de hauteur à franchir vis-à-vis de la pression totale, prévient ainsi Michel Leromain, Responsable Support technique de Sulzer Pompes France. La diminution du débit s’accompagne de divers inconvénients. Sur un réseau “ouvert” dont la hauteur à franchir représente une part non négligeable de la pression totale en sortie de pompe, l’analyse montre que l’on détruit le rendement hydraulique en diminuant le débit ».
De plus, sur des moteurs asynchrones, le rendement du moteur chute avec la puissance qui diminue ainsi que sur le variateur. Au final, l’objectif d’économie recherché dans ce type de configuration peu s’avérer illusoire. La mise en place d’un dispositif de variation de vitesse n’est pas systématiquement la bonne solution. « Le choix de la solution doit se faire en fonction du process client, soit sur du DOL avec éventuellement un soft starter et de la variation de vitesse », confirme-t-on par exemple chez Siemens. Voilà pourquoi la société a développé l’IDS (Integrated Drives Systems) permettant de proposer la meilleure solution possible et la plus intégrée possible, en fonction de l’application. L’intégration peut être horizontale, c’est-à-dire au niveau de la transmission entre le moteur, le convertisseur, le réducteur et l’accouplement, ou peut se poursuivre verticalement dans l’environnement d’automatisation.
Associer optimisation, contrôle de process et remontée d’informations
Les variateurs ont progressé ces dernières années sur plusieurs aspects dont la communication et la digitalisation qui tend à modifier leur positionnement au sein des systèmes. « Le variateur doit être un constituant de l’industrie connectée et à ce titre, il doit être à même d’envoyer des informations à l’automate ou à l’opérateur sur tous les supports numériques ou digitaux : envoi d’alertes SMS, page Web…, estime par exemple Edouard Van den Corput, Responsable Offre Variation de Vitesse Marketing Automatismes Industriels chez Schneider Electric. Au niveau de la digitalisation, l’information provenant du variateur doit être dématérialisée et toujours à jour. L’accès au cloud de la base de données peut être réalisé au travers de QR codes qui s’affichent sur le variateur ». Le variateur n’est donc plus un simple constituant d’automatisme, mais un outil au service de l’exploitant capable de délivrer des informations orientées services. Une évolution génératrice de productivité et de flexibilité, conformément aux exigences de la mutation industrielle avec l’usine connectée.
Autre aspect essentiel : la disponibilité de l’outil de production, tant en exploitation qu’en maintenance. Pour Edouard Van den Corput, la tendance actuelle n’est plus de commander simplement un moteur avec un variateur, mais d’intégrer l’îlot applicatif dans son ensemble. Ceci permet de ne plus travailler sur des grandeurs électriques, mais de modéliser l’application de l’exploitant en lui fournissant des informations en lien avec son métier. Dans le cas d’une pompe par exemple, cela permettra de visualiser les caractéristiques et le point de fonctionnement par rapport au débit et à la hauteur de la colonne d’eau. Cette fonctionnalité permet un meilleur suivi du process et de ses consommations avec une analyse de la dérive du point de fonctionnement. Ainsi, une maintenance préventive peut être mise en place, évitant au maximum tout arrêt de production non planifié.
Prendre en compte tous les facteurs liés à la variation de vitesse
Sur le marché de l’assainissement, les liquides ne sont pas “limpides” et le contenu en matières diverses augmente de plus en plus avec la diminution de la consommation d’eau et les nouvelles habitudes de consommation (ex : lingettes). Dans un réseau d’assainissement, par exemple, la mise en œuvre d’un variateur doit être étudiée attentivement afin de toujours avoir une vitesse suffisante pour assurer l’auto curage du réseau. Si la diminution du débit entraîne des dépôts (sables en bas, graisses en haut des canalisations), alors la section des tubes se réduit entraînant des pertes de charges substantielles. « Perdre 10 % de section, conduit à une augmentation de vitesse à débit égal de 21 %, soit une augmentation des pertes de charges de plus de 46 % », précise Michel Leromain, Responsable Support technique de Sulzer Pompes France.
Il faut aussi pouvoir bénéficier d’un couple suffisant pour passer dans l’hydraulique, surtout au moment du démarrage, les objets solides que l’on trouve actuellement dans les réseaux. « Le variateur propose en général une fonction “boost” de 150 % du couple nominal, ajoute Michel Leromain de Sulzer. Ceci reste malgré tout éloigné du couple disponible sur le moteur en cas de démarrage direct - de l’ordre de 500 % à comparer aux 150 %… - ou par démarreur : leur fonction “boost” procure les 500 % de couple nominal pendant un nombre de période limité ».
Enfin, attention de ne pas faire endosser aux seuls variateurs de fréquence le rôle d’anti-bélier, fonction parfaitement assumée en fonctionnement normal, qui s’avèrera illusoire en cas de panne de courant.
Même son de cloche chez Xylem : « selon les utilisateurs ou exploitants, selon les types d’installations, les problématiques peuvent être très différentes, confirme Mouthou Soudarissanane, Manager Monitoring and Control Xylem France. La volonté de réduction de la consommation énergétique devient bien entendu commune à tous les métiers, mais pour utiliser la variation de vitesse dans le domaine des eaux usées, d’autres facteurs doivent être pris en compte, par exemple le risque accru de colmatage ».
Au final, il est donc très important de faire appel à des experts du pompage ou de l’agitation, pour obtenir une solution sur mesure.