L’étude de suivi in situ de 246 installations d’ANC pilotée par le Groupe National Public a livré des résultats inquiétants sur la qualité des eaux usées traitées et la fréquence des opérations de dépannage de certaines filières d’ANC. Mais les problèmes mis en lumière par cette étude ne sont pas insolubles. L’ANC reste “la” solution pour traiter les eaux usées issues d’une habitation isolée. À la condition de professionnaliser la filière. Et définir des exigences complémentaires autour du produit.
Quel est l’avenir de l’assainissement non collectif
en France ? Cette simple question aurait pu paraître incongrue il y a à
peine quelques mois. Elle ne l’est plus aujourd’hui, tant les remous créés par
la publication de l’étude du Groupe National Public (GNP) sont importants (Voir EIN n° 404).
Que dit cette étude ?
Que sur 21 dispositifs étudiés, seuls 5 seraient aptes
à délivrer une qualité d’eau acceptable alors que la plupart de ces
assainissements ont moins de 4 ans. Si l’on intègre à ces résultats le critère
lié à l’entretien, seuls 3 de ces dispositifs donneraient des résultats
satisfaisants. Au total, et sur la base des critères retenus dans cette étude,
12% seulement des dispositifs agréés étudiés répondraient au qualificatif
d’acceptable, à la fois vis-à-vis de la qualité des eaux usées traitées et de
la fréquence d’entretien. Un coup de tonnerre, dans la mesure ou même si les
filières traditionnelles restent largement majoritaires en France, les filières
agréées, fortement mises en cause dans cette étude, progressent vite.
La réaction des industriels était donc très
attendue, de même que leurs propositions concrètes pour faire de l’ANC un
assainissement fiable et pérenne. Elles ont été formulées par l’IFAA, le
syndicat historique de l’ANC, au cours d’une Conférence de Presse le 4 octobre
dernier. Jérémie Steininger, son secrétaire général, s’est d’abord attaché à défendre
la nécessaire diversité des filières. « En assainissement individuel, les besoins d’hier ne sont plus ceux
d’aujourd’hui, a-t-il expliqué. Le
mouvement observé des filières traditionnelles vers les filières agréées, plus compactes,
s’explique notamment par la diminution de la surface des parcelles et par
l’évolution des mœurs qui font aujourd’hui du jardin une nouvelle pièce à vivre.
On ne souhaite plus consacrer un pourcentage important de sa parcelle à sa
filière d’assainissement ».
L’ANC traditionnel subit en quelque sorte la
concurrence de la terrasse, de la pergola ou de la piscine, ce qui profite aux
filières agréées.
Les attentes évoluent également : les particuliers
souhaitent associer leur assainissement à un dispositif performant, visitable, facile
à réhabiliter, qui réponde aux objectifs de résultats et qui offre de la
visibilité grâce au marquage CE. « En
matière d’ANC, il n’y a pas “une” mais “des” solutions techniques qui sont
complémentaires et qui ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients,
a souligné Jérémie Steininger. C’est pourquoi l’IFAA représente l’ensemble
des filières ».
Reste que cette diversité doit s’accompagner d’un niveau de performances sinon égal, au moins équivalent, ce qui ne correspond pas aux conclusions de l’étude du GNP. Conclusions qui doivent être relativisées selon le syndicat qui a souligné que « si l’on prenait comme base le prélèvement 24 heures reconnu comme le plus représentatif ainsi que les paramètres règlementaires MES et DBO5, les résultats changeraient de manière significative, en passant de 20 % de conformité aux rejets à plus de 50 % ». Un autre grief, formulé par l’IFAA, concerne la représentativité de l’étude qui doit conduire à nuancer ses résultats. « 18 dispositifs, soit 17 % des installations étudiées, ont été évalués en “qualité de l’eau” et “fréquence d’entretien” alors qu’il existe 4 filières traditionnelles et 101 dispositifs agréés, a souligné Jérémie Steininger. Quelles conclusions tirer de cette étude dès lors que 83% des dispositifs n’ont pas été évalués ? ».
A l’appui de sa démonstration, l’IFAA cite en exemple
« l’étude du Tarn » réalisée par Veolia avec l’agence Adour-Garonne
de 2008 à 2014 sur 66 installations, à laquelle ont été associés les
industriels, contrairement à l’étude du GNP. « Cette étude montre que quand les filières sont bien conçues, biens
installées et bien entretenues, 90 % des mesures de qualité d’eau usée traitée
sont conformes à la réglementation sur la base des échantillons 24 heures »,
a souligné le secrétaire général de l’IFAA.
De même, l’étude réalisée par le Satese
d’Indre-et-Loire sur 3.000 diagnostics réalisés de 2011 à 2014 (Voir EIN n°404)
confirme que les filières traditionnelles, comme les autres, requièrent un
entretien et une surveillance régulière. « Ces filières vieillissent bien dès lors qu’elles sont adaptées au
terrain, qu’elles sont bien réalisées et régulièrement entretenues », a
indiqué Jérémie Steininger.
Car l’entretien régulier des installations reste
une question clé : quoique indispensable au bon fonctionnement de toutes
les installations quelle que soit la filière à laquelle elles appartiennent, il
reste facultatif et rien n’oblige l’usager à s’en préoccuper.
D’où la campagne initiée il y a deux ans par l’IFAA
sur le thème “l’ANC mérite mieux” (Voir EIN n°398) et qui rassemble quelques principes
simples mais susceptibles de professionnaliser la filière en d’évoluant vers un
ANC pérenne et de qualité.
Parmi les principales propositions, une absence
totale de vidange pendant les essais de marquage CE (12 mois) et l’instauration
d’une étude préalable de conception à la parcelle pour évaluer notamment l’aptitude
du sol à évacuer les eaux usées traitées et informer l’usager également sur les
conditions d’entretien et de maintenance des différentes installations. « Cette étude, réalisée par un bureau d’études
compétent, couvert par une assurance garantie décennale, permettrait de
sécuriser la filière en apportant un service à l’usager, a expliqué Christian
Emmanuel, Président de l’IFAA. La
réception des travaux, avec la signature d’un procès verbal, serait également
un élément fondamental. Elle attesterait que le prestataire a bien réalisé son
travail de mise en œuvre et qu’il a bien transmis à l’usager les informations
nécessaires sur l’entretien et la maintenance. L’assurance décennale permettrait
de couvrir les problématiques susceptibles de survenir durant les
premières années de la vie de l’installation ».
Enfin, et pour régler la délicate question de
l’entretien et de la maintenance, l’IFAA, qui gère au travers de ses adhérents
plus de 20.000 contrats d’entretien volontaires sur des filières agréées,
préconise l’instauration d’une visite annuelle de vérification pour toutes les
installations, assortie d’une attestation de réalisation des opérations
d’entretien, qui favoriserait un entretien préventif en lieu et place des
interventions curatives qui prédominent aujourd’hui.
« Les études
de suivi in situ ont tendance à focaliser de manière excessive sur le produit,
or tout ne repose pas sur celui-ci, a insisté Christian Emmanuel. Les exigences qui pèsent sur le produit
doivent s’accompagner d’une professionnalisation de la filière. L’IFAA se tient
à la disposition des différents ministères pour évoquer les améliorations à
apporter et poursuivre la professionnalisation du secteur ».
Vincent Johanet