En Assainissement non-collectif, les microstations gagnent du terrain et séduisent un nombre de plus en plus important d’usagers à mesure que l’offre s’élargit et se diversifie. Cultures libres, SBR, cultures fixées ou lits fluidisés permettent de répondre à des problématiques techniques et financières différentes. Explications.
Les microstations ne représenteraient en France que 50.000 installations, soit 2 % du parc selon l’IFAA qui représente les industries et entreprises de l’assainissement autonome, de 100.000 à 140.000 selon certaines études de marché, et jusqu’à 1.200.000 selon l’institut allemand PIA (20 % du parc) chiffre repris par l’Onema en 20101. Un taux de pénétration plutôt modeste rapporté aux 4 millions d’installations d’ANC recensées en France, surtout si on le compare aux 1.300.000 installations recensées en Allemagne qui représentent 80 % du parc, ou des 300.000 installations implantées en Belgique. Il est vrai que ces pays ont très tôt autorisé les microstations comme dispositif de traitement, contrairement à la France qui les a longtemps limitées au traitement primaire avant de les intégrer dans sa réglementation en 2009.
Mais même si, comme le souligne Marc Sengelin, Président de l’IFAA, « Le marché français reste, pour des raisons historiques et culturelles, plutôt orienté vers la filière traditionnelle et les filtres compacts », le nombre de microstations en service progresse régulièrement. « Aujourd’hui, une petite moitié des 100.000 nouveaux dispositifs de traitement individuels installés chaque année en France serait des dispositifs agréés et la moitié d’entre eux seraient des microstations » indique-t-il.
Un démarrage difficile
Depuis les agréments, les choses se sont cependant arrangées, même si tous les fabricants conviennent qu’un produit agréé ne fonctionne pas forcément correctement sur le terrain du fait de son seul agrément. « Des microstations, il y en a des bonnes, il y en a des mauvaises, il faut sortir des préjugés et créer les conditions d’une exploitation correcte et pérenne de ces outils, explique-t-il. Une microstation bien conçue, bien installée et bien entretenue fonctionne au moins aussi bien que n’importe quelle filière traditionnelle ». Car l’usager, pour qui la qualité du traitement est garantie par l’agrément obtenu, ne s’embarrasse pas de considérations inutiles. Il manifeste une appétence certaine pour les produits agréés, notamment pour les microstations. Les raisons de cet engouement ? « Une emprise au sol réduite qui leur permet de répondre à la diminution de la surface moyenne des parcelles, leur prix à l’achat, leur robustesse et leur durabilité », comme l’explique Sergio Napolitano, Marketing Manager chez Eloy Water qui commercialise depuis 1965 des microstations d’épuration et plus récemment des filtres compacts, autre équipement très prisé au sein des filières agréées. Si bien qu’aujourd’hui, qu’on le regrette ou que l’on s’en félicite, les microstations ont conquis une vraie place et répondent à une demande soutenue du marché. Comme tous les autres dispositifs z’assainissement non collectif, elles ont cependant leurs avantages et leurs inconvénients.
Pour élargir leurs marchés et répondre aux préoccupations de leurs clients, les fabricants se sont attachés, au fil des années, à multiplier les développements technologiques susceptibles de répondre à la plupart des configurations. L’offre s’est ainsi peu à peu diversifiée, si bien que la difficulté, pour les particuliers comme pour les petites collectivités, reste de choisir, une fois le type de dispositif de traitement déterminé, la microstation la plus adaptée à ses besoins.
Trois grandes familles de procédés
Les microstations à cultures libres de type SBR (Sequencing Batch Reactor), nées de la volonté de réduire les volumes des dispositifs de type “boue activée”, centralisent la réaction biologique et la clarification au sein d’un même compartiment par le biais de phases de traitement successives. Le volume dédié au clarificateur est supprimé et la décantation finale se déroule dans la cuve d’aération grâce à une alternance des phases d’aération et de sédimentation. Actibloc® de Sotralentz Habitat France, EasyOne de Graf, Puroo d’ATB, Vodalys d’Adis-Exhen, Solido® de Premier Tech Aqua ou encore Innoclean Plus de Kessel reposent sur un procédé de type SBR.
Les microstations Tricel exploitent ainsi un support bactérien à grande surface fixe et immergé, qui prend la forme de nid d’abeilles, spécialement conçu pour favoriser le développement des bactéries. Celles-ci sont alimentées en oxygène en continu grâce à un compresseur situé en général au sommet de la cuve. Les eaux prétraitées transitent à travers les nids d’abeille permettant aux bactéries de dégrader les polluants contenus dans les eaux usées. « Ce support ne se colmate pas et ne nécessite aucun entretien » souligne François Le Lan, directeur général chez Tricel. Même principe chez Eloy Water dont toutes les microstations reposent sur des cultures fixées sur un support immergé en nid d’abeilles et aéré en continu. Baptisé Oxybee®, ce support en polypropylène et en polyéthylène recyclé, ensaché dans des enveloppes en nylon pour éviter toute dissémination de micro-plastiques, a été spécialement conçu et fabriqué par les ingénieurs d’Eloy Water. « Ce support bactérien permanent en PP recyclé présente une surface spécifique de 200 m²/m³ et un pourcentage de vide de plus de 90%, souligne Sergio Napolitano. Cela permet, tout en conservant une emprise au sol très réduite, de développer une grande surface de développement pour les bactéries afin de dégrader la pollution sans risque de colmatage. La hauteur d'eau dans notre réacteur biologique, combinée avec nos Oxybees® conditionnées en sacs, permet un excellent taux de transfert d'oxygène et donc une dégradation optimale de la pollution à traiter ».
Chez Kingspan, la microstation se décline en deux technologies. La Bioficient+ (MBBR) et le BioDisc® à cultures fixées. Cette dernière repose sur des disques rotatifs semi-immergés sur lesquels se déposent les micro-organismes aérobies présents dans les eaux usées, permettant une dégradation rapide des polluants. Le réacteur biologique rotatif comprend plusieurs rangées de disques en polypropylène, formés sous vide et maintenus par un axe en acier actionné par un moteur électrique à faible consommation. Parmi les avantages de cette technologie, sa rusticité qui permet de réduire les frais d’entretien, la régulation du débit entrant grâce au Managed Flow System® pour supporter les variations de charge, et une faible consommation d'énergie.
Les cultures fixées sur supports mobiles mis en mouvement (MBBR pour Moving Bed Biofilm Reactor) est une variante plus récente qui repose sur le principe de l’IFAS (Integrated Fixed-film Activated Sludge) et qui permet, notamment, d’améliorer le comportement de la microstation en phase de sur ou de sous-charge organique et hydraulique. Ce procédé est exploité par la microstation à lit fluidisé Fluido® de Stoc Environnement, la PureStation PS6 d’Aliaxis, Hydrostep® de la société Hydréal, Fluidifix® de l’Assainissement autonome, Bioxymop® nouvelle génération de Simop, Aquameris de Sebico ou encore par la Picobells d’Hydrheco, cette dernière reposant sur un média dont la densité est égale à celle de l’eau. Le réacteur biologique est rempli de modules flottants et libres tenant lieu de support de fixation. La diffusion de l’air dans le réacteur est assurée de manière séquentielle par un aérateur à membrane microperforée, placé en fond de compartiment. Particularité de ce procédé : les bactéries sont toujours en contact avec les eaux usées, même si le niveau des effluents au sein de la cuve est bas.
La microstation Necor® de Remosa repose également sur des cultures fixées sur lit fluidisé. « L’avantage de ce système, c'est que la friction douce entre les supports en plastique, pendant l’aération du réacteur, permet de maintenir une concentration stable du biofilm accroché aux supports, sur une longue durée, en évitant leur colmatage, explique Carme Santasmasas, Directeur technique chez Remosa. En outre, ce support permet l’accès au système d’aération placé au fond du réacteur ».
Le procédé séduit pour ses différents avantages.
Mais quel procédé choisir et sur quels critères ? Pour Sergio Napolitano, chez Eloy Water, « Les facteurs susceptibles d’inciter à choisir tel processus épuratoire sont faciles à identifier comme la fréquence de vidange, l'impact paysager, la consommation électrique, le coût éventuel du remplacement ou de l'entretien du média, l'emprise au sol, l'absence d'odeur ... sans parler du prix. Nous privilégions des produits reposant sur des technologies simples et robustes avec de bons volumes de traitement. De plus, malgré le fait que nous maîtrisons la boue activée, nous estimons que la biomasse fixée présente plus d'avantages pour une application unifamiliale ». Ce que confirme Tricel, qui n'a fait agréer que ses microstations à cultures fixées, gardant ses autres gammes de microstations pour les applications autres qu'individuelles. « Chaque procédé a ses avantages propres, estime de son côté Marc Sengelin, responsable BE chez Sotralentz Habitat France, le choix final revient au particulier en fonction de sa sensibilité par rapport à la technicité de l’équipement envisagé, à sa consommation d’énergie et à son entretien ».
À chaque procédé épuratoire ses avantages
Les microstations à cultures libres en SBR, qui constituent une évolution des procédés à cultures libres, revendiquent des rendements épuratoires plus élevés, un gain en termes de volume grâce à la réunion du réacteur biologique et de la clarification dans une même cuve et la capacité à traiter des charges organiques importantes. La gamme Actibloc® de Sotralentz Habitat France, par exemple, repose sur ce procédé. « Elle associe un compartiment décantation important avec une cuve de traitement qui ne comporte aucun équipement électromécanique immergé, explique Marc Sengelin. C’est important au niveau de la fiabilité et de la maintenance ». L’autre avantage du procédé SBR, c’est une consommation en énergie réputée plus faible. « Sur l’Actibloc®, le compresseur n’est pas utilisé 24 h sur 24, par exemple, souligne Marc Sengelin. En cumul, il est sollicité entre 9 et 11 heures en fonction de la capacité nominale ». En contrepartie, le système, assez élaboré, de gestion des différentes phases de traitement séquencées justifie un prix à l’achat plus élevé, à capacité épuratoire égale ainsi qu'un entretien et une maintenance plus complexes.
Les microstations reposant sur des cultures fixées sont les plus nombreuses. « Elles assurent d’excellents rendements épuratoires tout en favorisant l’intermittence courte grâce à la recirculation des boues de la clarification vers la décantation primaire, ce qui permet d’alimenter en permanence la population bactérienne favorisant sa survie en cas d’intermittence », assure François Le Lan chez Tricel. Même analyse chez Eloy Water qui s’apprête à publier une étude démontrant l’intérêt de son procédé sur l’intermittence courte, mais aussi sur l’intermittence longue. « Les résultats de cette étude montrent que l’intermittence, brève ou de quelques mois, n’a pas de conséquences néfastes sur la capacité épuratoire de notre microstation au moment de la reprise en charge pour autant que le surpresseur reste branché. Nous avons pu démontrer que notre Oxyfix® est plus résistante et plus adaptée à l’intermittence que les systèmes à boue activée classiques », précise Sergio Napolitano. « Après une absence prolongée, la présence d’un lit fixé peut effectivement permettre à la microstation de redémarrer plus facilement, indique de son côté Marc Sengelin chez Sotralentz Habitat France. Mais quand on parle d’intermittence, le process épuratoire n’est pas forcément le paramètre le plus pertinent. Beaucoup de microstations en cultures libres de type SBR sont équipées de capteurs de niveau capables de détecter une sous-charge imputable à une absence prolongée. Ces ‘modes eco’constituent une réponse au moins aussi efficace ».
Autre gros avantage propre aux procédés à cultures fixées, une moindre production de boues qui permet d’espacer les fréquences de vidanges. « Le constat est factuel et corroboré par la fréquence de vidange réelle que nous constatons sur le terrain depuis des années, explique François Le Lan chez Tricel. Il repose, entre autres, sur la recirculation des boues vers la décantation primaire. Ainsi, la fréquence réelle moyenne constatée d’une FR6/4000 à pleine charge permanente (6 occupants) est de 33 à 41 mois ». Même constat chez Eloy Water qui assure un suivi in situ de sa microstation Oxyfix® depuis 5 ans sur 41 département français. « Les mesures de la hauteur de boues primaires ont permis de déterminer que le délai moyen pour arriver au seuil réglementaire des 30 % du volume utile du décanteur primaire de notre Oxyfix® 5EH était de 47 mois », indique Sergio Napolitano.
Arrivés plus récemment sur le marché, les microstations en SSB (Sludge Stabilization Batch), c’est à dire reposant sur des cultures fixées de type SBR avec une stabilisation des boues, séduisent pour plusieurs raisons. « Elles permettent de travailler sur des surfaces plus réduites avec des taux de boues plus importants, ne produisent pas d’odeurs et ne nécessitent donc pas de ventilation secondaire, souligne Marc Sengelin chez Sotralentz Habitat France. Et même si l’agrément en France ne l’autorise pas, on voit en Allemagne et en Belgique des microstations de ce type fonctionner avec des taux de 70 % de boues à l’intérieur sans que cela ne dégrade les performances. En contrepartie, ces process, qui associent un décanteur et un réacteur tous deux intégralement aérés, nécessitent un suivi plus régulier et une conception sans faille ».
L’entretien : une question clé
Fort logiquement, la liste des opérations de contrôle et leur coût dépend de la nature des équipements mis en œuvre et de leur degré de technicité. Pour minimiser les interventions et gagner en fiabilité, Tricel sur l’ensemble de ses microstations, Eloy Water sur Oxyfix® et l’Assainissement autonome sur Fluidifix® ont opté pour des microstations dépourvues d’équipements électroniques. Même politique chez Graf sur la “easyOne” , Epur sur Epur Biofrance®, et Sotralentz-Habitat France sur Actibloc® qui ont été conçues autour de la réduction des coûts de maintenance : pas de moteur ni de pompe, pas d’électricité ou de pièce d’usure dans la cuve, et une consommation d’électricité réduite.
Les aérateurs fines bulles assurant l’oxygénation des réacteurs biologiques sont des équipements de type “consommables”, même si leur durée de vie est de plusieurs années. Leur remplacement sera donc indispensable à une échéance donnée. Epur a donc développé un dispositif de remplacement à l’identique breveté, sans nécessiter de vidange ni de dépose du lit fixe, présentant l’avantage pour l’usager d’une intervention à coût réduit en assurant aux opérateurs une sécurité sanitaire maximale.
Le compresseur d’air est un composant clé. Une visite régulière de ce composant permet de vérifier que la microstation fonctionne correctement, éventuellement réaliser des interventions simples. La vérification ou le changement des membranes dans le cas d’un compresseur à membranes ou les pistons dans le cas d’un compresseur à piston sont des opérations réalisables par un bricoleur averti.
En tout état de cause, l’entretien doit être régulier. « Il présente un coût mais ne rien faire coûte au final toujours plus cher », indique Marc Sengelin qui rappelle que l’entretien d’un dispositif de traitement est déjà obligatoire pour le particulier aux termes des arrêtés « contrôle » et « prescriptions techniques » sortis en 2009 et depuis plus longtemps encore par l’article L1331-1-1 du code de la santé publique comme le rappelle François Le Lan chez Tricel. « Cette obligation est peu appliquée sur le terrain car les particuliers ne sont pas suffisamment informés et que la fréquence de passage des SPANC n’est pas suffisante pour garantir un entretien efficace ». « Plus de 75 % des personnes équipées d’une microstation ou d’un filtre compact ont un contrat d’entretien », estime cependant Sébastien Louvet chez A.R.T.Eau, qui propose des services de dépannages, d’entretien et fournit des dispositifs d'assainissement non collectif. « Ce chiffre peut paraître important mais les toutes premières microstations ont été agréées courant 2010. Contrairement aux filières traditionnelles qui elles ont été posées bien avant et sans méthodologie ».
Mais tous les professionnels ne partagent pas cet avis. « Rendre obligatoire l’entretien par un professionnel n’est pas utile, explique ainsi Sébastien Louvet chez A.R.T.Eau, car une personne qui met en moyenne de 5 à 8 k€ dans une installation ne la délaisse pas. De plus, le fait de rendre cet entretien obligatoire risque de dégrader les rapports entre les professionnels des entreprises de dépannage et les particuliers concernés ».
Il existe également des entreprises indépendantes des constructeurs qui proposent des contrats d’entretien sur l’ensemble du territoire Français. « Nous intervenons quelle que soit la marque et le modèle de la microstation, précise ainsi Didier Malo, référent technique pour la société AMI Assainissement. Nous notons également une plus grande demande de contrats d’entretien depuis un an, résultat sans doute de la prise de conscience collective de la nécessité d’entretien ».