Une étude, publiée dans Nature Geoscience, relève d’importantes inexactitudes dans la plupart des représentations actuelles du cycle de l’eau.
Une équipe internationale, à laquelle se sont
joints des scientifiques d’Irstea et de l'Université de Rennes, a analysé plus
de 450 représentations du cycle de l’eau provenant du monde entier, et a trouvé
que seulement 15 % d’entre elles montrent l'interaction de l'homme avec le
cycle de l'eau et seulement 2 % représentent le changement climatique ou la
pollution de l'eau, deux des principales causes de la crise mondiale de l'eau.
Selon ces scientifiques, le fait de ne pas tenir
compte des activités humaines contribue à une méconnaissance fondamentale de la
façon dont elles interagissent avec l'eau sur Terre et à un faux sentiment de
sécurité quant à la disponibilité de cette ressource vitale. « Si la
représentation du cycle de l’eau est fausse, il est difficile ensuite pour les
décideurs et les citoyens de se rendre compte des enjeux et des problèmes que
la ressource en eau peut générer », explique Gilles Pinay, directeur de
l’unité de recherche Riverly à Irstea.
Les scientifiques ont également compilé les
dernières estimations de l'eau sur Terre à partir de plus de 80 études qui montrent
à quel point l’influence des activités humaines sur l'eau est devenue
considérable : nous utilisons l’équivalent de plus de la moitié de l'eau qui
coule dans toutes les rivières du monde, soit 24 000 km3 par an, principalement
pour l'élevage du bétail.
L'activité humaine modifierait le cycle de l'eau de
trois manières : en utilisant directement l'eau notamment pour le bétail,
les cultures et les forêts, en perturbant les trois quarts de la surface
terrestre par des activités telles que l'agriculture, la déforestation et la
destruction des zones humides. Ces perturbations modifient
l'évapotranspiration, la recharge des eaux souterraines, le débit des rivières
et les précipitations. Enfin, les changements climatiques, en partie induits
par les activités humaines, perturberaient l'écoulement et le stockage de l'eau
à l'échelle locale et mondiale.
« Hormis les activités humaines, d’autres
importantes inexactitudes existent sur ces représentations, poursuit Gilles
Pinay. Notamment, la plupart des pluies que l’on reçoit sur Terre ne vient
pas directement de la mer, comme le laissent croire les représentations
actuelles. Les deux-tiers sont en fait dues à de l’évapotranspiration par les
plantes et les sols, ce qui génère de la vapeur qui est poussée par le vent
vers d’autres bassins versants où l’eau retombe. Il est important de comprendre
que l’eau pompée par les arbres n’est pas « perdue » mais en partie
redistribuée. Cela peut avoir une influence sur la manière dont sont appréhendés
les enjeux d’utilisation des terres ».
Les scientifiques soutiennent que ces représentations
erronées du cycle de l'eau contribuent à entretenir la méconnaissance du grand
public et des décideurs et la persistance de mauvais usages. Il est donc urgent
de promouvoir une meilleure compréhension du cycle et de son fonctionnement au
XXIe siècle, afin que la société soit en mesure de trouver des solutions à la
crise mondiale de l'eau.
Pour ceci, ils ont élaboré, à l’instar de ce qui se
fait pour les diagrammes du cycle du carbone ou de l’azote qui intègrent pour
la plupart les usines et les engrais, une nouvelle série de représentations
pour mieux comprendre le fonctionnement du cycle de l'eau. Ils montrent une
image plus complexe qui illustre les liens entre l'utilisation des terres et
les précipitations, les changements dans la fonte des glaciers, la pollution et
la montée du niveau de la mer. « De meilleurs dessins du cycle de l'eau ne
résoudront pas la crise mondiale de l'eau, mais ils pourraient aider à prendre
conscience des conséquences mondiales de la surconsommation d'eau, et
représentent une étape importante vers une gestion plus équitable de l’eau »,
conclut Gilles Pinay.