Veolia poursuit son offensive dans l'industrie. Après avoir identifié sept marchés susceptibles d'assurer sa croissance dans les prochaines années, le groupe décline ses ambitions. Dans le secteur des mines et de la métallurgie, Veolia Environnement souhaite doubler son chiffre d'affaires d'ici 2020. Explications.
Les industries minières et métallurgiques se placent
parmi les toutes premières industries mondiales avec un chiffre d'affaires
annuel supérieur à 700 milliards d'euros. Elles figurent également au deuxième
rang des industries les plus consommatrices d'eau : leur consommation équivaut
à la consommation domestique des Etats-Unis.
Par ailleurs, 70 % des projets menés par les 6 plus
gros opérateurs se situent dans des zones souffrant de stress hydrique. C’est
dire si l'eau revêt une dimension importante dans ce secteur également gros
consommateur en énergie. Ce sont aussi des industries qui produisent de gros
volumes de déchets à commencer par des eaux usées qu'il faut traiter avant
rejet au milieu naturel.
Enfin, les industries minières présentent certaines
analogies avec l'industrie pétrolière et gazière. De nombreux majors présents
dans l'un de ces secteurs sont souvent présents dans l'autre, à l'image de
Shell qui exploite des sables bitumineux au Canada ou de BHP Billiton, la plus
grande compagnie minière au monde, qui a des intérêts dans les projets
d'exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis. Les deux industries
rencontrent des problèmes similaires en termes de consommation d'eau et
d'énergie comme en termes de production de déchets.
Il est donc possible de leur proposer des techniques
relativement proches. Autant d'arguments qui incitent Veolia Environnement à s'intéresser à ce secteur, pourtant confronté à de
nombreux défis.
Un secteur confronté à
de nombreux défis
Les industries minières et métallurgiques sont
confrontées à des défis majeurs. Le premier est lié à leur empreinte
environnementale importante due à leur consommation en eau, en énergie, aux
sous-produits générés mais aussi à des problèmes d'érosion de sols ou
d'atteinte à la biodiversité. « Compte tenu de ces atteintes multidimensionnelles, le
cadre juridique dans lequel ces industries opèrent tend à devenir de plus en
plus complexe et de plus en plus strict », souligne Antoine Frérot, PDG
de Veolia Environnement.
Autre défi, les gisements les plus facilement
exploitables sont en cours d'épuisement. Les nouveaux gisements se situent donc
dans des zones de plus en plus éloignées ou difficiles d'accès, par exemple
dans le Grand Nord.
Leur exploitation requiert des techniques plus
sophistiquées en matière d'eau notamment. Les populations locales sont
également de plus en plus souvent réservées vis-à-vis de l'exploitation
minière. Du fait des problèmes de pollution mais aussi des conflits d'usages
sur les ressources. « Il
y a 5 ans, par exemple, en Australie, il fallait 6 mois pour obtenir un permis
d'extension d'une mine. Aujourd'hui, il faut plutôt compter sur deux à trois
ans et ce délai ne cesse de s'allonger », pointe Antoine Frérot. Ces
réticences, de plus en plus fréquentes, renforcent la nécessité pour les
opérateurs miniers de soigner leur « droit d'opérer » en associant les
populations locales à la richesse qu'elles créent. Reste que le groupe s'estime
bien placé sur le secteur en raison de nombreux atouts.
De nombreux atouts
Face à tous ces enjeux, quelles sont les solutions que
Veolia peut apporter ? Le groupe peut intervenir en amont, en matière
d'approvisionnement en eau et en énergie par exemple. Il peut aussi intervenir
durant l'exploitation en traitant les eaux d'exhaure et en les recyclant pour
limiter les prélèvements dans le milieu naturel.
La valorisation des déchets et l'efficacité
énergétique sont aussi deux autres segments importants. Sur le site Iberpotash
de Suria, en Espagne, la récupération de NaCl et KCI et potasse blanche a
permis de générer 45 M€ de revenus supplémentaires. Sur le site d'El Teniente,
au Chili, Veolia a déployé avec Vapor Procesos, un partenaire local, une
solution transformant un projet de fermeture avec passif en un projet générant
un chiffre d'affaires supplémentaire de 2 à 4 millions de dollars grâce à la
récupération du cuivre.
Le groupe peut aussi intervenir en aval pour dépolluer
les sols ou remettre en état les sites. « L’enjeu consiste à combiner protection de
l'environnement et équation économique, c'est-à-dire à réduire l'empreinte
environnementale tout en abaissant les coûts d'exploitation, voire en proposant
des revenus complémentaires via la récupération et le recyclage », souligne Antoine
Frérot. Veolia peut également aider les opérateurs miniers à renforcer leurs
droits d'opérer en créant un cercle vertueux. « Nos solutions sont de plus en plus
souvent liées aux conditions d'obtention des permis d'exploiter, souligne ainsi le
PDG de Veolia Environnement. En amont, en apportant la preuve que l'empreinte
environnementale sera faible et en se conciliant les populations locales et en
aval en facilitant le renouvellement des permis ». Le marché des
services à l'environnement dans le secteur minier (eau, propreté, déchets) est
évalué à 20 milliards d'euros à l'horizon 2020. Aujourd'hui, Veolia réalise 700
millions d'euros sur le secteur, essentiellement en aval, c'est-à-dire dans le domaine
du traitement des déchets. « Notre objectif est de réaliser 1,5 milliards d'euros à
l'horizon 2020 ce qui représente une part de marché de 7 à 8 % », indique Antoine
Frérot.
L’objectif ne sera pas facile à atteindre. Le secteur,
occupé par des opérateurs de grande taille, souffre de la baisse du prix des
matières premières ces dernières années. Du coup, les investissements, souvent
très lourds, sont pesés au trébuchet.
L’optimisation économique des investissements et des
coûts d'exploitation sont des éléments clé pour décider d'ouvrir ou d'étendre
une mine. Mais Veolia dispose de plusieurs atouts. Au delà de ces savoirs faire
spécifiques, le groupe peut faire valoir une présence globale qui lui permet de
suivre ces clients partout à travers le monde. « Nous pouvons également associer la
conception et l'ingénierie avec l'exploitation, ce qui nous permet de définir
et mettre en œuvre des solutions globales, assorties d'une obligation de
résultat. Nous devrions pouvoir proposer un mode de rémunération basé sur la
valeur de ce que nous apportons », souligne Antoine Frérot.
Vincent Johanet