Soucieux de réduire le coût et l’empreinte environnementale liés au traitement des eaux usées, les exploitants de stations d’épuration, qu’ils soient publics ou privés, ont mis au cœur de leurs préoccupations l’optimisation du fonctionnement des unités de traitement. Un des principaux objectifs est de réduire les quantités de réactif injectées tout en maintenant une qualité de traitement des effluents en adéquation avec les objectifs réglementaires.
Parmi
les procédés de traitement intégrés au sein des filières de traitement, la
décantation physico-chimique lamellaire apparaît comme une étape clé de
traitement qui nécessite de grandes quantités de réactifs.
« Ce procédé de séparation solide-liquide est
utilisé pour retirer les particules en suspension et les ions ortho-phosphates
des effluents, explique Sam Azimi, Directeur adjoint de l’Innovation au
SIAAP (Service Public de l’Assainissement Francilien). Une injection de réactifs, combinaison de sels métalliques et de
polymères, favorise la coagulation et la floculation des particules et de ce
fait, permet d’augmenter les vitesses de passage des effluents comparativement
à une décantation classique. Pour traiter les effluents arrivant sur ses
usines, le SIAAP a recours à près de 50 000 tonnes de coagulant chaque
année, principalement sous forme de chlorure ferrique. « Cela représente près de 40 % de la quantité totale de réactif
achetée et un montant avoisinant les 7 millions d’euros annuel, confirme
Sam Azimi. C’est pourquoi nous avons
engagé depuis plusieurs années maintenant des actions de recherche pour aider
nos opérateurs à réduire les quantités injectées, mais également pour
rechercher des réactifs de substitution, tout aussi adaptés et présentant un
coût environnemental moindre ».
Les
champs d’investigation sont larges et les compétences requises sont nombreuses
pour lever les verrous techniques et scientifiques qui se présentent et
atteindre ces objectifs d’optimisation. « Depuis 2012, de nombreuses actions de recherche ont été engagées au
sein de notre direction, explique Vincent Rocher, Directeur Innovation du
SIAAP. Des actions portant sur la
recherche de réactifs de substitution complètent la construction de modèles de
prédiction et l’étude de modes de régulation. Je prends pour exemple nos
travaux expérimentaux menés depuis l’échelle laboratoire jusqu’aux essais
industriels, qui nous ont d’ores et déjà permis de déployer l’alufer, mélange
de chlorure ferrique et de chlorure d’aluminium, sur nos usines de Colombes ou
Marne Aval, et cela en lieu et place du chlorure ferrique ».
Cependant, si la comparaison des performances de
décantation et de piégeage du phosphore de différents réactifs apparaît comme
une expérimentation simple à mettre en œuvre, il est essentiel de disposer d’outils
et de protocoles de comparaison adaptés. « Les réactifs de coagulation ont des puretés différentes et les cations
métalliques qui les composent ont des masses molaires différentes, donc la
comparaison de quantités équivalentes de réactifs en volume ou en masse peut
mener à des écarts importants en termes de quantité de principe actif », explique
Romain Mailler, Responsable du service Mécanismes Epuratoires au sein de la Direction
Innovation. Les pratiques d’étude en
laboratoire et les indicateurs utilisés par la communauté technique ne sont pas
normalisés, ce qui peut conduire à de mauvaises interprétations lors de la
comparaison des performances de différents coagulants minéraux. Cela a
également pour conséquence une optimisation incomplète de l’injection de
réactifs et donc une variabilité non négligeable des performances constatées à
l’échelle industrielle ».
C’est dans cet objectif qu’en partenariat avec Philippe
Sauvignet, Industrialisation Manager au sein de l’unité Business Support and
Performance chez Veolia SA, la Direction Innovation du SIAAP a mené un travail
pour proposer des bonnes pratiques en matière de comparaison de coagulants
minéraux utilisés en décantation. « Outre
l’application de protocoles améliorés et validés de Jar-test, étape essentielle
de définition des doses optimales en coagulant, le travail s’est appuyé sur le
protocole VICAS (vitesse de chute en assainissement) de détermination des
classes de vitesses de chute des particules », explique Romain Mailler. Ce protocole, développé par les
hydrologues du domaine de l’assainissement pour être appliqué aux matières en
suspension a été adapté aux effluents urbains dans les années 2000 par les
équipes du laboratoire Eau, Environnement et Systèmes Urbains de l’Université
Paris-Est Créteil. « Il a fallu tout
d’abord adapter ce protocole pour être capable d’évaluer la sédimentation des
flocs formés lors de la coagulation-floculation. Suite à quoi, l’application de
taux de traitement normalisés et équivalents en cation de différents coagulants
commerciaux a permis de démontrer qu’ils avaient une efficacité comparable en
ce qui concerne la décantation et le piégeage du phosphore », décrit
Romain Mailler.
« Cette harmonisation
des pratiques et l’élaboration de méthodes normalisées permet de comparer, de
manière objective, les performances des différents coagulants minéraux
disponibles sur le marché, comparaison qui a complété ce travail collaboratif
dont les résultats ont récemment été synthétisés dans la revue Environmental
Technology[1] », conclut Vincent
Rocher, Directeur Innovation au SIAAP.
[1] MAILLER et al. Normalization of wastewater
coagulation-flocculation trials and implications in terms of variability in
treatment performance and comparison of commercial coagulants, Environmental Technology, 2020. DOI:
10.1080/09593330.2020.1771433s