27 février 2019Paru dans le N°419
à la page 67 ( mots)
Rédigé par : Jacques-olivier BARUCH
Les rejets de phosphates diminuent progressivement dans les cours d’eau, même s’ils restent encore ponctuellement très présents. Les traiteurs d’eau doivent continuer à analyser les différentes formes de phosphore en continu. Mais les caractéristiques des différents analyseurs différent selon le type d’eau.
Selon le Commissariat général au développement durable, les Hauts-de-France, la Bretagne et les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin présentaient le nombre de cantons ayant des teneurs en phosphore nettement supérieures à la moyenne nationale sur la période 2005-2009. Quelles que soient les cultures pratiquées, la plupart des sols de ces cantons semblent disposer de teneurs en phosphore suffisantes à leurs exigences pour plusieurs années. Les causes de ces teneurs élevées sont multiples : élevage intensif depuis quarante ans (région Bretagne), usage ancien des scories, sous-produits de l'élaboration de produits métallurgiques (Bas-Rhin, Haut-Rhin, Nord). À l’inverse, en Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Nouvelle-Aquitaine et quelques départements du Grand-Est, la majorité des cantons présente des teneurs en phosphore insuffisantes pour assurer de bons rendements. Quel que soit le type de culture. Les agriculteurs de ces régions utilisent donc des engrais phosphatés qui se retrouvent par ruissellement dans les cours d’eau. Ainsi, toutes les régions sont sujettes à des rejets de phosphates dans les cours d’eau, même si leur teneur a fortement décrue depuis 1998. En effet, selon le rapport de juillet 2018 de l’agence européenne de l’environnement, la teneur des rivières en orthophosphates (ions phosphates) est passée d’environ 0,1 mg/L de phosphore en 1992 à 0, 04 mg/L en 2016. Hormis les engrais agricoles, le phosphore est naturellement présent dans le milieu aquatique à de très faibles concentrations (0,02 à 0,025 mg/L). Il provient du lessivage de certaines roches, de l'érosion des sols, ainsi que des excréments des animaux. Certains distributeurs d’eau potable traitent l’eau de distribution en y versant des phosphates sous forme d’acide phosphorique, ce qui permet de réduire la corrosion de certains tuyaux.
Eaux usées urbaines et eaux industrielles sont concernées
En moyenne, chaque litre d’eau arrivant en station d’épuration contient encore 9 milligrammes de phosphate. C’est beaucoup trop. Il faut réduire cette teneur en sortie car les composés phosphorés, éléments nutritifs pour les végétaux, peuvent être à l’origine d’une prolifération des algues dans les eaux de surface. Ainsi, 1 g de phosphate-phosphore (PO4-P) peut entraîner une croissance d’algues de l’ordre de 100 g. Lorsque ces algues meurent, leur décomposition nécessite environ 150 g d’oxygène. La concentration critique de PO4-P à laquelle commence ce phénomène d’eutrophisation est d’environ 0,1-0,2 mg/l en eau courante et de 0,005-0,01 mg/l en eau stagnante.
Du fait des risques qui pèsent sur les eaux de surface, la directive européenne 91/271CEE et l’arrêté du 21 juillet 2015 fixent des limites pour le déversement de composés phosphatés dans les cours d’eau. En fonction de la taille des stations d’épuration, ces seuils, pour le phosphore total, sont de 2 mg/l (10.000 - 100.000 EH) ou de 1 mg/l (> 100.000 EH). Dans le cas de cours d’eau sensible ou de lac, le seuil à ne pas dépasser, fixé par arrêt préfectoral, peut être abaissé de 0,5 à 0,2 mg/L.
Ainsi, il faut surveiller la teneur en phosphates des eaux usées urbaines ou industrielles en stations d’épuration, mais aussi dans certaines eaux industrielles telles que les eaux de chaudières. En effet, des phosphates, associés à des polymères naturels ou synthétiques, sont fréquemment ajoutés dans ces équipements pour neutraliser la dureté de l’eau et contrôler son alcalinité afin d’éviter les risques liés à la corrosion. Eaux usées municipales, eaux usées industrielles ou en eaux propres, les teneurs mesurées ne sont évidemment pas les mêmes.
Deux méthodes selon le type d’eau à analyser
Les fabricants d’analyseurs tels ABB, Anael, Datalink Instruments, EFS, Hach, Endress+Hauser, Swan, Xylem Analytics, Metrohm, Macherey Nagel, Trace Analysis ou Hanna Instruments proposent soit de mesurer la concentration en orthophosphates (en mg/l de PO4), soit de mesurer le phosphore total (PT), la somme du phosphore organique et du phosphore minéral. La mesure du phosphate organique s’obtient par différence entre le phosphore total et les orthophosphates. « Alors que les orthophosphates se mesurent directement, la technique pour analyser le phosphore total est plus complexe, explique Aurelia Genet, de Endress+Hauser. Il faut une étape de chauffage de l’échantillon et une autre de digestion pour parvenir à l’analyse ». Comme nous l’expliquions dans le numéro 406, tous les fabricants ont recours à des réactifs et des méthodes colorimétriques.
Sur son Liquiline CA80TP, Endress+Hauser mesure la teneur en phosphore total. Avec un réactif de digestion, l'échantillon est d’abord digéré à une température élevée. Dans une solution acide, les ions orthophosphate ainsi formés réagissent avec les ions molybdate et antimoine pour former un complexe coloré. L'intensité d'absorption de la lumière est directement proportionnelle à la concentration d'orthophosphates dans l'échantillon.
Autre solution, préférée par la majorité des fabricants, comme Hach avec ses Phosphax sc ou Xylem Analytics avec son P 700 IQ, celle au vanadate de molybdate qui donne une couleur jaune mesurée au photomètre. Selon Jean-Pierre Molinier, responsable process chez Hach, « le vanado-molybdate est plus stable, ce qui permet de le conserver plus longtemps et diminuer les actes de maintenance ». Les fabricants laissent souvent le choix aux opérateurs en proposant les deux méthodes. Autre différence, la gamme de mesure et donc le type d’eau analysée. La méthode bleue, adaptée aux stations d’épuration dont l’eau est souvent turbide et jaunâtre, mesure des orthophospates entre 2 et 10 mg/L, alors que la méthode jaune est valable pour des teneurs entre 20 et 50 mg/L. Ces hautes valeurs sont retrouvées dans certains effluents industriels où est utilisé de l’acide phosphorique. C’est le cas, entre autres, des fabricants de boissons au cola, des producteurs d’engrais ou de ciments dentaires. Les fabricants d’analyseurs proposent ainsi des modèles différents pour les deux gammes de mesure comme Swan avec son AMI Phosphate HL pour des mesures entre 0,1 et 50 mg/L PO4, et son AMI Phosphate II pour des mesures entre 0,01 et 10 mg/L PO4. C’est aussi le cas de Hach avec son Phosphax sc pour des mesures entre 0,015 et 2 mg/L, son Phosphax sc MR entre 0,05 et 15 mg/L, et son Phosphax sc HR entre 1 et 50 mg/L. Son 5500sc, adapté à l’analyse des eaux propres de chaudière, a même un modèle avec des mesures comprises entre 0,004 et 3 mg/L.
Mais certains proposent un seul et même appareil pour différentes gammes de mesures comme Endress+Hauser pour le phosphore total avec sa gamme Liquiline System CA80TP (AAF1 entre 0,05 à 10 mg/L P ; AAF4 entre 0,5 à 50 mg/L) ou Waltron avec son analyseur 3042 (0-5 ppm, 0-20 ppm ; 0-150 ppm, 0-750 ppm).
Trace Analysis propose, pour l'analyse du phosphate, son Phosphate-Trace, un analyseur colorimétrique en ligne compact pour la mesure automatique et continue du phosphate. La technique de mesure utilisée est une mesure en batch (séquence d'échantillonnage, analyse et traitement des résultats), utilisant la méthode colorimétrique. L'analyseur est composé d’un transmetteur électronique à large écran tactile couleur façon Smartphone, et d’un boîtier séparé pour la partie analyse échantillon avec une porte verrouillable. L'enceinte liquide comprend tous les composants intervenant dans les flux d'échantillons et des réactifs, ainsi que dans les étapes de mélange et de réaction (pompe de prélèvement, cellule de réaction colorimétrique, pompes de réactifs). Le Phosphate Trace est disponible dans 4 gammes de mesure 0-5 ppm (Méthode Bleu, 2 réactifs), 0-15 ppm, (Méthode Jaune, 1 réactif), 0-150 ppm et 0-300 ppm, (Méthode Jaune avec auto dilution interne). Le tout est prémonté sur platine Inox, ou peut être livré séparément pour les besoins d’installations spécifiques.
Prendre en compte le paramètre à mesurer
La différence entre les différents équipements disponibles se situe parfois au niveau du paramètre à mesurer. Car les eaux usées nécessiteront d'analyser plutôt le phosphore total, tandis que l'on surveillera les phosphates et les autres nutriments dans les eaux propres. Chez Endress+Hauser, ce sera le Liquiline System CA80TP pour le phosphore total, le Liquiline System CAPH pour les phosphates.
Ce n’est pas le cas du Phosphax sigma de Hach ni des analyseurs Smartchem d’AMS Alliance. « En laboratoire, il n’est plus nécessaire de dissocier les appareils, estime Fabien Pedretti, responsable support chez AMS Alliance. Seules les méthodes changent suivant le type d’eau et la législation. Il suffit de changer la cassette analytique des Smartchem si on est en flux continu, ou la méthode et les réactifs si on est en séquentiel ».
Hach n’est évidemment pas sur la même ligne. À chaque type d’eau, son analyseur. Ce sera ainsi le Phosphax sc pour les eaux usées, le 5500sc pour les eaux propres des chaudières, le EZ1000 pour eaux industrielles. « Les eaux analysées étant plus ou moins abrasives et corrosives, les analyseurs diffèrent en matériau, en diamètre de tuyauterie et en nature de pompe », explique Jean-Pierre Molinier. Hach commercialise aussi des analyseurs multiples, tel le EZ7000 pour les paramètres combinés phosphore/azote et le B7000 pour les paramètres combinés phosphore/carbone organique. Car, lors du traitement biologique, les bactéries des stations d’épuration sont aussi une source de phosphore dans l’eau. Pour qu’elles assurent au mieux leur travail épuratoire, il faut que les différents nutriments soient dosés au plus juste.
Toujours moins de réactifs
Pour tous ces analyseurs, les évolutions les plus importantes observées ces dernières années sont, d’une part, l’échelle de mesures qui tend à diminuer sous la pression des défenseurs de l’environnement et, d’autre part, une moindre consommation de réactifs.
Tous les constructeurs en font un argument de vente majeur.
Alors qu’auparavant, l’analyse nécessitait de 5 à 10 litres par mois de réactifs, le bidon de 2,5 litres de réactif au vanadate-molybdate du P 700 IQ de Xylem Analytics dure 8 mois pour des mesures toutes les 10 mn. Quant au nouvel analyseur Alyza IQ de Xylem, avec une consommation de réactif inférieure à 1 ml par jour, il ouvre la voie à une utilisation très réduite de la chimie. Sa pièce maîtresse repose sur la vanne multiport capable d’obtenir des mesures précises même avec de très faibles volumes de réactifs. Une attention particulière a été portée sur la facilité de manipulation de petites quantités de liquide. Au lieu de grands bidons en plastique, de petits sachets de la taille d'une poche à jus suffisent.
Le Phosphax sc de Hach-Lange doit quant à lui être rechargé une fois par an pour des mesures tous les quarts d’heure. Pour le CA80PH d’Endress+Hauser, le bidon d’1,8 litre de réactifs pour la méthode au bleu de molybdène doit être remplacé tous les 6 mois et tous les 3 mois pour celui de 1 litre de la méthode jaune. Avec, évidemment, des économies non négligeables à la clef.
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