Le phytoplancton en potabilisation - focus sur le traitement des algues par l’Actiflo®
31 decembre 2020Paru dans le N°437
à la page 97 ( mots)
Rédigé par : Philippe SAUVIGNET, Isabelle RAGUENES et Ruiting WANG de VEOLIA EAU
L’objet de cet article est de présenter un traitement ayant fait ses preuves pour la prise en charge globale de la problématique algale. Il s’agit de l’association d’une clarification lestée, pour l’élimination des cellules algales, et d’un affinage avec du charbon actif en poudre pour traiter les éventuels micropolluants organiques libérés par les algues dans la ressource et/ou lors du traitement (métabolites, toxines).
Les algues sont des organismes photosynthétiques naturellement présents dans les eaux douces superficielles, cours d’eau et plans d’eau. Leur développement parfois intense peut s’accompagner d’un relargage de substances malodorantes et de toxines, et devient alors une préoccupation de santé publique si la ressource est utilisée à des fins récréatives ou pour la production d’eau destinée à la consommation humaine. Une présence excessive d’algues peut être une nuisance opérationnelle pour le traitement de potabilisation, et conduire à des défauts organoleptiques (goûts et odeurs) de l’eau distribuée [1].
Les outils de prédiction des blooms algaux, ou proliférations non contrôlées, sont presque inexistants car l’origine de ces blooms est très variée [2]. Aussi un suivi opérationnel des ressources associées à des traitements sont nécessaires. Parmi les traitements disponibles figurent notamment l’utilisation d’algicides, la clarification physico-chimique (coagulation, floculation, décantation ou flottation), la filtration, l’oxydation. Cependant plusieurs limites se présentent telles que le caractère discutable de certains produits utilisés, le risque de rupture des cellules algales (lyse) et de formation de sous-produits, la performance de la clarification, et le colmatage des filtres.
Type d’algues et facteurs influençant leur développement
La base de données internationale « AlgaeBase » recense environ 127.000 espèces algales, dont la majorité est des micro-algues, et environ 9.000 des macro-algues. Toutes les espèces d’algues présentent une variété de tailles et de formes [3], cependant en phase de prolifération, 90 % à 95 % de la biomasse est constituée par une seule espèce [4].
Pour leur croissance les algues effectuent la photosynthèse ; en présence de lumière elles captent le CO2 pour synthétiser leurs constituants carbonés, et rejettent de l’oxygène. En complément du carbone, l’azote et le phosphore sont des nutriments indispensables à leur développement. Lorsque la ressource en eau est enrichie avec ces nutriments, on peut parler d’eaux eutrophes ou d’eutrophisation [5]. Cet apport intense produit une prolifération non contrôlée ou “bloom algal” où les populations algales peuvent atteindre des concentrations de millions de cellules par litre d’eau [1]. Ces nutriments peuvent venir de différentes sources telles que les rejets agricoles, urbains ou industriels. Le phosphore est considéré comme l’agent le plus influençant [4], il est présent dans l’eau sous forme soluble et particulaire et est assimilé par les végétaux. Il est naturellement présent dans les sédiments et dans l’eau, cependant son apport a été augmenté par les rejets humains. Son transport vers les retenues d’eau s’effectue principalement par le ruissellement et l’érosion [5]. Si la prolifération des végétaux est très importante, des conditions d’anoxie se créent dans la retenue et le phosphore peut être relargué par les sédiments et devenir à son tour un nutriment pour le développement d’autres algues. L’apport de ces nutriments devra donc être réglé dans le futur, soit par un renouvellement des pratiques agricoles, soit par un traitement plus poussé dans les stations d'épuration [5].
La croissance des algues est influencée par la luminosité, la température, la turbidité et la mobilité de l’eau. Le développement des algues a lieu lors des périodes chaudes et ensoleillées, et dans des eaux calmes et peu turbides [4]. Cependant certaines espèces peuvent se développer en hiver ou au printemps [1]. Il s’agit d’un problème mondial qui a été étudié en Amérique, en Asie, en Europe, en Afrique, en Australie, et même en Antarctique [6]. Sous l’effet du changement climatique, une modification des conditions environnementales en faveur d’environnements plus favorables au développement algal est attendue, avec notamment des proliférations incontrôlées et imprévisibles dans les eaux douces superficielles.
Les macro-algues (> 300 µm)
Les macrophytes sont des plantes aquatiques de grande taille, visibles à l’œil nu, rassemblant les macro-algues, les plantes aquatiques et les mousses. Les macro-algues sont des végétaux filamenteux, dépourvus de tiges, de feuilles, de racines et de système vasculaire, leur appareil végétatif est appelé un « thalle ». Les macro-algues désignent les grandes algues et algues géantes, leur taille pouvant varier de quelques millimètres à quelques mètres. Les plus grandes peuvent atteindre une quarantaine de mètres [7] et sont fixées au fond de l’eau par le thalle. Le thalle permet d’absorber des nitrates, du phosphore et de réaliser la photosynthèse. Cette capacité leur confère une stabilité géographique mais peut aussi nuire à leur développement à cause d’un accès limité à la lumière. Ainsi, elles se développent surtout dans les eaux peu profondes, sinon quelques algues réussissent à flotter pour chercher des conditions optimales de lumière [8].
Les macro-algues se répartissent selon la profondeur de l‘eau ; elles sont généralement vertes, mais on rencontre également des algues brunes et rouges. Les espèces de macro-algues capables de proliférer massivement sont surtout les algues vertes du genre Ulva. Elles se développent principalement au printemps et perdurent jusqu’en automne. Ensuite, la faible luminosité hivernale réduit la biomasse [8]. Ces algues vertes possèdent un métabolisme plus élevé, donc une croissance plus rapide mais plus gourmande en nutriments. En milieu peu profond et irrégulièrement enrichi en nutriments, les algues vertes ont la capacité de stocker les nutriments et ont donc un avantage compétitif par rapport aux autres algues [8], d’où leur prolifération massive.
La présence de macro-algues dans les retenues peut avoir plusieurs conséquences. Elles peuvent être considérées comme une gêne physique (pour la baignade ou la pêche par exemple), une nuisance olfactive et visuelle, et une nuisance pour la biodiversité de par l’asphyxie des autres organismes due à la réduction de l’oxygène dans l’eau. Un autre problème qui peut être identifié est le colmatage des filets de pêche, le colmatage des filtres et des différents traitements mis en place. Le développement de ces algues peut donc entraîner des coûts supplémentaires pour la surveillance, pour le ramassage et pour le lavage des tamis [9]. Une étude sur les effets toxiques des macro-algues a été réalisée par l’Anses [10] ; les macro-algues sont susceptibles de produire des substances plus ou moins toxiques (sulfure de diméthyle, dopamine, chloroforme) et leur décomposition peut relarguer différents composés (NH3, H2S, CO2, méthylmercaptan). Cependant, la nature des substances produites varie selon les conditions environnementales [10]. Certaines algues peuvent rendre toxiques les mollusques et les rendre impropres à la consommation. Un autre exemple est celui des algues contaminées par des éléments radioactifs à Windscale (GB) et qui sont donc devenues dangereuses pour la santé humaine [11]. Cependant des études plus approfondies sont nécessaires pour déterminer la toxicité relarguée par ces macro-algues [10]. Dans les filières de traitement, les macro-algues peuvent se développer dans les ouvrages immergés, en particulier sur les parois des ouvrages ouverts à l’air libre [12].
Certaines espèces d’algues peuvent être valorisées dans plusieurs domaines. Elles peuvent être utilisées dans l’alimentation humaine, directement ou sous forme d’additifs et de compléments. En effet, les algues contiennent des éléments nutritifs, en particulier un grand nombre d’oligo éléments, surtout du magnésium et de l’iode. Grâce à leur concentration en nutriments, elles peuvent être également utilisées pour l’alimentation animale et comme engrais. Certaines substances tirées des algues sont utilisées en industrie, comme l’alginate qui est utilisé dans le domaine des cosmétiques, pharmaceutiques, des peintures et plastiques. L’agar agar sert pour les milieux de culture des bactéries. Elles peuvent aussi être utilisées pour leur capacité à filtrer l’eau dans des stations d’épuration (STEP). Finalement, les algues contiennent jusqu’à 80 % de lipides qui peuvent être utilisés pour la production des biocarburants. Ces utilisations sont en développement et les filières de production d’algues sont constamment optimisées.
Les micro-algues (< 300 µm)
Les micro-algues sont visibles uniquement au microscope. Les plus fréquemment trouvées et étudiées en eau douce sont les chlorophycées (algues vertes), les diatomées (algues brunes) et les cyanophycées (algues bleues ou bleues vertes). Cependant il existe d’autres espèces telles que les cryptophycées, les dinoflagellés et les chrysophycées. Chaque type d’algue a des effets différents et des périodes de développement différentes. Leitao et Couté (2005) [13], ont observé les trois principaux types d’algues pendant les quatre saisons et ont déterminé leurs époques de croissance.
Les chlorophycées : ce sont les algues vertes. Leur structure permet le plus souvent à l’algue de flotter. Elles sont plus abondantes en été, dans des eaux un peu plus chaudes avec moins d’oxygène [15]. Elles sont surtout responsables du colmatage des filtres, des goûts et des odeurs [4].
Les diatomées : ce type d’algue possède un squelette siliceux et constitue la majeure partie du phytoplancton des eaux douces. Elle est plus abondante au printemps ou au début de l’hiver [15]. Elle ne pose aucun problème et est facilement traitée par clarification.
Les cyanophycées : la structure de ces algues est semblable à celle d’une bactérie, elles sont donc appelées cyanobactéries. Il s’agit du seul type d’algue à être procaryote (sans noyau). Elles sont surtout présentes à la fin de l’été dans les milieux eutrophisés. Elles possèdent des vacuoles de gaz qui leur permettent de réguler leur position dans la colonne d’eau pour accommoder leurs besoins en lumière, et peuvent donc empêcher la lumière de pénétrer et causer la mort des organismes qui vivent dans des couches plus profondes. En plus des problèmes esthétiques qu’elles peuvent poser au niveau des ressources (efflorescences, ou “fleurs d’eau”), elles peuvent libérer des toxines potentiellement toxiques (cyanotoxines) ainsi que des métabolites susceptibles d’altérer l’odeur et le goût de l’eau.
Les cyanotoxines peuvent être à l’intérieur de la cellule algale (intracellulaire) ou dissoutes dans l’eau extracellulaire. Ces toxines sont naturellement synthétisées pendant la croissance exponentielle de la cyanobactérie [16] [17] et sont à leur maximum quand la cyanobactérie se trouve dans les conditions favorables de température, lumière et nutriments [16]. Dans leur étude, Van der Westhuizen and Eloff (1983) [18] ont trouvé que les toxines étaient plus toxiques quand elles étaient synthétisées à des pH très élevés ou très bas [19]. Les toxines sont diffusées dans l’environnement lors du vieillissement ou de la lyse cellulaire. Cette diffusion peut être naturelle ou provoquée par des facteurs extérieurs tels qu’une rupture cellulaire ou un frittage. Lorsque les cellules entrent en phase stationnaire, la mort cellulaire débute et les toxines sont relarguées. Ainsi, leur concentration peut être importante à la fin des blooms, ce qui constitue un paramètre à prendre en considération pour le traitement de l’eau. Les cellules algales doivent être intactes lors de leur élimination pour éviter le relargage de toxines et donc des processus supplémentaires. La libération des toxines peut être empirée par un traitement chimique avec un algicide comme le sulfate de cuivre, qui peut entraîner une lyse complète de la population en trois jours et la libération de toutes les toxines dans l’eau environnante (Berg et al., 1987 ; Kenefick et al., 1992 ; Jones et Orr, 1994) [19]. Les cyanotoxines peuvent être très problématiques car elles occasionnent des problèmes de santé sur les êtres vivants (humains, animaux, végétaux) et des dérèglements du système écologique. Les cyanotoxines sont classées selon leur mécanisme de toxicité : les hépatotoxines sont toxiques pour le foie, les neurotoxines ont une action sur le système nerveux, et les dermatotoxines provoquent des allergies et des irritations cutanées. Les cyanotoxines les plus connues sont les microcystines, les cylindrospermopsines et les nodularines, toutes trois des hépatotoxines [20].
Le changement climatique et les algues
Avec le changement climatique, plusieurs facteurs environnementaux climatiques et hydrologiques vont évoluer et avoir des conséquences sur l’intensité, l’origine, le type, la toxicité et la durée des blooms. Les retenues d’eau mais aussi les rivières en période d’étiage sont particulièrement concernées par ce problème. Selon le type d’algues, les réponses aux changements seront différentes. Anneville et al [21] ont prévu une augmentation probable des algues principalement en raison de la hausse de la température de l’eau, de l’augmentation des niveaux de nutriments résultant de l’évolution démographique, et des variations sur le transport des nutriments [21].
La température : deux des principales conséquences du changement climatique sont la hausse des températures moyennes, et la fluctuation des températures sous forme de vagues de chaleur. Zhang et al (2012) [22] ont observé le Lac Taihu pendant 23 ans et ont remarqué que les proliférations de cyanobactéries se produisent plus tôt et durent plus longtemps avec l’augmentation de la température, les heures d’ensoleillement et la vitesse du vent. Reichswaldt et al (2015) [23] ont mis en évidence les effets directs et indirects du réchauffement climatique sur les retenues d’eau et donc sur les algues, notamment sur les cyanobactéries et leur toxines. Tout changement de température engendre des modifications directes sur les retenues telles que la stratification, les débits d’entrée, l’évaporation et les cycles des nutriments. Le réchauffement peut également avoir un impact sur le niveau d’eau et donc concentrer davantage les nutriments et diminuer les taux de dilution des eaux, créant des conditions favorables pour les algues. Parallèlement, des températures atmosphériques plus élevées augmentent la capacité de vapeur d’eau dans l’atmosphère, entraînant une répartition différente des précipitations, de leur fréquence et de leur intensité. Les algues persistent dans des environnements avec des températures extrêmes. Ma et al 2016 [24], ont étudié les variations des algues pendant les différentes saisons. Pendant l’hiver, les cellules ont maintenu une faible activité et ont pu se développer à nouveau lorsqu’elles ont été exposées à des températures élevées. En effet, de fortes concentrations d’algues hivernantes peuvent fournir un grand ensemencement des algues pendant les saisons chaudes.
Les précipitations : le réchauffement affecte le régime des précipitations et de la sécheresse. Ces changements dans les cycles hydrologiques pourraient renforcer la prolifération des algues et la dominance de certaines espèces (Paerl 2008 [25]). A court terme, le déversement d’eau peut empêcher les blooms en les rinçant. Cependant, à mesure que le débit diminue et que le temps de séjour de l’eau augmente en raison de la sécheresse, les charges de nutriments seront captées, ce qui finira par favoriser les blooms (Paerl 2008 [25]). Les précipitations vont causer une érosion plus importante du sol, renforcée par la déforestation, qui entraînera une hausse de concentration des nutriments dans les retenues d’eau. La durée de la période sèche précédente est un autre facteur important qui détermine les conditions de nutriments pour les algues car il y a une accumulation de nutriments et de polluants pendant cette période. De même, la pluie suivante entraînera plus de polluants. En outre, Reichswaldt et al (2015) [23] ont trouvé que l’humidité du sol était un facteur affectant le relargage des nitrates. En même temps, lors des fortes précipitations, la turbidité diminue et permet une lumière entrante plus importante. Cette modification influence fortement la concurrence entre les producteurs primaires et a une incidence bénéfique sur l’apparition des algues (Pitois 2014 [26]).
Le CO2 : un autre facteur du changement climatique est la concentration en dioxyde de carbone (CO2) atmosphérique qui module la température par l’effet de serre. L’augmentation des niveaux de CO2 atmosphérique stimule la prolifération des cyanobactéries de surface en leur donnant un accès préférentiel au CO2 (Visser 2016 [27]). L’augmentation des niveaux de CO2 atmosphérique peut entraîner l’acidification des eaux de surface. Toutefois, dans les systèmes eutrophes touchés par les cyanobactéries, cet effet sera probablement annulé par l’augmentation de l’activité des efflorescences, qui augmente la consommation de CO2 et élève le pH (Paerl 2012 [28]).
Les fluctuations des niveaux d’eau : avec le réchauffement climatique, les fluctuations du niveau de l’eau sont de plus en plus importantes et ont une influence sur les communautés dominantes de phytoplancton. Paerl (2012 [29]) a observé que la dominance des cyanobactéries a diminué, ou augmenté, à la suite de changements marqués du niveau de l’eau. Une augmentation du niveau de l’eau peut réduire la biomasse des cyanobactéries soit directement par un effet de dilution, soit indirectement en modifiant les conditions des réservoirs par des voies complexes.
Les nutriments (azote, phosphore, fer) : en ce qui concerne les nutriments, le transport du phosphore est favorisé par le ruissellement de surface et l’érosion du sol, et le transport de l’azote est favorisé par le rinçage plus lent des eaux profondes du sol. Reichswaldt et al (2015) [23] ont montré qu’un ratio bas entre azote et phosphore est un facteur précurseur de la prolifération des algues. Un autre nutriment qui influe également sur les algues, et notamment sur la production des microcystines par les cyanobactéries, est le fer. Il a été identifié comme un micronutriment affectant la production de microcystine. Il a été suggéré que la production de microcystine est une réponse au stress environnemental associé aux conditions de carence en fer [23].
La compétition/le foisonnement : les algues, notamment les cyanobactéries, sont connues pour avoir un taux d’absorption et de stockage du phosphore plus élevé que d’autres espèces de phytoplancton. Elles ont également une capacité de fixation d’azote. Ainsi le développement des cyanobactéries est favorisé dans le cadre d’une limitation de nutriment. Reichswaldt et al (2015) [23]. Un exemple est le type de cyanobactérie C Raciborskii, qui s’est révélé être un bon concurrent dans de nombreux systèmes aquatiques en raison de sa capacité à s’adapter à des conditions de faible luminosité, de ses larges tolérances de température et de sa capacité à séquestrer différentes formes d’azote et de phosphore (Sinha 2012) [27]. Une autre cyanobactérie qui semblerait favorisée par le réchauffement climatique est la M.Aeruginosa, qui est capable de produire la microcystine (hépatotoxine).
La toxicité : avec la température, les cyanobactéries ont tendance à proliférer. L’effet direct de la température sur la production des toxines semble être spécifique à l’espèce et à la souche. Cependant, les preuves s’accumulent concernant l’effet positif des températures élevées sur le développement des souches toxiques, ce qui met en évidence la possible augmentation de fleurs d’eau toxiques dans l’avenir. Reichswaldt et al (2015) [23]. Parallèlement, les fortes pluies apportent des quantités de sédiments et de matières organiques particulaires qui vont augmenter la quantité de toxines absorbées dans les sédiments, libérées postérieurement. Cependant, les précipitations peuvent également être bénéfiques grâce à la dilution des toxines dissoutes. De plus, les modifications du pH peuvent entraîner une réduction de l’adsorption des toxines dans les sédiments.
La salinité : les sécheresses estivales, l’élévation du niveau de la mer et les activités humaines ont entraîné une augmentation de la salinité des lacs dans de nombreuses régions. Plusieurs algues ont une forte tolérance au sel qui se traduit par une augmentation d’efflorescences cyanobactériennes toxiques. Cette tolérance s’explique par la répartition géographique de certaines espèces comme la Cylindrospermopsis raciborskii, décrite à l’origine comme un genre tropical/subtropical en Australie qui est apparue en Europe du Sud dans les années 1930 et a colonisé les hautes latitudes à la fin du 20ième siècle (Paerl 2008 [25]). Cependant, une fluctuation intermittente de la salinité peut permettre la survie des populations de Microcystis, en provoquant un stress salin et entraînant donc une fuite des cellules et l’excrétion de la toxine microcystine (Paerl 2012 [28]). Spahn et al [29] ont réalisé une synthèse de quelques effets des différents facteurs climatiques.
Jeppesen et al (2009) [30] citent que de possibles événements pluvieux intenses pourraient accentuer l’érosion et donc accélérer le transfert de nutriments vers les lacs [14]. Ces événements pluvieux, suivis de périodes de sécheresse, pourraient créer de bonnes conditions de développement. Bormans et al (2016) [31] de leur côté, discutent de l’augmentation du relargage de phosphore par les sédiments avec la stratification des plans d’eau et donc une augmentation incontrôlée des algues.
Ainsi les différents changements climatiques futurs vont modifier les conditions environnementales d’une manière qui peut conduire à :
Des espèces de cyanobactéries plus compétitives par rapport aux espèces habituelles (HAB) ;
Une production accrue des toxines toxiques ;
Un développement de la biomasse algale.
Néanmoins, les projections actuelles sur la manière dont les facteurs climatiques peuvent influencer la prévalence des HAB restent largement spéculatives (Paerl 2018 [25]). Il paraît donc que l’atténuation des blooms algaux nécessitera, dans les conditions climatiques futures, une réduction de nutriments et un changement des pratiques agricoles et de traitement (Hamilton et al, 2016 [3]) [14]. Cependant, après une observation sur 8 ans, Pitois et al [2] ont conclu que l’effet climatique sur les algues est difficilement généralisable puisque des facteurs tels que la profondeur, le volume, la température jouent également un rôle important. Néanmoins, les surfaces peu profondes ou les étiages seront les plus affectés par une hausse de la température et une prolifération des algues. Les prévisions restent donc très difficiles à réaliser. Une action rapide est ainsi essentielle pour pouvoir pallier les conséquences futures du changement climatique. Dans tous les cas, il est certain que les problématiques de potabilisation liées aux algues vont être accrues.
La clarification lestée Actiflo® pour la potabilisation des eaux de surface
Intérêt de la floculation lestée
La floculation est le processus physique par lequel une agitation maîtrisée amène des particules, dont les charges électriques ont été chimiquement neutralisées au préalable (par coagulation), à entrer en collision et à s’agglomérer pour former des flocs pouvant être décantés, flottés ou filtrés. La floculation lestée implique l’injection d’un agent lestant pour augmenter la taille et la densité des flocs. L’agent lestant, ici le microsable, augmente la vitesse de décantation par rapport à la décantation conventionnelle et permet de traiter un débit 30 fois [32] plus important que le procédé normal. Le mécanisme mis en jeu lors de la floculation lestée est expliqué par deux théories. D’une part, Borchate et al [33] ont proposé que la surface spécifique élevée du microsable serve de « graine » pour la formation de flocs stables, avec la fixation du polymère et des colloïdes sur la surface du microsable. D’autre part, Young et Edwards [34] ont proposé que le microsable soit incorporé uniformément dans la matrice des flocs. C’est-à-dire que les particules de microsable sont projetées dans le floc chimique par des forces d’inertie et se lient dans la matrice. Quel que soit le mécanisme d’incorporation, toutes les études ont confirmé que l’agent de lestage, ayant une masse supérieure à celle des micro-flocs formés, affecte la densité des flocs et augmente la vitesse de décantation [35] [36]. De plus, les flocs lestés sont plus résistants au cisaillement que les flocs non lestés car ces flocs sont plus ronds et ont des liaisons dans le floc plus étroites. Ainsi, la floculation lestée peut piéger et forcer la décantation de particules difficilement décantables telles que les algues. En effet, les algues possèdent une densité très faible et selon leur nature, vont être plus ou moins faciles à piéger dans les flocs. Les algues diatomées et les chlorophycées sont plus facilement traitables grâce à leur structure et leur taille. Notamment le squelette siliceux des diatomées va permettre une incorporation dans les flocs plus facilement. En revanche, les cyanobactéries sont très difficilement piégées dans le floc à cause de leurs vacuoles, qui leur permettent de flotter et de remonter à la surface. Néanmoins, l’Actiflo® s’avère adéquat pour ce traitement. Avec l’ajout de l’agent lestant, les cyanobactéries sont piégées et décantent, avec des performances d’élimination supérieures ou égales au traitement par flottation (DAF).
Procédé Actiflo®, fonctionnement et performances reconnues
Actiflo® est un procédé de traitement des eaux qui consiste à coaguler l’eau à traiter avec un coagulant à base de sel de fer ou d’aluminium, puis à floculer l’eau coagulée avec un polymère (synthétique ou biosourcé) et un agent lestant (le microsable), et enfin à décanter les flocs formés dans un décanteur équipé de lamelles. Le mélange boue-microsable est extrait en partie basse du décanteur, et l’eau traitée est extraite en haut du décanteur. Un hydrocyclone sépare la boue du microsable, et ce dernier est réintroduit dans l’ouvrage. Cette technique permet de débarrasser les eaux traitées des impuretés colloïdales ou en suspension, constituées de polluants qu’il est souhaitable d’éliminer [37].
La technologie Actiflo® permet d’obtenir des résultats performants et offre plusieurs avantages tels que [37] :
Une qualité d’eau supérieure à celle obtenue par la clarification conventionnelle ;
Une efficacité élevée : élimination jusqu’à > 99 % de la turbidité, des matières en suspension (MES) et des polluants associés ;
Une faible emprise au sol : le procédé requiert peu de place, il est idéal pour les zones à espace restreint ou pour la réhabilitation de bassins existants ;
Un temps de séjour hydraulique court : démarrage et optimisation rapides du traitement ;
Une stabilité du procédé, même lors des variations subites de débit et/ou de charge.
Procédé Actiflo® Carb, l’intérêt du couplage CAP et de la floculation lestée
Basé sur le procédé Actiflo®, l’Actiflo® Carb est équipé d’une cuve de pré-contact avec charbon actif en poudre (CAP) pour l’adsorption des matières organiques naturelles non floculables, des goûts et odeurs, des pesticides et des micropolluants organiques émergents. Les caractéristiques de fonctionnement du procédé sont identiques à celles de l’Actiflo®, lui conférant ainsi les avantages d’un traitement rapide et de haute performance tout en assurant la production d’une eau de très grande qualité. Il contient également un hydrocyclone pour récupérer le microsable et le CAP.
La combinaison de CAP et Actiflo® permet d’éliminer des turbidités importantes et des matières organiques, floculables ou non. Elle est donc particulièrement adaptée pour le traitement des eaux à charge polluante élevée. L’Actiflo® Carb possède non seulement la rapidité et l’efficacité de traitement de l’Actiflo®, en associant la compacité et la souplesse d’exploitation aux performances exceptionnelles du charbon actif, il est une solution optimale pour les traitements d’affinage et de dépollution des eaux [38].
L’Actiflo® Carb permet d’atteindre des taux d’abattement allant jusqu’à plus de 95 % des micropolluants [38] et des molécules réfractaires à la clarification physico-chimique, et peut aussi être mis en place comme traitement tertiaire pour éliminer les pesticides et autres micropolluants organiques. Il est capable d’abattre jusqu’à plus de 95 % des micropolluants tels que les perturbateurs endocriniens (pesticides etc..). Ce procédé est également utilisé dans les applications industrielles, notamment pour l’abattement de la DCO dure réfractaire. L’utilisation de l’Actiflo® Carb présente plusieurs avantages :
Une élimination efficace des micropolluants organiques ou des produits réfractaires ;
Une meilleure qualité d’eau par rapport à la clarification et l’affinage traditionnels ;
Une réduction de l’emprise au sol, grâce à la compacité de la technologie, et donc des coûts.
Intérêt de la clarification lestée Actiflo® pour traiter les algues
Depuis les années 1990, plusieurs études ont porté sur le procédé Actiflo® et sa capacité à éliminer les algues. Ces études ont été réalisées dans différents pays (USA, GB, et France) à échelle de prototype et à échelle industrielle. Il a ainsi été démontré que l’Actiflo® est un procédé efficace pour l’élimination des différents types d’algues, avec des performances similaires et comparables à celles du procédé généralement considéré phare dans le domaine, c’est-à-dire la flottation (DAF) [39] [40].
Le procédé Actiflo® permet de traiter les macro-algues et les micro-algues à des taux d’élimination de 85-99 %, avec une efficacité de traitement variant selon les espèces de phytoplancton et les conditions opératoires (dosage de réactifs, vitesse de clarification, et concentration en algues).
L’Actiflo® permet une élimination physique du phytoplancton et des substances intracellulaires (toxines, métabolites), mais ne traite pas les substances extracellulaires indésirables dans l’eau potable, telles que la microcystine, la géosmine et le 2-méthylisobornéol (MIB). Pour ces problématiques, le procédé Actiflo® Carb s’avère nécessaire en réalisant l’adsorption et la rétention sur CAP des substances dissoutes. Le couplage de ces deux procédés, Actiflo® et Actiflo® Carb, s’avère donc très efficace pour une gestion globale des problématiques liées aux algues [39] [40].
L’efficacité de l’Actiflo® sur les algues a été étudiée sur les usines de Okeechobe, Del Valle, et Sharon (USA), de Iver et Broomy Hill (GB), de Vitré, Saint-Fraimbault-de-Prières, et Neuilly sur Marne (France) [39] [40]. Selon les espèces d’algues et leur concentration dans l’eau brute, le pourcentage d’élimination a varié d’un site à l’autre. De surcroît, selon les espèces et leurs caractéristiques physiques (vacuoles gazeuses, cils, colonies, mucilage, etc), leur piégeage au sein des flocs s’est révélé plus ou moins aisé. D’autres études sur les usines de Shenango et Rawlins (USA) ont montré que les performances de traitement dépendaient aussi des réactifs utilisés (coagulants, polymères) et du pH de clarification. Dans la suite de cet article, nous nous attacherons à présenter les performances du procédé Actiflo® selon les espèces de phytoplancton. Nous présenterons aussi l’intérêt du procédé Actiflo® Carb vis-à-vis des problématiques de métabolites d’algues, la géosmine et le MIB.
Les bénéfices de la floculation lestée pour le traitement des algues sont rappelés ici en préalable à la présentation de nos études :
Stabilité et adaptabilité : l’une des caractéristiques de l’Actiflo®, et qui en fait son unicité par rapport aux autres systèmes de clarification, est la présence massive et continue de microsable, élément chimiquement inerte servant d’amorçage à la formation de flocs, et de ballast. Contrairement aux procédés de clarification à accumulation de boues (technologies à “lits de boues” par exemple) qui nécessitent d’être en permanence maîtrisés et stabilisés, l’Actiflo® assure une grande stabilité de traitement même en cas de variation du débit à traiter ou de la charge polluante (turbidité, matières en suspension, matières organiques, concentration et type d’algues). De même, cette stabilité du traitement est un avantage par rapport à la flottation (DAF) pour laquelle il faut adapter le rapport entre le débit d’air et le débit d’eau, opération parfois délicate et complexe à réaliser.
Réactivité : caractérisé par une large surface de contact, le microsable accélère la coagulation-floculation et augmente considérablement la vitesse de décantation des flocs. Le microsable permet aussi de s’affranchir des effets pénalisant sur la clarification des températures froides de l’eau à traiter. Enfin la disponibilité quasi immédiate du microsable lors des phases de démarrage permet à l’Actiflo® de répondre instantanément aux démarrages ainsi qu’aux fluctuations de débit. C’est une qualité idéale pour traiter les algues. A contrario les systèmes de clarification à accumulation de boues équipées de lamelles ou qui ne peuvent pas être sollicités de la même manière. Ils sont contraints par les phénomènes d’inertie hydraulique mais aussi thermique.
Rejet continu des boues : dans l’Actiflo®, le mélange de flocs et de microsable est récupéré par le racleur de fond avant d’être pompé vers l’hydrocyclone pour le nettoyage et la récupération du microsable. L’hydrocyclone sépare les boues (contenant les algues) du microsable par effet centrifuge. Le microsable nettoyé est réinjecté dans le bassin de floculation tandis que les boues, évacuées par gravité, poursuivent leur chemin vers la filière de traitement. Le rejet continu des boues est un atout en présence de cyanophycées toxinogènes. En effet, conserver de la boue à l’intérieur d’un ouvrage, comme c’est le cas avec les procédés à accumulation de boues, peut conduire à la lyse des cellules algales et au relargage de toxines ou de composés malodorants.
Sécurité sanitaire accrue : contrairement à la clarification lestée, les systèmes à accumulation de boues offrent des conditions idéales d’hébergement de bactéries, virus, parasites (Cryptosporidium et Giardia) et algues toxinogènes. Diverses études ont montré le net avantage de la décantation à floc lesté qui élimine les boues au fur et à mesure de leur production, par rapport à la décantation à lit de boue.
Le traitement des algues
Élimination des algues totales par l’Actiflo®
Les résultats présentés ici (figures 8 et 9) indiquent les performances obtenues sur diverses usines et unités pilotes au cours des 30 dernières années, avec des concentrations en algues exprimées en comptage total (unité de cellules par millilitre). Les concentrations en algues étant variables d’un site à l’autre, les données sont présentées avec une échelle logarithmique (figure 8) pour faciliter la lecture et la comparaison.
Nous constatons que pour des blooms allant de 10.000 à plus de 100.000 cellules par millilitre le procédé Actiflo® permet d’obtenir des taux d’élimination variant de 1 à 3 unités logarithmiques, soit 90 à 99,9 % d’abattement, toutes espèces algales confondues.
Les performances d’élimination sont comparables d’un site à l’autre mais il convient de les étudier de manière plus fine afin de comprendre quelles sont les conditions de clarification et les types d’algues présents lors de ces mesures. En conclusion, Actiflo® permet un abattement significatif pour les algues supérieur à 90 voire 99 % dans les scénarios de foisonnement (bloom). Nous avons désormais un retour d’expérience très significatif permettant de dire que cette technologie de floc lesté est un excellent outil pour le traitement des eaux chargées en algues en vue de leur potabilisation.
Comparaison des performances de l’Actiflo® et de la flottation (DAF) sur les algues totales
Les résultats présentés ici (figure 10) proviennent d’études réalisées à Shenango (USA) sur le traitement de l’eau de rivière de Shenango afin d’en produire de l’eau potable [41]. Ces études ont notamment permis d’effectuer une comparaison documentée entre les performances d’un Actiflo® et celles d’un DAF. Comme dans le paragraphe précédent, les concentrations en algues sont exprimées en comptage total (unité de cellules par millilitre).
Nous constatons que pour des blooms allant de 10.000 à plus de 100.000 cellules par millilitre le procédé Actiflo® permet d’obtenir des taux d’élimination d’au moins 2 unités logarithmiques, et que la flottation (DAF) permet d’éliminer environ 2 unités logarithmiques. Avec un taux d’élimination total des algues de 99.3 % pour Actiflo® et de 96.8 % pour le DAF, les deux procédés montrent des efficacités similaires.
D’autres études menées sur des eaux de retenues dans l’ouest de la France ont abouti au même type de résultat pour les deux procédés, c’est-à-dire de 97 % à 99 % d’élimination des comptages totaux en algues [39].
En ce qui concerne les différents types d’algues, l’Actiflo® a réussi à abattre en moyenne 95 % d’algues vertes, et 87 % d’algues bleues. Pour le DAF, le taux d’élimination d’algues vertes est de 91 % en moyenne et de 90 % pour les algues bleues. La concentration d’algues résiduelles dans l’eau clarifiée par l’Actiflo® est de 500 cellules/ml et celle du DAF est de 670 cellules/ml [39]. Pour conclure sur l’ensemble de ces résultats, les performances de l’Actiflo® se révèlent être très bonnes, voire meilleures sur certaines espèces d’algues, en comparaison de celles d’une flottation (DAF).
Élimination des algues brunes par l’Actiflo®
Des essais réalisés sur cinq sites d’étude, à Iver (GB), Sharon (USA), Saint-Fraimbault-de-Prières, Vitré, et Ancenis (France), ont permis d’analyser le traitement par l’Actiflo® des algues brunes, principalement des diatomées. Les concentrations en algues brunes rencontrées dans les eaux brutes des sites étudiés varient d’environ 1.000 à 100.000 cellules par millilitre. Les résultats d’abattement obtenus sont présentés sur la figure 11.
L’efficacité de traitement des diatomées est excellente, de 88 % à plus de 99 % selon la concentration en entrée de clarification. L’élimination des algues brunes telles que les diatomées est assez aisée car ces dernières possèdent un squelette de silice rendant leur piégeage par floculation et décantation très efficace.
Élimination des algues vertes par l’Actiflo®
Les essais menés sur les cinq sites décrits précédemment (V.3.) ont également permis d’analyser le traitement par l’Actiflo® des algues vertes (chlorophycées). Les concentrations en algues vertes rencontrées dans les eaux brutes des sites étudiés varient d’environ 1.000 à plus de 100.000 cellules par millilitre. Les résultats d’abattement obtenus sont présentés sur la figure 12.
L’efficacité de traitement des chlorophycées est excellente, avec des taux d’élimination de 90 % à 99,9 %.
Élimination des algues bleues (cyanobactéries) par l’Actiflo®
Des essais réalisés sur sept sites d’étude ont permis d’analyser le traitement par l’Actiflo® des cyanobactéries. Les concentrations en algues bleues rencontrées dans les eaux brutes des sites étudiés varient d’environ 100 à 10.000 cellules par millilitre, soit bien moins que les concentrations en algues brunes et vertes décrites précédemment (V.3. et V.4.). Les résultats d’abattement obtenus sont présentés sur la figure 13.
Avec des taux d’abattement de 83 à 92 %, l’efficacité du traitement des cyanobactéries est très bonne.
Constat des performances de l’Actiflo®
L’ensemble des résultats présentés ci-dessus permet de conclure que le procédé Actiflo® possède une excellente capacité de traitement des algues. En effet, grâce à la présence de l’agent lestant, le microsable, la plupart des algues difficilement décantables sans agent lestant se trouvent être convenablement piégées et décantées.
Toujours grâce au microsable, les flocs lestés ont une densité plus élevée que celle de flocs conventionnels, ce qui autorise une vitesse de décantation plus importante que les vitesses de clarification (décantation ou flottation) mises en œuvre avec d’autres technologies. Cet avantage de l’Actiflo® permet de disposer d’ouvrages compacts, ou de traiter des débits plus importants à emprise au sol identique.
Élimination des algues par l’Actiflo® Carb
L’Actiflo® Carb est composé de l’Actiflo® classique et d’une cuve de pré-contact avec du charbon actif en poudre (CAP) permettant d’adsorber les polluants organiques, notamment les toxines et les métabolites. Seuls les résultats concernant l’élimination des algues par l’Actiflo® Carb sont présentés ici, les problématiques de toxines et métabolites étant abordées plus loin.
La figure 15 compile les résultats obtenus sur les algues par une unité mobile Actiflo® Carb de 2004 à 2009. Grâce à ces résultats on observe que la capacité de traitement du procédé Actiflo® Carb est équivalente à celle de l’Actiflo® sur les algues totales, avec des taux d’élimination allant de 70 % à 99 %.
Élimination des algues par la combinaison Actiflo® Twin Carb
Les études ont confirmé que le procédé Actiflo® est très efficace pour l’élimination des algues, mais que la présence de toxines et/ou de métabolites dissous peut nécessiter le recours à un Actiflo® Carb. En tenant compte de leur complémentarité, la combinaison d’un Actiflo® et d’un Actiflo® Carb (encore appelée “Actiflo® Twin® Carb) se montre donc tout à fait judicieuse pour aborder le double problème des algues et des substances algales extracellulaires.
Les graphiques ci-dessous compilent les résultats d’études menées entre 2004 et 2011, et démontrent les performances de traitement des algues par l’Actiflo® Twin Carb (c’est à dire un Actiflo® suivi d’un Actiflo® Carb).
Sur la figure 16, nous pouvons observer que les quantités d’algues contenues dans l’eau après l’Actiflo® Twin Carb sont nettement inférieures à celles après traitement par l’Actiflo® seul. Les concentrations en algues totales dans les eaux brutes sont de l’ordre de 10.000 - 100.000 cellules/ml. Après le traitement par Actiflo®, les concentrations s’atténuent jusqu’à 100 - 1.000 cellules/ml. Ensuite, les concentrations diminuent encore d’une unité logarithmique à la sortie de l’Actiflo® Carb. La combinaison des procédés Actiflo® et Actiflo® Carb permet ainsi d’obtenir des taux d’élimination de plus de 5 unités logarithmiques.
Concernant la capacité d’élimination des algues totales, le graphique de la figure 17 présente le taux d’élimination cumulé du procédé combinant Actiflo® et Actiflo® Carb. La performance d’une clarification Actiflo® seule présente un taux d’abattement d’algues de 85-95 % en moyenne. Grâce à la mise en place de l’Actiflo® Twin Carb, le taux d’abattement cumulé dépasse 99,5 %.
Les problématiques de toxines et de métabolites
A présent, nous allons aborder le traitement des toxines et des métabolites par le procédé Actiflo® Carb, grâce à des études réalisées à l’échelle industrielle ainsi qu’à l’échelle laboratoire avec du CAP.
Traitement des microcystines par le CAP
Les microcystines sont des hépatotoxines produites par certaines cyanobactéries.
La figure 18 présente les résultats d’abattement de différentes microcystines (LR, RR, YR) par traitement CAP. On peut noter que l’adsorption par CAP s’avère être une méthode très efficace pour traiter différentes microcystines [41].
Le CAP PICAHYDRO LP39 permet un abattement de 80 % de la microcystine-RR, 60 % de la microcystine-YR, et 99 % de la microcystine-LR (la seule actuellement réglementée sur les eaux destinées à la consommation humaine en France). Ces résultats ont été obtenus avec une concentration de CAP en renouvellement de 15 mg/l, un temps de contact de 10 minutes et une concentration initiale en toxines de 3 µg/L. Même si les pourcentages d’abattement diffèrent selon la molécule, nous pouvons constater que le CAP est capable d’éliminer la majorité des microcystines dans des conditions opératoires (taux de CAP et temps de contact) qui sont celles de l’Actiflo® Carb. D’autres études avec le même temps de contact de 10 minutes ont également montré des taux d’abattement satisfaisants. Les études de Hart et Stott (1993), et de Croll et Hart (1996) ont montré un taux d’élimination de microcystine-LR de 85 % pour une dose de CAP de 20 mg/l. Le meilleur taux d’élimination est de 98 % avec 25 mg/l de CAP pour 10 minutes de temps de contact. De plus, une étude à l’échelle industrielle a permis d’obtenir un taux d’élimination de 82 % en moyenne pour des concentrations initiales en microcystines supérieures à 0,5 μg/L avec 20 mg/l de CAP. Selon les résultats obtenus, nous pouvons constater que le CAP est efficace pour traiter les microcystines et autres toxines, tant que les doses et le temps de contact restent compatibles avec la concentration initiale en toxines dans l’eau brute [42]. L’adsorption sur charbon actif en poudre est efficace sur l’ensemble des toxines mais l’efficacité dépend de la dose de charbon utilisée (par exemple minimum 70 % d’abattement avec un taux de traitement en charbon de 2 mg/l et jusqu’à 95 % d’abattement avec des doses plus élevées pour la MC-LR).
Les nouvelles technologies mettant en œuvre des réacteurs à charbon actif en poudre sont particulièrement efficaces pour éliminer les toxines extracellulaires et sont à recommander sur les filières ayant à traiter des eaux sujettes aux efflorescences de cyanobactéries. Le taux de traitement en charbon actif en poudre devra être adapté en fonction des toxines rencontrées et de leur concentration.
Traitement de la géosmine par l’Actiflo® Carb
La géosmine est un métabolite algal. Elle est bien connue des traiteurs d’eau pour les goûts et odeurs de terre- moisi qu’elle peut occasionner sur les eaux traitées et distribuées. Son seuil de flaveur, concentration à partir de laquelle le goût et l’odeur commencent à être détectables par l’homme, est de l’ordre de 5 ng/l.
Les essais précédemment présentés ont permis de vérifier la capacité de traitement de la géosmine par l’Actiflo® Carb [38]. Les figures 19 et 20 présentent les résultats obtenus sur des eaux préalablement dopées à différentes concentrations en géosmine, de 60 à 240 ng/l, avec un temps de contact de 10 minutes et une dose de CAP de 20 mg/l. Nous observons que le taux d’abattement est très élevé puisqu’il est de 98-99 %. Quel que soit le dopage en géosmine, les concentrations résiduelles dans l’eau traitée sont inférieures au seuil de flaveur de 5 ng/l. Ainsi nous pouvons constater que le procédé Actiflo® Carb permet d’un traitement très satisfaisant de la géosmine.
Traitement du 2-méthylisoborneol (MIB) par l’Actiflo® Carb
Comme la géosmine, le 2-méthylisobornéol (ou “MIB”) est un métabolite algal bien connu des traiteurs d’eau pour les goûts et odeurs de terre-moisi qu’il peut occasionner sur les eaux traitées et distribuées. Son seuil de flaveur est de l’ordre de 10 ng/l.
Des études de traitement du MIB par l’Actiflo® Carb ont été réalisées, afin de vérifier la capacité de traitement du MIB par rapport aux tests de CAP préalablement effectués à l’échelle du laboratoire. Les figures 21 et 22 présentent les résultats obtenus avec différentes concentrations de dopage en MIB, de 50 à 180 ng/l, un temps de contact de 10 minutes et une dose de CAP de 20 mg/l. Dans ces conditions, nous observons que le taux d’abattement est élevé (86 %-89 %). Cependant, les caractéristiques chimiques de la molécule font que la concentration résiduelle de MIB reste liée à la concentration initiale de l’eau (contrairement aux observations faites avec la géosmine). A partir d’une concentration initiale de 90 ng/l, la concentration résiduelle dans l’eau traitée dépasse le seuil de flaveur de 10 ng/l. Néanmoins les concentrations en MIB sont diminuées de manière très significative, ainsi que l’intensité des goûts et odeurs perceptibles.
Conclusions
Lors de la potabilisation, les macro- et micro-algues peuvent induire plusieurs problèmes causés par les algues elles-mêmes, par la matière organique intra et extracellulaire, et par les éventuels métabolites et/ou toxines, libérés par les algues. Les nuisances physiques, hydrauliques, organoleptiques ou sanitaires, peuvent intervenir à différentes étapes du processus de potabilisation. Dans les ressources d’eau douce, les algues peuvent causer un déséquilibre de l’écosystème ainsi qu’une variation importante du pH, pouvant entraîner le développement d’autres organismes. Dans les filières elles peuvent endommager les équipements, salir les ouvrages, affecter le rendement hydraulique de l’usine et sa capacité de production, et altérer les dosages, notamment lors de la coagulation et la floculation. Dans le réseau de distribution, la matière organique qui les constitue peut faire d’elles un substrat au développement bactérien et/ou un précurseur de sous-produits chlorés indésirables (THM). La présence d’algues peut également entraîner une gêne pour le consommateur, liée au goût et à l’odeur, ou à l’aspect visuel de l’eau. Si la prolifération algale ne peut être contrôlée de manière préventive dans la ressource elle-même (par réduction des intrants, curage, aération, sonication), et partant du principe que les traitements chimiques aux algicides sont à proscrire car susceptibles de conduire à des relargages massifs de métabolites malodorants et/ou de toxines, il faut envisager de traiter les algues dans les usines de potabilisation.
Il existe aujourd’hui plusieurs filières de traitement permettant d’assurer la production d’eau potable et de répondre aux normes de qualité. Ainsi le traitement des algues planctoniques est possible par les filières dites conventionnelles comme la coagulation, floculation, décantation simple ou flottation, et filtration. Il faut toutefois garder à l’esprit que certaines algues ont une propension à flotter, ce qui les rend plus difficiles à éliminer par une décantation simple. De plus lors de traitements conventionnels, les cyanobactéries peuvent être endommagées ou vieillir (par exemple dans les lits de boues de certaines technologies de décantation) et relarguer des substances indésirables telles que des cyanotoxines, de la géosmine et du 2-méthylisobornéol. Ces molécules organiques normalement contenues à l’intérieur des cellules algales (intracellulaires), se retrouvent alors dans l’eau sous forme soluble (extracellulaire) donc potentiellement difficiles à éliminer par les techniques de séparation mises en œuvre dans les filières conventionnelles.
Une technologie beaucoup utilisée est la flottation à l’air dissous (DAF) mettant à profit la faible densité des algues. Cependant une autre technologie mettant en œuvre les principes inverses s’avère aussi très efficace sur les algues. Il s’agit de la clarification lestée au microsable, largement employée pour la clarification d’eaux de surface. En effet le microsable, un adjuvant de clarification chimiquement neutre, permet d’alourdir les algues de faible densité et celles ayant une propension naturelle à flotter, et de les faire décanter rapidement avec une efficacité élevée. Le retour d’expérience du traitement des algues par l’Actiflo® et l’Actiflo® Carb, deux procédés basés sur la floculation lestée, est très satisfaisant et démontre que les performances sont comparables à celles de la flottation, constatation qui va à l’encontre de la littérature et de la perception des traiteurs d’eau.
Le traitement physique des algues par les technologies Actiflo® s’avère très efficace, avec un rendement d’élimination de l’ordre de 95 à 99 %, et davantage dans certaines études. Ces bonnes performances se vérifient tout autour de la planète (Europe, Amérique du Nord, Chine, Malaisie, etc). La performance du traitement peut varier au cours du temps, ainsi que selon les doses appliquées, il convient donc d’ajuster la dose de coagulant en particulier afin d’obtenir les meilleures performances.
L’Actiflo® et l’Actiflo® Carb contribuent à l’élimination physique des algues sans les endommager, c’est-à-dire en minimisant les risques de relargage de toxines et métabolites. La présence de ces molécules dans l’eau étant toutefois possible, parce que l’eau brute peut en contenir, elles sont efficacement traitées par adsorption sur le charbon actif en poudre (CAP) de l’Actiflo® Carb. En effet, le CAP permet d’adsorber les cyanotoxines avec un taux d’élimination de 92 à 99 %.
Avec une élimination de 95 % des algues, associée à une élimination de 95 % des cyanotoxines, le couplage Actiflo® et Actiflo® Carb permet une prise en charge globale et efficace de la problématique algale, comme le prouvent le retour d’expérience d’études diverses, ainsi que les données opérationnelles de nombreuses usines dans l’ouest de la France. Les algues ne représentent pas que des nuisances. Elles peuvent être valorisées dans de nombreux secteurs. Les macro-algues sont utilisées dans la pharmaceutique, la cosmétique et peuvent même être utilisées dans la production d’énergie. En France, les trois filières qui utilisent les algues sont la filière agronomique (épandage ou compost), la filière nutrition animale et la filière biomatériaux (plastiques, papier, peinture, pharmaceutique, cosmétique…). Finalement, des nouvelles études sont en cours concernant l’utilisation des micro-algues pour la production de biogaz, éthanol, lipides et de sous-produits à forte valeur ajoutée. Hwang et al (2016) [40], ont étudié la combinaison des eaux usées (pour l’apport nutritif) et la valorisation des algues en bioénergie. Des projets innovants sont également en cours pour intégrer des algues aux textiles dans le but de créer des « vêtements vivants » qui pourraient changer notre rapport à la mode [43].
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