Quel que soit le nom par lequel on les désigne, de nouveaux micropolluants viennent constamment s’ajouter à la liste des paramètres à respecter dans l’eau destinée à la consommation humaine. Face à une réglementation en évolution, les producteurs d’eau potable doivent s’adapter.
Ils n’ont d’émergent que le nom. On appelle ces polluants ainsi non pas parce qu’ils seraient apparus récemment dans les masses d’eau souterraines ou de surface mais, tout simplement, parce qu’on ne sait les détecter et les mesurer que depuis peu. Outre les paramètres classiques (pollution microbiologique, matières en suspension, matière organique, pesticides, nitrates, fluor, plomb…), les producteurs d’eau potable sont de plus en plus tenus de se préoccuper de ces nouveaux venus. Mais de quoi parle-t‑on?
La liste est par définition sans fin mais quelques critères permettent de cerner le problème. Corinne Feliers, directrice de la Recherche Développement et Qualité de l’Eau chez Eau de Paris, qui tient à souligner la spectaculaire montée en compétence des laboratoires d’analyse du monde de l’eau, introduit une première caractéristique: «il s’agit essentiellement de polluants chimiques liés à l’activité humaine, qu’elle soit agricole, industrielle ou domestique». Par ailleurs, comme le souligne Gilles Boulanger, directeur du Cirsee chez Suez, «ce sont des molécules présentes à l’état de traces, de l’ordre du microgramme/l, dans les eaux brutes».
D’ailleurs, plutôt que de polluants «émergents», les opérateurs parlent plus volontiers de micropolluants. Autre aspect important, souligné par Pierre Pieronne, Référent Production / Qualité eau potable chez Suez Eau France: «ce sont des substances préoccupantes pour les autorités scientifiques et sanitaires. Depuis que l'on arrive à déceler ces substances dans la ressource, les autorités scientifiques et sanitaires les étudient pour en connaitre les seuils de toxicité et leur occurrence dans le milieu naturel.» «Dans les années 1980, les polluants «émergents» étaient les pesticides, comme l’atrazine par exemple. En fait, on peut estimer que tout paramètre qui n’est pas microbiologique ou physicochimique est un polluant émergent» résume Christophe Mechouk, Président du groupe de travail Réglementation et traitement de l’eau à l’Astee.
Il existe donc d’innombrables molécules répondant à ces critères, dont la plupart ne sont pas encore prises en compte par la réglementation. Perturbateurs endocriniens, résidus médicamenteux, pesticides et leurs métabolites, PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées) ou microplastiques sont aujourd’hui les plus fréquemment cités. Veolia a justement annoncé début septembre 2024 la fin de sa campagne d’analyse nationale pour établir un état des lieux de la présence des 20 PFAS réglementés dans l'eau potable en France, sur la base des seuils de qualité en vigueur, lancée en novembre 2023. Celle-ci avait notamment pour enjeu d’anticiper l’obligation des autorités sanitaires d’intégrer systématiquement ces paramètres dans leurs contrôles à partir de 2026.
Pour cette campagne, ce sont plus de 2 400 points de prélèvement d’eau potable gérés par Veolia, desservant plus de 20 millions d’habitants, qui ont été analysés. Le groupe peut attester de la conformité de l’eau potable au regard des normes PFAS pour « plus de 99% de ses points de prélèvement ». Face à cette problématique, Veolia a par ailleurs décidé d'investir dans un dispositif d'intervention mobile de 30 unités d’intervention dont 25 unités mobiles de traitement (UMT) et 6 laboratoires mobiles « Diabolo » permettant, dans le cas où c’est applicable, de définir le meilleur type de média de traitement sur les micropolluants détectés (comme le charbon actif), à déterminer sa quantité et la fréquence de renouvellement des filtres nécessaire, ainsi que le coût associé.
«Notre objectif est d’accompagner nos
clients à relever le défi de la qualité de
l’eau potable en mettant à leur disposition, grâce à la profondeur de notre portefeuille technologique et notre expertise,
toute une palette de solutions adaptables
à chaque situation, en tenant compte des
spécificités locales et des contraintes
économiques. Nous utilisons pour cela
des procédés de pointe comme le charbon actif et la nanofiltration, ou encore
l’osmose inverse basse pression, tout en
continuant à innover pour développer de
nouvelles méthodes de traitement pour
anticiper les normes de qualité futures»
ajoute Pierre Ribaute, directeur de la
zone déléguée Eau France.
UNE RÉGLEMENTATION TOUFFUE
Étant donnés l’ampleur du problème et l’avancée incessante des connaissances, la réglementation les concernant est elle-même complexe et mouvante. La directive européenne3 2020/2184 du 16 décembre 2020, «relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine», transcrite en droit français entre décembre 2022 et janvier 2023, fixe (entre autres) une liste de plusieurs dizaines de paramètres à respecter pour qu’une eau soit déclarée conforme. Parmi eux figurent des micropolluants.
La vaste famille des pesticides constitue un paramètre, de même que celle des PFAS, alors que chacune comprend des milliers de molécules différentes. La Commission a adopté une définition assez inclusive des pesticides organiques puisqu’elle comprend les insecticides, les herbicides, les fongicides, les nématicides, les acaricides, les algicides, les rodenticides, les produits anti-moisissures, les produits apparentés (notamment les régulateurs de croissance) et leurs métabolites. Aucune de ces molécules ne doit être individuellement présente à plus de 0,10 μg/l (et même 0,030 μg/l pour l’aldrine, la dieldrine, l’heptachlore et l’heptachlore époxyde).
En tout état de cause, la somme des pesticides présents dans une eau destinée à la consommation humaine ne doit pas dépasser 0,50 μg/l. Si la présence des pesticides parmi les micropolluants réglementés n’est plus une nouveauté, la directive se préoccupe désormais également de leurs métabolites, soit les produits de la dégradation des molécules-mères dans le milieu naturel. Tous les métabolites d’un pesticide ne sont toutefois pas préoccupants, d’où l’introduction de la notion de pertinence.
Pour la Commission, «un
métabolite de pesticide est jugé pertinent
pour les eaux destinées à la consommation humaine s’il y a lieu de considérer
qu’il possède des propriétés intrinsèques
comparables à celles de la substance mère
en ce qui concerne son activité cible pesticide ou qu’il fait peser par lui-même
ou par ses produits de transformation
un risque sanitaire pour les consommateurs». Les métabolites pertinents sont
soumis au même seuil que leur molécule
mère. En revanche, il revient à chaque
État membre de fixer un seuil pour les
métabolites non pertinents. Dans son
avis5
du 30 janvier 2019, l’Anses a ainsi
proposé pour ces derniers une valeur
de 0,90 µg/l.
Pour ne rien simplifier, la liste positive
des molécules mères réglementées est
fixée au niveau européen mais chaque
État dresse sa propre liste de métabolites pertinents. En France, c'est une
instruction du ministère en charge
de la santé qui précise que la caractérisation de pertinent (ou non) d'un
métabolite de pesticide repose sur les
expertises menées par l'Anses. «Le principe de précaution veut que l’on classe un métabolite comme pertinent par défaut
en attendant que l’Anses détermine son
niveau de risque sanitaire sur la base
des études existantes» souligne Jean
Laurent, Directeur Expertise Process du
Groupe Saur. À ce jour, l’Anses a analysé
24 métabolites et en a classé 8 comme
pertinents.
Le fait que chaque État établisse sa
propre liste peut mener à des situations
surprenantes. Ainsi pour le métabolite
R471811 du chlorothalonil (une molécule
mère classée potentiellement cancérigène au niveau européen), qui a fait
couler beaucoup d’encre récemment.
Initialement classé comme pertinent par
l’Anses, ce métabolite a été déclassé fin
avril 2024, au vu de nouvelles études.
En revanche, un autre métabolite du
chlorothalonil, le R417888, est toujours
considéré comme pertinent en France.
«En Belgique, c’est l’inverse !» souligne
Sylvie Thibert ingénieure Gestion des
risques sanitaires au Sedif. Dans le même
ordre d’idée, le métolachlore ESA, un
métabolite du S-métolachlore omniprésent dans les eaux françaises, et initialement considéré comme pertinent, a
été déclassé en septembre 2022.
Les PFAS (voir à ce sujet notre dossier
dans EIN 472) font leur apparition dans
cette nouvelle version de la directive,
avec 20 molécules considérées comme
préoccupantes et dont la somme ne doit
pas dépasser 0,10 μg/l. Il s’agit de PFAS
à chaîne carbonée - courte à relativement longue, les seuls que l’on sache
vraiment mesurer aujourd’hui. Autre
paramètre possible: le total des PFAS
détectés ne doit pas dépasser 0,50 μg/l.
Les États membres peuvent choisir l’un
ou l’autre de ces seuils et, pour la transposition6 de cette partie de la directive,
la France a choisi de s’en tenir à la valeur
de 0,10 μg/l pour les 20 PFAS de la liste
plutôt qu’au «total PFAS». Explication:
«Les laboratoires intègrent constamment
de nouveaux PFAS dans leur arsenal de
molécules mesurables, aussi le total n’estil pas stabilisé actuellement. L’Anses a
d’ailleurs lancé une nouvelle étude exploratoire du territoire français, en 2024-
2025, portant cette fois sur les PFAS à
chaînes courtes, dont l’acide trifluoroacétique (TFA) qui a récemment fait parler de lui. Vers mi-2025, l'Anses devrait
rendre un avis qui pourrait potentiellement conduire à intégrer de nouvelles molécules à surveiller. Le législateur
pourra alors peut-être intégrer la notion
de PFAS totaux» explique Jean Laurent
(Saur).
Il faut noter que, si la directive est applicable depuis le 12 janvier 2023, quelques
polluants «bénéficient» d’une période
transitoire jusqu’au 12 janvier 2026,
laissant aux État membres le temps de
prendre les mesures nécessaires pour
s’assurer du respect des seuils. Il s’agit
du bisphénol A, des chlorates, des chlorites, des acides haloacétiques, de la
microcystine-LR (une toxine produite
par les cyanobactéries), des PFAS et
l’uranium. Chlorates, chlorites et acides
haloacétiques étant des sous-produits
de désinfection, la mesure n’est évidemment applicable que si les méthodes de
désinfection correspondantes sont utilisées pour la potabilisation.
Les prescriptions de la directive ne se
limitent pas à ces seuils réglementaires.
L’autre grande nouveauté est l’introduction d’une «liste de vigilance» concernant des molécules préoccupantes mais
pour lesquelles les données d’occurrence et de risque sanitaire manquent.
Elle concerne les perturbateurs endocriniens, les produits pharmaceutiques
et les microplastiques. «Nous devrons
les surveiller dans les ressources et dans
l'eau produite mais ça ne joue pas sur
la conformité de l’eau distribuée. Si des
études nouvelles suggèrent leur dangerosité, elles rejoindront sans doute les
molécules réglementées» estime Sylvie
Thibert (Sedif). «L’objectif est d’améliorer
la connaissance et de développer des
méthodes analytiques» confirme Pierre
Pieronne (Suez). Parmi les perturbateurs
endocriniens, la Commission vise en
particulier le nonylphénol et le bêta-œstradiol, molécules signalées par l’OMS
(au même titre d’ailleurs que le bisphénol A).
SEUILS RÉGLEMENTAIRES ET RISQUE SANITAIRE
Tous les opérateurs insistent sur ce
fait, souvent mal compris des consommateurs : une eau non conforme car
dépassant un ou plusieurs seuils réglementaires n’est pas ipso facto dangereuse pour la santé. «Il est important de
bien faire la distinction entre les seuils
réglementaires et les valeurs sanitaires,
en dessous desquelles il n’y a aucun risque
pour la santé. Or ces valeurs sont beaucoup plus élevées que les seuils de conformité» souligne ainsi Adrien Richet,
ingénieur en charge des filières haute
performance au Sedif. En France, c’est
l’Anses qui fixe les valeurs sanitaires,
ou Vmax dérogatoires, pour garantir
la santé du consommateur même en
situation de dépassement des seuils
réglementaires. Elles permettent, si
l’eau reste en deçà de la Vmax, de continuer à la distribuer de manière transitoire, le temps de mettre en place des
mesures correctives. «En l’absence de
Vmax déterminée par l’Anses, le législateur adopte les valeurs sanitaires transitoires fixées par l’agence allemande,
l’UBA, à 3µg/l ou 1µg/l selon le type de métabolites, et à 3µg/l pour les pesticides.
Pour les PFAS, les modalités de gestion
sanitaire en cas de dépassement sont harmonisées entre les ARS, selon le modèle de
l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes» explique
Jean Laurent (Saur). Résumons: une eau
non conforme réglementairement mais
ayant une teneur en polluants inférieure
aux limites sanitaires peut continuer à
être distribuée pendant une période
dérogatoire de six ans maximum, pendant laquelle l'opérateur doit prendre les
mesures pour ramener l'eau à la conformité. En revanche, si les limites sanitaires sont dépassées, des restrictions
d’usage sont édictées.
LES COLLECTIVITÉS DEVANT UN CHOIX
Il existe donc les polluants déjà réglementés, ceux qui le seront bientôt, ceux
qui sont placés sous surveillance… et
tous ceux que l’on ne connaît pas
encore ou dont on ne s’occupe pas
aujourd’hui mais qui peuvent se révéler préoccupants à tout moment. Face
à cette incertitude, comment les collectivités responsables peuvent-elles
se positionner ? Selon Gilles Boulanger
(Suez), «quelques collectivités pionnières
anticipent les évolutions à venir mais la
plupart se réfèrent «uniquement» à la
réglementation en vigueur». Ce que
confirme Jean-Yves Thévenet, directeur général de la construction chez
Aqualter : «Les polluants émergents ne
figurent pas encore dans les appels d’offre
pour la construction ou la mise à jour des
usines de potabilisation en France mais
les clients commencent à analyser leurs
ressources afin de se préparer, d’anticiper l’évolution des normes. Nous opérons
également en Suisse, un pays en avance
sur le sujet où les MOA prennent d’ores
et déjà en compte ces polluants.»
«Afin d’accompagner les collectivités et
les entreprises dans cette transition, il
est crucial d’élaborer un programme de
gestion des risques sur mesure. Ce programme devrait inclure des outils de surveillance spécifiques aux micropolluants
les plus critiques dans chaque région, avec
des campagnes de suivi régulières et des
formations dédiées aux opérateurs de
traitement des eaux. Des audits annuels
et des mises à jour basées sur les dernières
données analytiques permettront d’adapter rapidement les stratégies de gestion
des risques», ajoute Mickaël Nicolas,
Directeur R&D au sein du groupe Carso.
L’incertitude réglementaire pose en
effet un problème: comment investir
de manière pertinente dans des équipements qui fonctionneront pendant
plusieurs décennies si la réglementation est susceptible de changer rapidement ? C’est sans doute pour cela
que le cadre européen est remis à plat
tous les dix ans - la directive stipule un
réexamen «au plus tard neuf ans après la
date limite de transcription» - avec des
évolution plus limitées (portant surtout
sur la liste des molécules réglementées)
tous les cinq ans. «Les maîtres d’ouvrage
ont besoin d’une certaine visibilité sur
l’évolution des directives. significativement tous les 20 ans, un pas de temps
qui permet aux collectivités de s’engager sur des investissements qui doivent
s’inscrire dans la durée» estime ainsi
Gilles Boulanger (Suez). Autre dimension à prendre en compte: la liste des
polluants réglementées est par nature
extensive mais chaque collectivité fait
face à un «cocktail» local dans sa ressource. La réponse se doit donc d’être
sur-mesure.
Quoi qu’il en soit, en cas de nonconformité de la ressource, une collectivité dispose de plusieurs options. Tout
d’abord, si c’est possible, se débrouiller avec l’existant, autrement dit diluer
l’eau contaminée si elle dispose de plusieurs ressources, ou faire appel à l’interconnexion avec des collectivités
voisines. Il arrive aussi qu’un captage
doive être abandonné. Jean Laurent,
pour Saur, évoque ainsi une collectivité du sud de la France dont l’eau brute
provenaient à 15% de forages et 85%
d’un cours d’eau. Pour se conformer au
seuil de 0,10 μg/l sur un pesticide, il
a fallu réduire la part du forage à 5%.
«Le premier réflexe est la dilution mais,
avec la raréfaction de l’eau dans certaines
régions, il devient compliqué de se passer de certaines ressources, et en trouver
de nouvelles n’est pas garanti» souligne
toutefois Christophe Mechouk (Astee). Si
ce n’est pas possible, il faut se résoudre
à modifier l’usine de potabilisation en
ajoutant ou renforçant une étape de
traitement.
L’INDISPENSABLE ANALYSE
Avant même d’envisager d’éventuelles
mesures correctives, il convient évidemment de caractériser les ressources
locales puis d’exercer une surveillance
ciblée en fonction des risques identifiés.
Cela se fait par analyse d’échantillons au
laboratoire car les méthodes capables de
mesurer les micropolluants organiques
- essentiellement la chromatographie
en phase liquide ou gazeuse et couplée
à la spectrométrie de masse - ne sont
pas aujourd’hui automatisables en ligne.
C’est donc l’affaire d’entités comme
Carso, Eurofins, Inovalys, SGS, Terana
ou Wessling, entre autres, et de laboratoires d'analyses des grandes régies
comme celui d'eau de Paris.
Pour répondre à cette exigence et
atteindre les limites de sensibilité attendues, il est nécessaire de concentrer
certains échantillons et de simplifier
leur matrice complexe en supprimant
un maximum d'interférents, qui pourraient entraver leur analyse chromatographique. Afin d'optimiser cette étape
cruciale de préparation des échantillons,
Macherey-Nagel a développé une cartouche SPE : Chromabond® PFAS, une
phase combinée à base de polymères qui contient une faible fonctionnalité
d'échange d'anions faible. La combinaison de différentes phases SPE permet
d'utiliser diverses interactions (dipôledipôle, ionique, hydrophobe, liaison H).
Une des sources de pollution des
eaux provient des composés organiques volatiles (COV) qui peuvent
être introduits par des rejets liquides
industriels ou transférés depuis une
atmosphère gazeuse polluée. La société
Chromatotec® développe ainsi des instruments dédiés à l’identification et à la
quantification de ces polluants, tout particulièrement des composés organiques
volatiles (COV) dans l'air et dans l'eau. La
Méthode US EPA 502.2 est une méthode
d'usage général pour l'identification et la
mesure simultanée de composés organiques volatils purgeables dans l'eau de
source brute, dans l'eau potable ou dans
les eaux usées. Le procédé est applicable à une large gamme de composés
organiques qui ont une volatilité suffisamment élevée et une faible solubilité
dans l'eau pour être efficacement éliminés des échantillons d'eau avec des
procédures de purge et de piégeage (60
composés chimiques).
Le Groupe Saur propose quant à elle
à ses collectivités délégantes une offre
basée sur l’inventaire complet en sortie
d’usine et dans les eaux brutes de toutes
les molécules qui vont entrer dans la
réglementation applicable en janvier
2026: métabolites de pesticides, PFAS
(les 20 de la liste réglementaire plus
27 autres à chaîne courte, dont le TFA,
en prévision des avancées de l’Anses),
sous-produits de désinfection, perturbateurs endocriniens, paramètres nouveaux ou dont le seuil de qualité a été
révisé ou renforcé, etc. «Nous procédons par campagnes successives car il
faut étaler les analyses sur l’année pour
prendre en compte les variations saisonnières. Nous intégrons aussi le COT, un
paramètre très important car la matière
organique a un impact démontré sur la
capacité des installations à éliminer les
micropolluants» précise Jean Laurent
(Saur).
«Le Cirsee a développé des méthodes analytiques visant, entre autres, une soixantaine de PFAS, y compris à chaîne courte,
alors que les laboratoires commerciaux
ne mesurent que les 20 PFAS réglementés.
Cela permet d’établir un diagnostic initial précis et de vérifier les performances
des traitements mais ne concerne pas la
surveillance de routine» explique de son
côté Pierre Pieronne pour Suez.
« La filière PFAS a pris une telle importance dans notre système de production
que nous sommes arrivés à la conclusion
qu’il fallait créer un laboratoire dédié
aux PFAS et doté de ses propres capacités de Recherche et Développement »
ajoute Gabriel ZARDO, Président d’Eurofins Hydrologie Est.
Certains syndicats importants développent leur propre dispositif d’analyse.
Eau de Paris réalise ainsi plusieurs centaines de milliers d’analyses par an, tant
sur les ressources que dans les usines ou
le réseau de distribution. «Nous disposons de notre propre laboratoire accrédité
Cofrac, ce qui nous permet de répondre
aux exigences d'autosurveillance et de
mener des recherches sur les paramètres
émergents, et constitue une importante
source d’information sur les pollutions
à bas bruit» affirme Corine Feliers. Le
Sedif travaille pour sa part avec des
laboratoires extérieurs (essentiellement Carso) et vise une liste extensive
de polluants: plus de 500 pesticides, des
résidus médicamenteux, les microplastiques, les PFAS, etc.
L'intérêt croissant pour la détection
des contaminants émergents mentionnés précédemment, ainsi que les évolutions constantes de la réglementation
de l'UE, exigent le développement de
méthodes analytiques spécialisées telles
que la chromatographie, la spectrométrie de masse, la mesure du carbone
organique total (COT) et la spectroscopie. Comme le soulignent Laura
Akbal et Manuel Moragues, ingénieurs
d'applications chez Shimadzu France :
Dans cette quête d’ajout permanent de
nouvelles molécules, les constructeurs
d’équipements de chimie analytique,
comme Shimadzu, travaillent perpétuellement sur le développement de méthodes
et d’instruments analytiques plus sensibles, plus robustes, et plus rapides afin
d’améliorer les seuils de détection et d’être
le plus exhaustif possible en termes de
polluants recherchés.
C’est une course sans fin puisque, pour
chaque nouvelle molécule à analyser, il
faut créer des standards, développer des
protocoles et des normes. «Plusieurs
équipes scientifiques - et nous-mêmes
- travaillent sur les bioessais en laboratoire. Plutôt que de chercher sans fin la
signature spectrale de nouvelles molécules, il s’agit d’évaluer globalement les
effets toxiques (perturbateurs endocriniens, oxydants, cancérogènes…) d’une
eau, grâce à la réaction d’organismes
vivants. Ces technologies qui ont émergé
il a une vingtaine d’années arrivent
maintenant à maturité» explique Gilles
Boulanger (Suez). Précisons qu’il s’agit là
de techniques de laboratoire calibrées et
non des dispositifs d’alerte placés dans
la ressource et basés sur le comportement d’espèces macroscopique, déjà
disponibles sur le marché, comme par
exemple le Toxmate de Viewpoint. «Le
ToxMate permet d’avoir une vue globale
sur les micropolluants réglementés ou
pas afin de mieux anticiper les évolutions futures, De nombreux sites utilisent
maintenant le ToxMate pour déclencher
des prélèvements au moment des pics
de pollution pour une meilleure identification des micropolluants en cause»
explique Didier Neuzeret, président de
ViewPoint. «Ce sont des méthodes d’avenir, même si pas encore réglementées. Notre centre d’innovation, le Cirsee, travaille avec un fournisseur de bioessais
sur les PFAS» précise Pierre Pieronne
(Suez).
«Les bioessais sont particulièrement
bien adaptés à la mesure de la qualité
physiologique de l’Eau», ajoute quant à
lui le Dr. Gregory Lemkine, directeur
du Laboratoire Watchfrog, qui a déjà
évalué la qualité des eaux potables à
Paris et dans plusieurs communes en
Île-de-France.
«La présence de contaminants est très
rapidement révélée par les espèces
aquatiques qui partagent le même système endocrinien que l’être humain. En
quelques heures, l’action perturbatrice
d’un mélange de contaminants tels que
les PFAS, les résidus de médicaments ou
de cosmétiques, se révélera sur l’équilibre hormonal d’un alevin ou d’un têtard.
Cela ne préjuge pas des conséquences
pour l’humain mais cela permet de chiffrer la qualité physiologique de l’Eau»,
poursuit-il.
TRAITEMENTS : LE CHARBON ACTIF… ET LE RESTE
«Les dispositifs de traitement existants
reposent essentiellement sur le charbon
actif. Les résines échangeuses d’ions ou
les membranes supposent de passer un
cap en termes de coûts d’investissement et
d’opération, ainsi que de complexité d’exploitation» affirme d’emblée Jean-Yves
Thevenet, d’Aqualter. Ce que confirment
la plupart des intervenants. «Le charbon actif reste le principal traitement,
ne serait-ce que parce que beaucoup de
sites en sont déjà équipés. On peut assez
facilement adapter les installations pour
traiter de nouveaux micropolluants»
explique par exemple Pierre Pieronne
(Suez).
Sources utilise son procédé breveté
Carbocycle®, basé sur un lit fluidisé de
charbon actif en micro-grains. «Le principe est bien connu, les brevets portent
plutôt sur les périphériques : injection du charbon, entrée-sortie d’eau,
etc. Nous l’avons proposé pour l’usine
de Gourin, dans le Morbihan, actuellement en construction. Il vise dans ce cas
le métolachlore ESA, le métolachlore OXA,
le métazachlore ESA, l’alachlore ESA et le
chlorothalonil R471811. Trois petits pilotes
ont fonctionné pendant 6 mois sur le site
pour comparer les qualités de charbon,
adapter le dimensionnement et le fonctionnement aux polluants locaux. Nous
préconisons systématiquement cette
démarche car chaque situation est particulière» affirme Christophe Mechouk,
Directeur du marché eau potable et
expert en traitement de l’eau chez
Sources. Cette société vient également
d’emporter l’appel d’offres pour l’usine
de Meaux, où sera installé un Carbocycle
de 1500 m3
/h de débit.
Saur se repose essentiellement sur ses
procédés Carboplus, à base de charbon actif en grain ou en poudre, et
propose également systématiquement
des essais pilotes de six mois au minimum. La société a par exemple installé
deux unités mobiles de charbon actif
en grains (80 m3
/h chacune) pour une
collectivité de Haute-Savoie dont la ressource souterraine est polluée par des
PFAS (en particulier du PFOA) bien au-delà du seuil réglementaire. «Le dispositif a été validé par l’ARS pendant deux
mois et est aujourd’hui en fonctionnement de routine. Il n’y a plus de PFAS
détectable dans l’eau produite» affirme
Jean Laurent. Le Groupe Saur a également installé un Carboplus (600 m3
/h)
à base de charbon en poudre pour traiter une eau de surface alimentant une
collectivité de Meurthe et Moselle, là
encore pour une pollution aux PFAS
dont du PFTrDS (acide perfluorotridecanesulfonique). Le Carboplus est également utilisé pour les métabolites de
pesticides, par exemple pour un territoire du sud de la France confronté
à une pollution très lourde - au-delà
de la VST (Valeur Sanitaire transitoire
de 3µg/l) - au chlorothalonil R471811.
«L’eau produite est aujourd’hui largement en dessous du seuil réglementaire,
d'autant que ce métabolite est désormais
classé en non-pertinent, avec par conséquent une nouvelle Valeur Indicative de
0,9 µg/l.. Nous obtenons en effet un taux
résiduel de 0,06 à 0,08 μg/l. Il est inutile
d’aller plus loin, ce qui coûterait beaucoup plus cher : nous cherchons toujours
le meilleur ratio technico-économique»
souligne Jean Laurent.
La société Donau Carbon propose quant
à elle pour le traitement des eaux destinées à la consommation humaine
contaminées aux PFAS deux types de
charbon actif spécifiques : le charbon
actif «Hydraffin CC 8x30 plus» pour les
mélanges de PFAS à chaines longues et
courtes et le charbon actif «Hydraffin
XC 30» pour les PFAS à chaines longues.
Pour des applications avec filtres à lit
fluidisé, le charbon actif « Hydraffin XC
50 » est bien adapté. Après utilisation, le
charbon actif usagé pourra ensuite être
repris pour réactivation sous réserve
d’acceptation, avec notamment une
attention particulière apportée aux substances listées dans le règlement
POP (polluants organiques persistants).
La société Desotec propose également
des services mobiles de filtration sur
charbon actif aux entreprises de divers
secteurs, notamment celles qui rencontrent des PFAS dans les eaux usées
ou les eaux souterraines. Pour assurer
une conformité stricte avec les normes
européennes en matière de PFAS, elle
a mis au point une méthode de mesure
précise du taux de PFAS adsorbé sur le
charbon actif, afin d'identifier la meilleure méthode de traitement.
«Si la concentration en PFAS est inférieure aux limites réglementaires, nous
pouvons traiter le charbon usagé de
manière sûre et durable dans nos installations de réactivation, dans le respect total des réglementations relatives
aux POP. Nos installations sont équipées
pour détruire complètement les PFAS,
en les faisant réagir et en les neutralisant. Les gaz et autres impuretés générés par ce processus sont neutralisés par
nos unités de postcombustion et d'épuration, ce qui garantit qu'aucun PFAS n'est
émis à des niveaux détectables. Grâce à
ce processus strict, nous nous assurons
que les PFAS sont entièrement détruits en
dessous des niveaux détectables », précise Desotec.
Simple à mettre en place et à opérer,
ne nécessitant pas de forts investissements, le charbon actif - proposé par
exemple par des charbonniers comme
Puragen ou Cabot - est donc la première option de traitement. Il trouve
toutefois ses limites dans certaines circonstances, par exemple pour des eaux
très chargées en polluants ou vis-à‑vis
de certains composés comme les PFAS
à chaîne courte. «Les traitements fonctionnent mais les résiduels restent parfois assez proches de ce que pourraient
devenir les seuils réglementaires dans
l’avenir puisqu’ils vont vraisemblablement beaucoup baisser, au moins pour
certains PFAS. La consommation de charbon deviendrait alors très importante et
il faudrait envisager d’autres méthodes»
ajoute Jean Laurent (Saur).
Les candidats le plus plausibles sont
les résines et les membranes. Leurs
atouts sont désormais bien connus…
tout comme leurs inconvénients
actuels. Ces méthodes sont à ce jour
nettement plus coûteuses que le charbon actif, demandent un personnel formé et génèrent des éluats (résines
lorsque celles-ci sont régénérées) ou
des volumes importants de concentrats (membranes) pollués dont il faut
se débarrasser. «Résines ou membranes
représentent de plus une difficulté réglementaire. Il faut en effet obtenir l’autorisation de l’Anses pour les utiliser. C’est
coûteux et surtout très long. La FP2E7
a d’ailleurs présenté des propositions
à la DGS pour accélérer le processus»
ajoute Pierre Pieronne (Suez). «Il sera
toujours possible de traiter les nouveaux polluants réglementés, à condition d’y mettre les moyens, en termes
économiques mais aussi d’adaptation
des ressources humaines car les technologies deviennent de plus en plus complexes» souligne pour sa part Christophe
Mechouk, de l’Astee.
Chères, énergivores et consommatrices
d’eau, les membranes, produites par
exemple par Polymem, Toray ou Dupont,
ont en revanche pour elles une efficacité garantie quelles que soient la charge
de polluant et la nature des molécules
à traiter. En clair, elles arrêtent tout ce
qui «ne passe pas entre les mailles».
Elles s’imposent donc dans les situations où le charbon actif est à la peine.
«La communauté de l’Auxerrois faisait
face à une double problématique de pesticides et de nitrates. Nous avons proposé
des membranes d’osmose inverse basse
pression (OIBP), une solution pertinente
qui traite les deux problèmes à la fois.
Elle sera mise en service en 2026. Sinon
il aurait fallu combiner plusieurs traitements puisque le charbon actif ne retient
pas les nitrates» cite par exemple Gilles
Boulanger (Suez).
Moins chères que les membranes, non
énergivores, les résines échangeuses
d’ions – produites par exemple par
Purolite, Lanxess ou Chemra – nécessitent la manipulation de produits
chimiques pour les phases d’élution, à
moins qu’il ne s’agisse de résines à usage
unique, non régénérables et donc considérées comme des déchets ultimes une
fois saturées. Elles retiennent les molécules polaires, ce que sont beaucoup de
micropolluants. Elles sont, par exemple,
plus efficaces que le charbon actif sur
les PFAS à chaîne courte (non réglementés actuellement), et n'ont besoin d'un
temps de contact moindre que les charbons actifs, minimisant ainsi la taille des
installations nécessaires tout en restant
plus efficaces. «Les résines échangeuses
d’ions ont une capacité opérationnelle
plus élevée que les autres médias en particulier pour les PFAS à chaines courtes
comme le PFBA, le PFPeA ou le PFHxA»,
ajoute Eric Butin, de la société Chemra,
spécialisée dans la fabrication de résines
échangeuses d’ions pour les besoins de
l’industrie, qu’il s’agisse du traitement
des eaux usées, de la récupération de
métaux précieux et de la production
d'eau ultrapure pour les processus
sensibles. Elles restent toutefois peu
utilisées en France (contrairement aux
États-Unis, par exemple) pour l’eau
potable, ne serait-ce que parce qu’il
faut obtenir un agrément de conformité sanitaire (ACS). «Nous avons mis
en place une solution à base de résines
pour un territoire du Benelux confronté à
un problème de PFAS totaux. Bien qu’elle
soit autorisée dans les autres pays européens, nous ne pouvons pas utiliser cette technique en France qui ne reconnaît pas
leurs autorisations sanitaires» rapporte
ainsi Jean Laurent (Saur).
Le fait que les résines échangeuses
d’ions ne soient pas encore très utilisées en France en potabilisation s’explique ainsi notamment car aucune
d’entre-elles ne dispose pour l’heure
de l’agrément ACS, indispensable pour
traiter de l’eau potable. «LANXESS est en
cours de certification de sa résine sélective Lewatit® TP 108 DW. Mise en place
correctement, elle permet de descendre
sous les seuils prévus par les prochaines
dispositions européennes. Nous avons bon
espoir de l’obtenir d’ici fin 2025, avant
l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions», indique Simon Libert (LANXESS),
avant d’ajouter : «Concernant les PFAS,
les résines sont un excellent complément au charbon actif, notamment sur
les PFAS à chaines courtes. La résine
Lewatit® TP 108 DW a d’ailleurs récemment montré des résultats très intéressants sur le TFA».
La société Ecolab propose également
différentes résines Purolite™ pour l'élimination des PFAS en fonction de la
composition chimique de l'eau d'alimentation et des micropolluants cibles du
traitement des PFAS. Les résines régénérables anioniques faibles (Af) et les
résines anioniques fortes (AF) non régénérables peuvent être utilisées seules
ou en combinaison. La résine anionique
faible régénérable peut être utilisée pour
l'élimination ciblée des PFAS à chaîne
ultra-courte, courte et longue et peut
être régénérée avec de la soude très
diluée (0,5-1 %).
«En fonction du processus de conception, le régénérant usagé peut potentiellement être réutilisé au moins cinq
fois avant d'être finalement traité pour
l'élimination des PFAS, puis éliminé. Ces
nouveaux concepts de processus peuvent
aider à minimiser les coûts de traitement, en particulier lors du traitement
de l'eau d'alimentation avec de fortes
concentrations de PFAS. L'avantage de
la résine par rapport au CAG est que la
résine fonctionne en utilisant une combinaison de deux mécanismes : la liaison
ionique entre les groupes fonctionnels et
la tête de la molécule PFAS, et l'adsorption
entre la queue hydrophobe de la molécule
et les surfaces non ionisées de la résine.
Ceci est particulièrement utile pour l'élimination des PFAS à chaîne longue et
courte. Ecolab travaille actuellement à
l'obtention de l'autorisation de l'Anses à
destination du marché de l'eau potable
concernant sa résine anionique forte
PuroliteTM PFA694E sélective aux PFAS.
Ecolab propose également l'utilisation
de résines échangeuses d'ions et d'adsorbants synthétiques pour l'élimination
des pesticides et autres micropolluants.
Un avantage supplémentaire de la résine
échangeuse d'ions est qu’elle peut éliminer la molécule ciblée, ainsi que d'autres
micropolluants ioniques et non ioniques,
qui peuvent être présents dans l’eau à
traiter - un bon exemple est notre résine
PuroliteTM A520E sélective aux nitrates»,
explique Ecolab.
QUELQUES SYNDICATS « PIONNIERS »
Disposant de moyens importants, tant
financiers qu’en termes de personnel
formé, et faisant face à des enjeux de
taille étant donné la population desservie, quelques gros syndicats adaptent
d’ores et déjà leurs filières à ces nouveaux polluants, avec des stratégies
variées.
Eau de Paris utilise pour une moitié des
ressources souterraines – issues des
régions de Provins (Seine-et-Marne),
Moret-sur-Loing (Seine-et-Marne),
Nemours (Seine-et-Marne), Sens
(Yonne) et Dreux (Eure-et-Loir) – et
pour l’autre moitié les eaux de la Seine
(usine d’Orly) et de la Marne (usine de
Joinville-le-Pont), et est donc confronté
à des cocktails variés de micropolluants.
«Nous avons des usines performantes
qui traitent déjà, sur des filières à base
de différentes formes de charbon actif,
les pesticides et leurs métabolites, entre
autres. Nous avons par exemple renforcé
le traitement - augmenté la dose de charbon en poudre ou la fréquence de remplacement du charbon en grains - à la
suite des alertes de l’an passé concernant
les métabolites du chlorothalonil. Nous
continuons à adapter nos usines mais
en restons au charbon actif «renforcé»,
qui permet de faire face à l'émergence de
nouveaux micropolluants et de respecter
les exigences de qualité réglementaires.
Nous visons en effet le juste traitement,
qui est complété par une démarche ambitieuse de protection de la ressource en
eau, en lien avec l'Agence de l'eau SeineNormandie et les agriculteurs. En effet,
sur le long terme, il convient de limiter
au maximum la contamination des ressources en eau qui est la solution la plus
durable pour produire une eau exempte
de micropolluants, sans avoir recours à
des traitements toujours plus sophistiqués et coûteux en investissement et en
exploitation» affirme ainsi Alban Robin,
directeur de la ressource en eau et de la
production chez Eau de Paris.
Le Sedif, qui potabilise essentiellement
des eaux de surface (Seine, Marne et
Oise), a adopté une autre démarche,
plus maximaliste. «Nous avons fait le
choix des membranes haute performance.
Des études exploratoires nous ont montré que c’est la meilleure technologie disponible aujourd’hui pour arrêter tant ce
qui est déjà réglementé que ce qui ne l’est
pas encore, comme les résidus médicamenteux ou les PFAS» soutient Adrien
Richet. Un choix déjà ancien puisque
l’usine de Méry-sur-Oise est équipée de
membranes de nanofiltration depuis 25
ans. «Nous commençons maintenant à
équiper toutes nos usines de nouveaux
systèmes membranaires comprenant une
combinaison de nanofiltration et d’OIBP.
Outre l’élimination des micropolluants,
l’objectif est de laisser passer exactement
la quantité de minéraux dont on a besoin,
pour ne pas devoir reminéraliser tout en
distribuant une eau beaucoup plus douce
qu’aujourd’hui» détaille Adrien Richet.
Outre l'adaptation de Méry-sur-Oise,
le projet comprend l’installation de
ces systèmes sur les deux très grosses
usines de Choisy-le-Roi (sur la Seine)
et de Neuilly-sur-Marne.
Selon le même paradigme, la technologie membranaire de nanofiltration sur
fibres creuses (HFNF) développée par
NX Filtration, lorsqu’elle est couplée à
l'utilisation de charbon actif, offre une
solution efficace pour traiter les micropolluants tout en limitant la consommation d'énergie, les pertes d'eau et
le taux de renouvellement du charbon
actif. «Cette combinaison attire particulièrement l'attention, car les membranes
HFNF permettent déjà une excellente élimination des micropolluants et constituent un prétraitement idéal pour le
charbon actif en éliminant les substances susceptibles d'entrer en compétition avec les micropolluants sur ce
dernier», explique Rémi Duvillard, ingénieur commercial chez NX Filtration. Il
est à espérer que les efforts pour concevoir des solutions plus performantes
et durables progresseront au même
rythme que l'évolution de la réglementation sur les micropolluants.