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Eaux usées industrielles : vers la généralisation du recyclage

02 novembre 2021 Paru dans le N°445 à la page 43 ( mots)
Rédigé par : Patrick PHILIPON

Depuis les récents épisodes de sécheresse, les industriels sont de plus en plus incités à réduire leur consommation d’eau, donc à en recycler une partie. Les techniques sont là et certains secteurs les utilisent depuis longtemps. L’industrie agroalimentaire, bien que freinée par des contraintes réglementaires, se tourne elle aussi vers la réutilisation de l’eau traitée.

Grands consommateurs d’eau, les industriels disposent de deux options pour se débarrasser de leurs effluents. Ils peuvent les traiter pour les rejeter au milieu ou vers la STEP municipale : c’est la solution classique. Ils peuvent aussi envisager de réutiliser l’eau usée traitée, dans l’usine ou ailleurs (pour de l’irrigation par exemple). Les deux options n’impliquent pas le même niveau de traitement, la réutilisation étant plus exigeante, et donc plus onéreuse, que le rejet au milieu. Tout au moins tant que les contraintes pesant sur ce rejet ne deviennent pas elles-mêmes trop fortes… « La plupart des industriels s’engagent vers la réutilisation ou le recyclage lorsqu’ils sont contraints par le contexte réglementaire de leur secteur. Ils viennent nous voir lorsque la DREAL l’impose. Certains grands groupes investissent cependant sans contrainte réglementaire, par politique interne ou pour des raisons d’image » distingue Dimitri Monot, responsable de l’activité ReUse, direction Marché Industrie chez BWT. « Les arrêtés sécheresse de 2018, visant notamment les ICPE et fixant des objectifs de réduction des prélèvements, se traduisent aujourd’hui par des demandes concrètes de la part des industriels. Nous voyons donc un vrai mouvement : les objectifs de prélèvement sont tels qu’il faut en passer par la réutilisation ou le recyclage des effluents » observe Stanislas Michaux, qui dirige Exocell. « Les conditions d’autorisation de rejet deviennent de plus en plus contraignantes. Il arrive un moment où il devient plus facile de réutiliser l’eau en interne » confirme Julien Brochier, directeur commercial de Vivlo. Même vision chez Aquaprox I-Tech qui a déjà conçu et mis en service une soixantaine d'installation de ReUse dans l’hexagone, qui permettent de recycler plus de 3.000.000 de m³/an d’effluents en tête de process industriel : « depuis 2-3 ans, on nous demande de plus en plus d’études en réutilisation/recyclage, et ce dans tous les secteurs, pas seulement dans le traitement de surface et l’industrie automobile qui le font depuis longtemps », explique ainsi le directeur général délégué, Thomas Féron.
Pour recycler des eaux de lavage contenant des huiles solubles, Vivlo a conçu cette installation comprenant une décantation centrifuge suivie d’un évaporateur d’une capacité de 1 m3/h.

Entre le rejet et le ReUse, il existe une troisième voie qui consiste à alléger au maximum l’empreinte eau des industriels. Une approche hydroéthique, proposée par Odyssée Environnement. « Il vaut mieux agir contre les causes de pollution de l’eau au lieu de réagir face à une ressource inexploitable. Nos solutions et nos process d’intervention cherchent à éviter la pollution de la ressource eau, sans transiger avec son efficacité industrielle. Une promesse que nous garantissons grâce à un monitoring Odysecure, connecté à l’installation, qui surveille la ressource en temps réel : fuite, taux d’actifs, propriétés, économies réalisées, circulation… » explique Jérôme Mougel, directeur général d’Odyssée Environnement.

Reste que le panel des technologies disponibles – traitements physico-chimiques, biologiques ou membranaires – est désormais bien connu même si chacun s’efforce d’en améliorer certaines briques. Dès lors, quelle filière choisir pour tel type d’effluent et de destination ? Existe-t-il d’ailleurs des recettes générales ? La réalité est-elle la même dans toutes les branches industrielles ? A quoi sont destinées les eaux traitées ? Autant l’annoncer d’emblée : il n’existe pas de recette universelle mais des réponses au cas par cas. « En tant que traiteurs d’eau industrielle, nous maîtrisons tout le panel des technologies, que nous construisons ou intégrons. A nous de les combiner pour trouver à chaque fois le bon compromis, arriver à un coût (capex comme opex) intéressant pour le client » souligne Julien Brochier. De grandes tendances se dégagent tout de même.
Blanca Salgado, EMEA TS&D Manager chez DuPont Water Solutions considère qu’en plus de la raréfaction de l’eau et des obligations réglementaires, les risques généraux liés au changement climatique ou les objectifs internes de durabilité des entreprises peuvent être le moteur du recyclage des eaux usées industrielles, tout en minimisant les consommations de produits chimiques et d’énergie. « En chine, une usine de production d’aluminium nous a sollicité pour réutiliser les eaux usées de purge des tours de refroidissement afin de produire de l’eau ultra-pure nécessaire à l'appoint des chaudières. Les eaux usées de la tour de refroidissement souffrant d'un fort potentiel d'encrassement biologique nécessitaient des nettoyages fréquents. Une combinaison d'ultrafiltration (UF) et osmose inverse (RO) avec des éléments FilmTec™ a permis de résoudre le problème de bio-encrassement dès le premier passage. Les éléments pour eau saumâtre fournissent un perméat à faible TDS dans la qualité requise. La fréquence de nettoyage de l’osmose inverse a pu être réduite à une fois par mois au maximum. Il ne s’agit pas seulement d’un simple besoin pour les entreprises de répondre à des restrictions strictes en matière de rejets ou de récupérer et réutiliser les eaux usées pour compléter la demande en eau douce - nous devons garder à l’esprit que selon le type d’eau industrielle, qui peut être une eau souterraine, une eau de surface, des eaux usées à réutiliser ou même un rejet liquide minimal (MLD), cela augmente la difficulté de traiter l’eau ».

Rejet dans le milieu : il faut tout de même traiter !

Le rejet au milieu, s’il reste possible, devient de plus en plus exigeant en termes de traitement des effluents. « Nous travaillons beaucoup dans des zones littorales, souvent classées Natura 2000. Les entreprises doivent donc traiter leurs eaux usées pour faire des rejets propres. C’est devenu une préoccupation importante, qui conditionne leur implantation sur un territoire » affirme par exemple Romain Salza, gérant d’AcquaEcologie. « Certains secteurs ont juste besoin de se mettre en conformité avec la norme de rejet pour payer moins de taxes. Viticulture et brasseries produisent des effluents très chargés. Nous proposons automatiquement le recyclage. Si le client ne veut pas recycler, il rejettera tout de même une eau de qualité recyclable » ajoute Romain Salza.
Polymem UF pour traitement tertiaire ou BRM » : les équipes Polymem étudient les solutions en ultrafiltration depuis l’essais de faisabilité et l’essai pilote sur site jusqu’à la mise en service des unités membranaires dédiées.

Sans aller jusque-là, d’autres secteurs doivent pour le moins modifier leurs pratiques de rejet. « Le BTP est un grand consommateur d’eau. Des grands groupes nous contactent désormais pour prétraiter les effluents de lavage des camions toupies, en éliminant les sédiments et les hydrocarbures. Ils y sont obligés » rapporte le gérant d’AcquaEcologie.

Pendant le chantier de remise en service de la STEP de la cartonnerie Sical (Lumbres, Pas-de-Calais), Exocell a installé provisoirement cette unité conteneurisée de flottation des boues, comprenant également une chaudière à gaz.

Aquaprox I-Tech a pour sa part équipé une usine de traitement des déchets liquides, qui reçoit des effluents de différentes provenances, les traite et les rejette vers la STEP municipale. « Nous avons mis en place une filière avec traitement physico-chimique puis ozonation, ainsi qu’un traitement biologique sur lit fixé. C’est une installation très réactive car elle doit s’adapter à des effluents variables » affirme Thomas Féron. Autre réalisation d’Aquaprox I-Tech : un bioréacteur à membrane (BRM) conteneurisé destiné à une usine pharmaceutique en Algérie. « Il traite 20 m³/heure avec un haut niveau de qualité. Le rejet se fait vers le milieu mais le client a demandé que l’installation soit conçue pour potentiellement recycler l’effluent sur une partie du process » rapporte Thomas Féron.

Pour traiter les effluents très chargés de matière organique de la viticulture, comme ici au Castello di Almoroso en Californie, AcquaEcologie installe un système d’aération en amont de son BRM.

Pour l’usine de raffinage et de pétrochimie Axens de Salindres, Tecnofil Industries a de son côté conçu, fabriqué et mis en service un Skid équipé de 5 filtres multimédias verticaux de type industrie conformes à la norme CE, dont trois fonctionnent en parallèle et eux en série. Ce process Skid permet de traiter les effluents industriels et de réutiliser H2O.

Vivlo est pour sa part intervenu auprès d’une imprimerie. « Nous avons remplacé une STEP physico-chimique plus biologique vieillissante, dont les rejets au milieu naturel n’étaient plus conformes à la réglementation. Notre filière comporte une mise à niveau du pH, un évaporateur et le traitement du distillat par BRM, pour donner un rejet conforme. Au total, le client gagne de la place et les coûts de fonctionnement moindres rembourseront à terme l’investissement » affirme Julien Brochier.

Utilités : le gros du marché

Traiter un effluent pour le réinjecter dans le process demande des techniques poussées et onéreuses, aussi beaucoup d’industriels préfèrent réutiliser l’eau pour des usages moins “nobles”. « On remet rarement l’eau exactement là où on l’a prise » note ainsi Julien Brochier. Réutilisation la plus simple, et la moins exigeante en termes de qualité d’eau : le lavage. « On nous demande souvent de faire du prétraitement d’effluents de carrière ou de BTP. Il faut sédimenter les MES et retenir les huiles, pour une eau destinée par exemple au lavage des camions. Nous utilisons alors notre décanteur lamellaire pourvu d’un dégrilleur breveté, plus simple qu’un dégrilleur classique, moins cher et ne demandant pas d’entretien » affirme Romain Salza (AcquaEcologie).
Cela fait longtemps que Cohin Environnement intervient sur les stations de lavage des véhicules, bus, trains et engins La gestion des eaux de lavage nécessite un traitement spécifique avant rejet. Nombreux sites ne sont pas connectés au réseau communal et le besoin important d’eau pour ce type d’activité de lavage et notamment pour des opérations en eau de service, a poussé Cohin Environnement à proposer une solution packagée pour permettre le traitement et le recyclage de ces effluents. « La succession d’années sèches qu’a connu l’ensemble du territoire depuis les années 2000, la multiplication des appels aux restrictions d’usage de l’eau, mais également le prix de l'eau qui ne cesse de croître ou le coût d'enlèvement des boues, ont conduit ces acteurs à nous interroger pour adapter leurs pratiques et valoriser leurs eaux qui peuvent contenir différents types de pollutions : soluble, insoluble, pathogène », rappelle Sandrine Noël, responsable commerciale. La solution proposée par Cohin Environnement est une station compacte, semi-enterrée, dont le fonctionnement s’effectue en boucle fermée sur système de portique brosse et portique HP. « La filière de traitement se compose d’un dispositif de prétraitement réglementaire (débourbeur/décanteur avec séparateur d’hydrocarbures Classe A sur structures coalescentes) auquel on ajoute une phase secondaire de traitement par boues activées, suivi d’un traitement de filtration par filtre zéolithe et de désinfection UV dans local technique. L’installation assure un taux de recyclage de 75 %, ce qui permet à l’industriel de devenir complètement autonome en eau. L’apport complémentaire peut se faire soit en eau potable, soit en valorisation des eaux de pluie ». Installée dans une société de transport offre des performances de traitement assez poussées. « Cela représente 12 000 lavages par an pour une économie d’eau de 7.000 mètres cube par an, soit l’équivalent d’une STEP de 5.000 à 6.000 EHB ».
Le traitement basé sur le bioréacteur à membranes (BRM) est une technologie que l’on retrouve dans le portefeuille de produits de DWS puisque l’expérience de MEMCOR® MBR fait partie de DuPont. « Un cas particulier dans l’industrie papetière en Australie révèle les possibilités. Les eaux usées municipales sont recyclées pour être utilisées dans l’usine de pâte à papier, et les eaux usées industrielles de la papeterie sont traitées pour être rejetées. Cette combinaison permet de réduire considérablement la pollution.

Tout récemment Veolia Water Technologies a introduit le système d’osmose inverse à double passe SENSA™ dans les industries cosmétique et pharmaceutique. La configuration à double passe, qui signifie que le processus est répété deux fois, permet d’éliminer plus de 99 % du sel et de produire une eau dont la conductivité n’est que de 5 μS/cm. Ainsi, le système réputé à haute disponibilité avec des débits allant de 1,4 à 10 m³/h selon la qualité de l'eau d'entrée est capable de répondre à toutes les exigences de ces industries en produisant différents types d'eau pour des applications telles que la production d'eau ultrapure, d'eau de process et d'eau de distribution. Avec six unités montées sur skid, l’unité de type “plug & play” est prête à fonctionner en mode “Clean-In-Place” (connexions NEP intégrées). Elle offre également une surveillance et un contrôle à distance ainsi qu’un accès facile pour la maintenance.

Unité compacte enterrée de traitement recyclage proposée par Cohin Environnement. 

Les tours aéroréfrigérantes (TAR) et les chaudières exigent une eau déminéralisée. « Il faut une eau de très bonne qualité mais tout de même pas aux normes alimentaires. On utilise alors des adoucisseurs, de l’osmose inverse plus des traitements complémentaires selon la nature de l’effluent à traiter. Cela représente une part importante de la consommation d’eau des sites industriels et de nos commandes. Dans l’agroalimentaire, nous utilisons un traitement physico-chimique puis biologique avant de passer aux membranes pour la déminéralisation » rapporte Stanislas Michaux (Exocell).

Depuis quelques mois, Odyssée propose un traitement des TAR mobilisant des solutions biosourcées, ce qui permet un rejet en milieu naturel neutre pour l’environnement. « L’actif Odylife est un actif antitartre 100 % issu du végétal. Avec ces innovations, nos équipes d’hydroéthiciens sont en mesure de garantir un fonctionnement optimal des installations tout en préservant l’eau et la planète. C’est cette performance éthique de l’eau que nous voulons proposer ; elle est accessible et facile à mettre en place, c’est surtout une question de choix industriel » conclut Jérôme Mougel, directeur général d’Odyssée Environnement.
Veolia Water Technologies lance SENSA™, un produit standard spécialement conçu pour les industries pharmaceutique et cosmétique.

De son côté, la société Itren, spécialisée dans l’étude, la conception et l’installation de systèmes de traitement des eaux, a convaincu le groupe Pierre de Plan, spécialisé dans la découpe de matériaux haut de gamme, qu’une installation bien pensée apporte une meilleure rentabilité pour l’entreprise. « On a identifié qu’ils consommaient beaucoup d’eau potable sur certaines machines pour ne pas casser les outils et qu’avec une unité de coagulation/floculation complétement automatisée suivie d’une décantation lamellaire, et filtration à sable en sortie, il devient ainsi possible de raccorder de nouvelles machines. De 20 000 mètres cube d’eau potable sur 60 mètres cube en débit, Pierre de plan va ainsi passer à une consommation de 9 000 mètres cube par an, soit 2 euros par mètre cube en moyenne » constate Jean-Philippe Amalric, chargé d’affaires Itren.

Dimitri Monot distingue la réutilisation, qui concerne des eaux issues du process, chacune bien caractérisée, du recyclage des effluents de la STEP, de l’industriel. Pour cette dernière opération, BWT met en place un conteneur pilote qui permet de définir, en amont d’une éventuelle réalisation, le capex et l’opex du traitement de ces eaux changeantes, en général redirigées vers les utilités. Une politique que suit également Aquaprox I-Tech. « Nous sommes équipés de pilotes pour faire des essais industriels avec toutes les briques technologiques nécessaires. Cela donne une idée très précise des OPEX de la future installation notamment en termes de consommation énergétique, sur le choix et sur le coûts des filières de retraitement des concentrats de polluants éliminés » souligne Thomas Féron.
Aquaprox I-Tech maîtrise toutes les technologies de traitements des effluents industriels afin de réaliser des installations sur mesure pour chaque cas. Ici recyclage par Oxydation de 30 m3 par h vers TAR dans une industrie pharmaceutique en Algérie.

Validé pendant treize mois en conditions réelles sur la station d’épuration de Namur (Belgique), le procédé de boues activées granulaires aérobies en flux continu BeFlow® de John Cockerill, présenté à Pollutec, est une technologie de traitement des eaux usées pleine de promesses. Elle ne nécessite aucun réactif chimique et est donc 100 % biologique. Appliquée à une grande diversité d’effluents qu’ils soient issus d’installations municipales ou industrielles, elle réduit considérablement leur empreinte environnementale. Beaucoup plus compact que les installations de traitement traditionnelles, BeFlow® est également peu énergivore. Il est capable de prendre en charge des débits élevés et variables et permet donc d’absorber les pics.

Réutiliser dans le process ?

C’est le graal : faire tourner l’eau “en rond” dans le process même. Cela se pratique depuis longtemps en traitement de surface, mais d’autres secteurs y viennent désormais. « Pour un industriel du textile de la région lilloise, nous sommes en cours de réalisation d’un ensemble de traitements physico-chimiques avec filtration et flottation pour réutiliser l’eau dans le process. C’est un de nos premiers clients à aller jusqu’à la réutilisation. Il s’agit d’une démarche volontaire de sa part car il n’y est pas contraint » souligne ainsi Stanislas Michaux (Exocell).
Le groupe Jacobi fournit ses charbons actifs à divers clients industriels dans le monde, pour le traitement des eaux de lavage dans le domaine agroalimentaire, le recyclage des eaux de process d’industries Oil&Gas, etc. Le charbon actif est également une technologie éprouvée pour l’élimination de la DCO et des micropolluants des eaux usées (tant industrielles que municipales) dans la perspective de leur réutilisation. Au-delà du media, Jacobi propose toute une gamme de prestations analytiques afin de déterminer le charbon actif présentant le meilleur rapport technico-économique pour l’effluent particulier du client, la location d’unités mobiles de filtration (d’une capacité de 1 à 80 m3/h) et le recyclage des charbons actifs saturés afin de réduire l’empreinte carbone de la filière de traitement du client.

« L’ultrafiltration (UF) sous pression In-Out de DuPont Water Solutions est utilisée à des fins multiples, dans le traitement de l’eau, souvent comme prétraitement pour l’osmose inverse en aval afin d’améliorer l’efficacité de ce processus, mais aussi dans un contexte de réutilisation », résume Blanca Salgado. « C’est exactement ce que fait l’un de nos clients en Inde. Il traite ses eaux usées industrielles avec une combinaison d’UF/RO. Après un traitement biologique, un clarificateur et une crépine, plus de 350 modules UF dizzer® dans une configuration T-Rack® fournissent 6 MGD à l'OI en aval. Le perméat est ensuite réutilisé pour l'eau d'appoint des tours de refroidissement et circule ainsi au sein de l'entreprise ».

En collaboration avec des sociétés spécialisées, Remosa conçoit et fabrique des réacteurs biologiques et des homogénéisateurs pour traiter les eaux industrielles. Ici exemple d'un GRM installé dans une usine de transformation de fraises.

Polymem, spécialiste des membranes, est à son aise sur ce marché. « Un industriel de l’électronique recycle ses eaux usées pour nettoyer le cuivre destiné à la production de composants. En sortie de STEP, après un traitement physico-chimique (décantation et filtre à sable), nous avons installé une ultrafiltration suivie d’une osmose inverse. Une première installation, en 2015, lui a permis d’économiser ainsi 10.000 m³ d’eau par mois. Il a récemment fait une extension et économise maintenant 25.000 m³/mois. Or il paye 3,50 euros/m³ pour l’eau de ville : cela constitue une belle économie ». La firme vient par ailleurs de mettre sur le marché ses membranes supportées pour BRM, basées sur sa membrane Neophil® caractérisée par son hydrophilie durable et la stabilité de ses performances. « Neophil en BRM, c’est l’assurance d’une eau ultrafiltrée – clarifiée et désinfectée – grâce à la porosité de 0,02 µm de la membrane, et ce directement en sortie de bioréacteur pour une réutilisation ou un traitement direct par osmose si celle-ci est requise » estime Isabelle Duchemin. « Nous visons d’abord le marché de remplacement des membranes BRM en fin de vie. Puis les nouveaux projets, qui sont généralement portés par le besoin de traitement directement dans l’ouvrage du BRM et permettant la réutilisation de l’eau » ajoute-t-elle.

Le traitement basé sur le bioréacteur à membranes (BRM) est également une technologie que l’on retrouve dans le portefeuille de produits de DWS, puisque MEMCOR® MBR fait partie de DuPont. « Un cas particulier dans l’industrie papetière en Australie révèle plusieurs possibilités. Les eaux usées municipales sont recyclées pour être utilisées dans l’usine de pâte à papier, et les eaux usées industrielles de la papeterie sont traitées pour être rejetées. Cette combinaison permet de réduire considérablement la pollution », précise Blanca Salgado. « L’installation utilise également MemPulse®, l'innovation de pointe pour le MBR, pour un nettoyage plus flexible et plus simple avec un mouvement dynamique des fibres qui maintient les fibres propres avec une accumulation minimale de déchets - une technologie éprouvée et robuste ».

Un géant du BTP a fait une demande particulière à AcquaEcologie. « Sur les gros chantiers, les équipes habitent sur place dans des bases de vie, produisant des eaux grises et noires. Ils veulent les traiter et les réutiliser pour la fabrication du béton, qui n’a certes pas besoin d’eau potable. Nous avons proposé un BRM (BioBarrier), qu’ils testent pendant un an. Jusqu’ici, ces eaux usées étaient stockées en cuve puis pompées et évacuées par camions. Nous traitons une dizaine de m³/jour dans une unité conteneurisée » rapporte Romain Salza.

L’agroalimentaire : toujours un cas particulier ?

Très gros consommateur d’eau, le secteur agroalimentaire rejette en général des effluents très chargés en matières organiques biodégradables, donc à forte DBO. Même s’il est techniquement possible de traiter ces effluents jusqu’à la potabilité (et même au-delà), il est interdit en France de réutiliser pour une production alimentaire une eau qui a légalement un statut de déchet. Mais la situation commence à bouger… Un mouvement vers la réutilisation des effluents dans l’agroalimentaire se dessine bel et bien, ne serait-ce que parce qu’il existe des manières d’utiliser de l’eau dans le process sans qu’elle devienne un ingrédient. Pour du lavage par exemple.
Suez Water Technologies & Solution travaille actuellement sur une solution de re-use à base d’osmose chez un industriel de l’agroalimentaire. « La question de la réutilisation est la première qu’on nous pose : les industriels veulent faire des économies. Le lavage des bouteilles, par exemple, consomme des quantités énormes d’eau potable. Lorsque nous utilisons de l’ultrafiltration suivie d’osmose inverse pour réutiliser cet effluent, il n’y a aucun problème pour obtenir l’autorisation » affirme Romain Salza. Le traitement de cette eau presque propre ne requiert d’ailleurs que de petites installations, en général. « Depuis quelques temps, nous sommes plus sollicités par les industriels de l’agroalimentaire, à qui les DREAL commencent à demander des plans concrets pour maîtriser leur consommation et leurs rejets. Plusieurs projets sont en cours d’études, essentiellement pour rediriger l’eau traitée vers les utilités car c’est plus simple réglementairement, mais certains se tournent vers une utilisation dans le process, comme par exemple les premiers rinçages » confirme Dimitri Monot (BWT). Stanislas Michaux, d’Exocell, voit lui aussi un mouvement se dessiner dans l’agroalimentaire. « C’est tout nouveau : nous sommes approchés par des sites industriels faisant l’objet d’expérimentation technique de la part de l’administration. Ils ont obtenu une dérogation à la réglementation et sont soutenus par les agences de l’eau » explique-t-il.
John Cockerill Environnement a mis sur pied des solutions conteneurisées pour répondre à tous les types de traitement des eaux usées de tous secteurs d’activités (chimie fine et lourde, industrie des métaux, galvanoplastie, pharmacie, cosmétique, agroalimentaire, électronique, etc.). 

AcquaEcologie intervient beaucoup en laiterie, brasserie ou viticulture, entre autres. « Nous proposons deux grands types de technologies : BioBarrier, un bioréacteur à membrane (BRM) pour le traitement avant recyclage et Fast pour rejeter dans le milieu des eaux usées traitées conformes à la réglementation » explique Romain Salza. Acquaecologie a développé un savoir-faire particulier dans domaine de la viticulture. « Les effluents de viticulture contiennent en moyenne 7.000 mg/l de DBO, et même de 12.000 à 16.000 en France. Le BioBarrier est donc précédé d’un dispositif d’aération poussé, le BioRobic, constitué de grilles d’aération et d’un système de brassage. Entretemps, le pH est rajusté, ainsi que les nutriments car les effluents viticoles contiennent du carbone mais pas d’azote ni de phosphore, indispensables aux bactéries. En sortie, et selon les besoins, l’eau passe sur du charbon actif avant réutilisation rapide, reçoit une microchloration en plus si le stockage doit durer, voire subit une osmose inverse si elle est destinée à d’autres usages que le lavage, l’irrigation ou les bassins d’incendie » détaille Romain Salza. C’est cette solution, appelée BioBarrier Winery, qu’Acquaecologie a installée au domaine californien du Castello di Amorosa, dans la vallée de Nappa. « De grands domaines viticoles français viennent nous voir mais la profession ne communique pas encore sur cet aspect » révèle Romain Salza.

BWT est très présent en sucrerie et distillerie, avec des techniques membranaires pour réutiliser les condensats, avec ou sans valorisation énergétique. Ils sont en général dirigés vers les utilités. De manière générale, BWT fait appel à toutes les technologies connues. « Le ReUse se développe mais nécessite une analyse en amont. Chaque effluent à traiter a ses caractéristiques, et chaque usage requiert une qualité d’eau particulière. La définition de la bonne filière de traitement découle de cette analyse : il n’y a pas de recette unique » insiste Dimitri Monot. BWT traite par exemple les eaux de rinçage de bouteilles, en général peu polluées. « C’est le cas chez Volvic ou nous recyclons près de 600 m3/j d’eau de rinçage grâce à une technologie d’ozonation pour réutilisation sur les rinçages CIP ».

Pour l’usine Axens de Salindres, TECNOFIL Industries a conçu, fabriqué et mis en service un process Skid, équipé de 5 filtres multimédias verticaux de type industrie conformes à la norme CE, dont 3 fonctionnent en parallèle et 2 en série. Ce process Skid permet de traiter les effluents industriels et de réutiliser H2O.

Les modules d’ultrafiltration (UF) et les éléments FilmTec™ de DuPont ont été installés pour purifier l’eau de puits utilisée comme eau de process pour la production de boissons gazeuses. Coca-Cola Içecek, l’un des plus grands embouteilleurs de Coca-Cola au monde, (près de 370 millions de consommateurs à travers 10 pays), s’est approvisionné de systèmes d’osmose inverse Desalitech ReFlex™ pour deux de ses installations d’embouteillage. « Combinés, les deux systèmes ReFlex™ RO de DesaliTec purifieront près de 700 gallons par minute (175 m³/h) selon les normes élevées de qualité. Ils remplacent rapidement les méthodes traditionnelles de purification de l’eau, car ils maximisent la récupération de l’eau et la fiabilité du système, ils sont faciles à utiliser et contribuent à réduire les coûts de l’eau produite ».

Alantique Industrie intervient également principalement en agroalimentaire, utilisant tout le panel des technologies classiques. « Pour les membranes, nous travaillons avec Polymem, et sommes également en train de développer un BRM » précise Damien Louargant, chargé d’affaires à Atlantique Industrie. La société a récemment conçu, construit et installé des solutions de réutilisation d’eau traitée pour des conserveries. « Ils utilisent des dispositifs de lavage très consommateurs d’eau pour enlever la terre des légumes racines (carottes, etc.). Nous avons installé un système de traitement pour réutilisation, ce qui ne pose pas de problème réglementaire car le lavage n’est pas assimilé à de la production alimentaire » explique-t-il. La solution se compose d’un tamisage suivi d’une décantation lamellaire. Les terres récupérées dans le décanteur sont déshydratées puis valorisées en champs, l’eau traitée repart vers l’atelier de lavage des légumes.

« Un site agroalimentaire français traite ses eaux usées – environ 400 m³/j – par une STEP classique à boues activées. En sortie, nous avons installé une filtration membranaire pour obtenir une eau déminéralisée (moins de 20 µsiemens) destinée à la TAR du site. Cela concerne 150 m³/j. Une opération indispensable pour cet industriel qui construit une nouvelle unité et ne pouvait pas le faire sans réutilisation de l’eau car il était arrivé à sa limite de prélèvement autorisé » rapporte pour sa part Thomas Féron, d’Aquaprox I-Tech. Polymem met également un pied dans l’industrie agro-alimentaire. « Une usine d’embouteillage utilise pour rincer ses bouteilles la même eau de forage qu’elle vend! En sortie de leur STEP (une phytoépuration), nous avons donc installé un traitement tertiaire à base d’ultrafiltration, afin d’économiser cette précieuse eau » explique ainsi Marie Poinsot.

Des dimensions à prendre en compte

« Sur les petites et moyennes installations, la consommation énergétique des installations de traitement de l’eau est encore assez peu regardée par les clients. Les plus “gros” commencent en revanche à s’y intéresser, à compter les watts par m3 d’eau traitée. Si l’on empile des technologies très consommatrices sans s’être posé la question de l’utilité, on arrive vite à une consommation énergétique injustifiée » prévient Stanislas Michaux. « Il faut remettre à jour beaucoup d’installations vieillissantes et énergivores. C’est une activité soutenue pour nous. Nous intégrons l’écoconception et l’impact environnemental dès le début » confirme Thomas Féron d’Aquaprox I-Tech.
La taille de l’installation est aussi à prendre en compte lors de sa conception : on ne déploiera pas les mêmes filières à toutes les échelles. « De plus en plus, les clients nous demandent de réduire les étapes sur les installations de petites et moyennes capacités, de 2 à 50 m³/h, et de sortir des boues épaissies (10% siccité). Nous avons développé un système de flottation très compact que nous utilisons assez régulièrement comme séparateur derrière la biologie. Il est plus robuste – il accepte les hydrocarbures, les bactéries filamenteuses, etc. – donc autorise plus de souplesse en exploitation, et produit des boues directement épaissies, qu’on peut évacuer » explique Stanislas Michaux (Exocell).
Système de recirculation d'eau sur le transport de pommes dans une cidrerie, tamisage, décanteur Lamellaire. Atlantique Industrie

Le même souligne un paradoxe : « les clients industriels se dirigent de plus en plus vers le recyclage/réutilisation, qui demande évidemment plus de traitement et de technicité, et en même temps déploient de moins en moins de personnel spécialisé pour piloter ces installations. Soit il n’y a personne, soit les agents présents ne sont pas spécialisés ni formés. Cette baisse de compétence modifie la conception de nos équipements : nous devons pouvoir faire du suivi à distance, de l’assistance technique. Cela requiert beaucoup plus d’automatisme ». Julien Brochier confirme cette tendance : « après la conception, la construction et l’installation, nous pouvons proposer des contrats de maintenance voire d’exploitation. Cela implique des possibilités de suivi, de pilotage à distance, ou au moins de diagnostic. C’est très demandé aujourd’hui ».

Dans un souci d’adaptabilité, John Cockerill Environnement a mis sur pied des solutions conteneurisées pour répondre à tous les types de traitement des eaux usées de tous secteurs d’activités (chimie fine et lourde, industrie des métaux, galvanoplastie, pharmacie, cosmétique, agroalimentaire, électronique, etc.).  


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