La conductivité figure parmi les mesures de base en analyse de l’eau. Quoique rustique et relativement simple à mettre en oeuvre, elle continue à s’affiner. Si la clef de la qualité des mesures repose sur les capteurs, c’est surtout du côté des panoplies de mesure et de l’électronique que se situent les innovations. Tour d’horizon des caractéristiques des capteurs, de leurs applications et des récents développements.
Deuxième mesure physicochimique dans le milieu industriel, la mesure de la conductivité permet de piloter des procédés, de sécuriser les installations. Cette mesure de base est proposée par de nombreux fabricants : Endress+Hauser, Swan, Walchem, Krohne, Yokogawa, Jumo, Hach-Lange, Acta-Mesures, AMS Alliance, S::CAN, Xylem Analytics, C2Plus, Knick, Burkert, etc.
Suivant l’application considérée, elle se fait au laboratoire, sur le terrain, en ligne ou en continu. Parmi les applications les plus courantes, citons le contrôle de la purification ou de la qualité de l’eau (générateurs d’électricité, laboratoires d’analyse, industrie des semi-conducteurs, osmoseurs, industrie pharmaceutique, rinçage galvanique), la gestion des purges (eaux de chaudières, tours aéroréfrigérantes)...., la gestion des eaux de lavage dans l’industrie agroalimentaire, le contrôle des eaux usées industrielles, municipales (pour surveiller des rejets industriels accidentels) ou de l’eau potable (analyses d’eaux brutes provenant de plusieurs sources, alerte pollution), le réglage de dilutions de produits chimiques, etc.
Un indicateur global de la minéralisation de l’eau
Fonction inverse de la résistivité, la conductivité est un indicateur global de la minéralisation de l’eau : mesurée en uS ou mS (micro ou milli siemens) par centimètre, elle indique la concentration globale en sels dissous. Ces électrolytes, dissociés en ions, conduisent le courant selon des lois propres à chaque mélange.
La salinité dépend de la concentration en ions, de leur
mobilité et de la température. L’appareil doit convertir la valeur mesurée à celle
d’une température de référence. « Cette compensation en température, très importante
est difficile à anticiper, souligne François Charrier chez TMR qui commercialise
et met en oeuvre des sondes Walchem et Endress+Hauser. Elle varie de 0 à 6 % de
la mesure par degré C : 2,1 pour une eau potable, presque rien pour de certains
phosphates. Nous étalonnons nos sondes (mesure ramenée à des conditions de référence
avec un capteur Pt 100 ou 1 000) où nous programmons le coefficient de compensation
selon l’effluent ». "Lorsqure la mesure est bien définie, en fonction des paramètres
de l’application, pas besoin de calibration régulière, précise néanmoins Frédéric
Connan chez Yokogawa. Un contrôle annuel suffit".
Le principe de base est le même quelle que soit la méthode
(conduction ou induction) : l’appareil applique une tension à la solution à mesurer.
Un courant circule en fonction de la conductivité. Le choix de la méthode dépend
de l’application, notamment de la salinité et de la corrosion du fluide. La plus
simple, par conduction ou “contact”, est une mesure de résistance entre deux électrodes
métalliques robustes (en graphite, platine, titane, inox) plongées dans la solution.
Elle convient dans beaucoup de situations (en général
jusque 1 000 mS/cm). « Pour éviter que les ions, en s’accumulant sur les électrodes,
ne provoquent une polarisation qui minimise la mesure voire la bloque, on peut utiliser
une tension alternative (pour inverser les pôles), optimiser le design des électrodes,
ajuster la fréquence de la mesure ou utiliser des sondes à 4 électrodes comme celles
de nos systèmes AMI Solicon 4 explique Benjamin Gracia chez Swan. Ces dernières
comportent deux paires d’électrodes : l’une mesure le courant qui traverse la solution,
l’autre, sa tension. On évite ainsi les résistances parasites, dues aux câbles de
raccordement, aux salissures ou à la polarisation. La gamme de mesure peut s’étendre
jusque 2 000 mS/cm. "Ces cellules par contact sont réservées à des applications
peu encrassantes, résume Frédéric Connan de Yokogawa. Les gammes de températures
s’étendent du standard (110 à 150 °C) jusqu’à 250 °C ».
« Ces capteurs sont à nettoyer en général tous les 15
jours pour éliminer le tartre ou des produits gras dans des applications sidérurgiques
ou agroalimentaires », précise François Charrier chez TMR.
Utiliser une même sonde dans différents milieux
Pour utiliser une même sonde dans différents milieux,
les fabricants proposent, selon la gamme de mesure, plusieurs constantes de cellule
(k : rapport entre la distance entre deux électrodes et leur surface).
Le plus important, selon l’application, est cette constante de cellule et la surface des électrodes, résume Jumo dans son guide de référence. « Nos sondes à deux électrodes en diamètre 12 sont disponibles avec des constantes de 0,01 à 10, précise François Charrier, TMR : 0,01 pour des eaux déminéralisées, osmosées ou très peu ioniques, 0,1 pour des conductivités entre 50 et 1 000 uS/cm (voire jusqu’à 2 000 ?S/cm ), constante de 1 voire 10 pour les solutions très conductrices (respectivement 20 à 200 mS/cm) ».
Pour les mesures par induction, les électrodes sont remplacées par deux bobines conductrices (de forme toroïdale). Le courant créé dans la solution par le champ magnétique généré par la première bobine est converti par la seconde en courant selon la charge ionique du milieu.
Aucun contact avec
la solution, le champ magnétique traversant plastique, téflon… donc pas d’effet
de polarisation ni de résultats sous-évalués.
Cette méthode est bien adaptée aux milieux agressifs
comme les acides et les bases, aux eaux très chargées comme les eaux usées ou contenant
des traces de produits gras. Pas de constante de cellule non plus pour ces appareils
dont la gamme peut aller de 0,5 1 000 mS/ cm. « En revanche, les mesures sont moins
précises que par conduction (1 % contre 0.5 %) et inadaptées aux effluents statiques
par principe », indique Benjamin Gracia chez Swan.
TMR, Endress+Hauser, Krohne, Aquacontrol, Aqualabo Contrôle
en proposent.
« Environ 95 % de nos cellules toroïdales sont en PVC
chloré, précise François Charrier, TMR : ce sont les plus économiques (elles tiennent
à 90 °C). Celles en PEEK résistent à 100 voire 105 °C et à certains produits chimiques.
Elles nécessitent peu de maintenance et mesurent entre 100 ?s/cm et 700 mS/cm (pour
Saint-Gobain, nous les avons adaptées à un fluide très pâteux (15 ?s/cm) avec des
chambres usinées dans du PTFE “habillées” de telle sorte qu’elles fassent une cage
de Faraday pour s’affranchir des bruits de fond) ».
Il rappelle que ces cellules qui, avec leur électronique,
coûtaient le prix d’une voiture il y a 30 ans, sont désormais à moins de 400 € grâce
aux progrès de la micromécanique.
Le type de sonde est conditionné par l’application
L’application détermine le type de sonde à utiliser : par induction ou conduction à 4 électrodes pour des eaux usées, plutôt par conduction pour l’eau potable, pure ou ultrapure qui posent moins de problème de polarisation. Chaque fabricant est plus ou moins spécialisé sur telle ou telle application.
Par exemple, le principal marché de TMR concerne les tours aéroréfrigérantes (TAR) : « Nous installons des capteurs à 2 électrodes ou de type toroïdal avec compensation automatique de la température, en France depuis près de 20 ans et dans toute l’Europe depuis une dizaine d’années, confirme François Charrier. Ces automates dédiés contrôlent la qualité de l’eau pour éviter développement de légionnelles, à l’origine de la légionellose. Ils optimisent la consommation de l’eau par économie des purges, et l’usage des inhibiteurs de corrosion et des biocides (prépurges, blocages des purges…) ».
Idem pour contrôler les eaux de chaudières (production d’énergie) et éviter les
dépôts qui réduisent leur durée de vie, de plus en plus souvent gérées à distance.
Swan est leader sur ce marché de l’eau pure et ultrapure pour la production d’énergie avec des cellules à 2 et 4 électrodes. « Nous venons de présenter à Pollutec un système breveté de régénération de la résine utilisée pour la mesure de la conductivité cationique, précise Benjamin Gracia. Ces résines sont utilisées pour retenir les produits alcalinisant de traitement de l’eau (Ex : ammoniac), utilisés pour conditionner et protéger les chaudières de la corrosion. Elles les transforment en leur forme acide et amplifient la conductivité de contaminants. Au lieu de surveiller la saturation des résines pour les remplacer au bout de 3 à 4 mois, nous avons développé un module (AMI CACEedi) avec électrodéionisation qui régénère la résine en continu, à changer au bout de 2 à 3 ans ».
Rappelons aussi
que Swan est l’inventeur de la mesure de conductivité cationique dégazée, très importante
pour contrôler la qualité de vapeur surchauffée avant injection sur turbine.
Popularisée depuis par Endress+Hauser ou Mettler Toledo,
elle élimine le CO2, inerte mais qui perturbe la mesure et pourrait masquer la conductivité
due à des impuretés corrosives. « Notre système, breveté en 2006, est le seul à
garantir en conditions réelles, 98% du dégazage du CO2, pour atteindre le seuil
de 0.15 uS/cm qu’imposent certains turbiniers en conductivité dégazée, assure Benjamin
Gracia. Notre AMI Deltacon DG mesure conductivité totale, cationique et dégazée
sur une même panoplie avec calcul de pH ».
Ces platines modulaires, prêtes à l’emploi, deviennent la règle et simplifient l’exploitation : ces panneaux prémontés intégrant hydraulique, chimie, prise d’échantillon, agitateur, présentent l’intérêt d’éviter la contamination de la mesure, de maîtriser pression et débit en amont et de permettre un accès immédiat aux organes (capteur, transmettteur-régulateur, pompe doseuse, injection, agitation).
Swan les propose depuis 1996, Waltron et TMR de plus en plus. « La panoplie est
posée en dérivation sans bypass, l’échantillon y est ramené (pas de canne plongeante
ou de sonde dans des conduites), détaille Benjamin Gracia de Swan. La sonde d’analyse
comporte une chambre de passage en verre acrylique où l’on voit l’échantillon. Elle
est facilement démontable pour nettoyer la sonde ou faire un étalonnage. Nous proposons
aussi des options comme le nettoyage automatique avec des buses intégrées ou un
système de détection de débit ».
Reste que, comme le résume François Charrier, TMR, «
La clé de voûte, c’est la qualité du capteur. S’il dérive, si la compensation en
température est mauvaise, l’implantation inadaptée (un capteur tantôt dans l'effluent
tantôt à l’air), la maintenance insuffisante, la mesure sera de mauvaise qualité
».
De son côté, AMS Alliance commercialise en France des robots de mesure pour automatiser la mesure en continu du pH, de la conductivité et d’autres paramètres comme le TA/TAC.
De plus, AMS intègre en option sur ses analyseurs
de laboratoire la possibilité, en plus des mesures colorimétriques traditionnelles,
d’automatiser la mesure du pH et de la conductivité sans surcoût important.
L’électronique se développe
Aujourd’hui, l’électronique se développe pour accroître
fiabilité et flexibilité. Concrètement, un convertisseur programmable traite le
signal pour le normaliser et le transmettre à un automate (API) qui assure la régulation
(calibrage de la constante de cellule et du coefficient de température) ou à une
unité de dosage.
"Les capteurs peuvent être raccordés sur différentes
qualités d’électronique, poursuit François Charrier, du régulateur low cost au communicant,
avec une ou plusieurs entrées de capteurs : du W100 à une seule entrée à W600 avec
deux entrées et un écran tactile au WebMaster où 4 capteurs peuvent être raccordés
». Il cite deux exemples de pilotage : programmer les purges d’une tour aéroréfrigérante
lorsqu’on dépasse un certain rapport de conductivité entre l’eau d’appoint et celle
de la bâche ; piloter une vanne modulante pour respecter une consigne, le transmetteur
devient alors régulateur et microautomate (cf. encadré).
Yokogawa met, de son côté , l’accent sur la facilité
d’utilisation de sa série de transmetteurs EXAxt 450 (avec cellules par conduction
à 2, 4 électrodes ou par induction) avec écrans tactiles, fonctions de diagnostic
et de journal, calibration ergonomique et surveillance des composants avec signalement
des anomalies et propositions de solutions.
Pour une meilleure traçabilité et une maintenance aisée,
les capteurs Endress+Hauser (par conduction à 2 ou 4 électrodes (CLS50D et CLS82D)
ou par induction, CLS21D) reposent sur la technologie Memosens qui enregistre les
données du capteur. De plus, les capteurs CLS21D et CLS82D sont reconnus automatiquement
par le transmetteur multiparamètres Liquiline.
Avec sa gamme Liquiline et Memosens, l’entreprise a
été désignée meilleur fournisseur en instrumentation d’analyse des liquides en 2016
par Frost et Sullivan.
Aqualabo Contrôle insiste de son côté sur la fiabilité
du transfert des données de ses capteurs de marque Ponsel (C4E par conduction à
4 électrodes et CTZN par induction) après pré-amplification : toutes les données
d’étalonnage, l’historique, les utilisateurs et les mesures sont traitées dans les
capteurs et transmises par liaison Modbus RS-485 ou SDI-12.
Chez Krohne qui propose des sondes par conduction à
deux électrodes ou par induction (Optisens et Optisys), l’innovation consiste à
intégrer le convertisseur à la sonde : « Nos sondes par conduction SmartPat (ex
SmartSens), utilisées avec un protocole de communication ouvert Hart pour la vérification
ou l’étalonnage, sont directement alimentées par une boucle courant, explique Patrick
Bret. Pour quasiment le même encombrement, cela évite d’installer un convertisseur,
de tirer des câbles électriques, installer des disjoncteurs. Cela réduit les investissements
surtout lorsqu’il y a de multiples points de mesure. Nous installons ces sondes
dans l’industrie et de plus en plus dans les métiers de l’eau. Nous proposons aussi
des solutions à moindre coût comme un indicateur de mesure (connecté en série dans
la boucle courant), sans programmation, beaucoup moins cher qu’un convertisseur
».
Baumer a étoffé ses séries de capteurs de conductivité CombiLyz développées pour l’analyse et la différenciation précise de fluides dans les industries agroalimentaire et pharmaceutique ou dans le traitement de l’eau en proposant un nouveau modèle.
Outre le compact AFI4, il existe aussi désormais l’AFI5 avec détecteur déporté. Ce nouveau modèle comprend deux composants différents : le détecteur inductif CombiLyz et le transmetteur intégrant l´afficheur CombiView qui sont installés à distance l’un de l’autre et raccordés par câble.
L’installation
séparée du détecteur et du transmetteur offre une bonne flexibilité en matière de
position de montage.