Trop de phosphates entrent encore dans les stations d’épuration malgré une diminution notable des quantités utilisées. Que ce soit pour surveiller leur teneur ou tenter de les enlever, les analyseurs de phosphates sont l’outil indispensable.
Du phosphore, on en retrouve sous toutes formes dans l’eau potable, les rivières et les eaux usées. Ce sont surtout des sels de phosphore, des phosphates et des ions phosphates, les orthophosphates. Leurs origines principales sont toujours les mêmes : les déjections humaines et animales, ainsi que les engrais agricoles.
En France, les détergents ménagers ne doivent plus en contenir depuis le 1er juillet 2007, depuis fin 2012 pour les détergents industriels, et depuis 2015 pour les détergents de lave-vaisselle. Résultat, les rejets s’améliorent lentement. Selon les données 2016 du Commissariat général au développement durable, les teneurs en phosphates dans les cours d’eau ont nettement diminué depuis vingt ans (- 63 % d’orthophosphates en 2013 par rapport à 1998), grâce, notamment, à l’amélioration du traitement des eaux usées urbaines, à la réduction des teneurs en phosphates des lessives, et à la baisse sensible de l’utilisation des engrais phosphatés.
Et ce malgré l’utilisation croissante de ces produits chimiques dans plusieurs secteurs industriels dont l’agroalimentaire. Ils servent d’acidifiants dans les boissons gazeuses, d’agents levants dans les biscuits, ils enrichissent les laitages en calcium (phosphate de calcium), ils retiennent l’eau dans les jambons et autres charcuteries de qualité industrielle.
Malgré cela, les analyses montrent des teneurs en nette réduction.
Pour preuve, entre 2008 et 2013, les rejets imputables aux stations d’épuration industrielles et urbaines sont passés de 4.200 tonnes à 3.000 tonnes de phosphore total. L’amélioration est encore plus sensible dans l’agriculture. En 2014, près de 5 fois moins d’engrais phosphatés sont utilisés par rapport à 1972. Et pourtant, non content de devoir les éliminer, certaines stations d’eau potable en ajoutent sous forme d’acide phosphorique pour vérifier la présence de plomb dissous.
Un risque pour les eaux de surface
Il n’empêche. Chaque litre d’eau qui arrive dans les stations d’épuration contient encore en moyenne 9 milligrammes de phosphate. C’est beaucoup trop. Il faut réduire cette teneur en sortie car les composés phosphorés, éléments nutritifs pour les végétaux, induisent une prolifération des algues dans les eaux de surface. Ainsi, 1 g de phosphate-phosphore (PO4-P) peut entraîner une croissance d’algues de l’ordre de 100 g. Lorsque ces algues meurent, leur décomposition nécessite environ 150 g d’oxygène. La concentration critique de PO4-P à laquelle commence ce phénomène d’eutrophisation est d’environ 0,1-0,2 mg/l en eau courante et de 0,005-0,01 mg/l en eau stagnante.
En raison du risque pour les eaux de surface, la directive européenne 91/271CEE fixe des limites pour le déversement de composés phosphatés dans les cours d’eau récepteurs. Selon la taille des stations d’épuration, ces seuils pour le phosphore total sont de 2 mg/l (10.000 - 100.000 équivalents-habitants, EH) ou de 1 mg/l (> 100.000 EH).
Il faut donc “déphosphater” les eaux usées.
Déphosphater les eaux usées
Cela passe par une précipitation dans les bassins d’aération. Mais avant, il faut surveiller régulièrement la teneur de ces eaux en phosphates. Les analyseurs sont conçus pour cela.
Les fabricants de ces appareils se nomment ABB, Hach, Endress+Hauser, Anael, Swan, Datalink Instruments, Xylem Analytics, Metrohm, AMS Alliance, Macherey Nagel, Axflow, Waltron ou encore Hanna Instruments. Tous ont recours à des réactifs et des méthodes colorimétriques. Certains utilisent la méthode de Briggs. En présence de molybdate d’ammonium puis d’un mélange réducteur, les phosphates forment un complexe phosphomolyb-2-molybdique (H3 PO4- [(MoO3) 12 MoO2] 2) {\displaystyle (H_{3}PO_{4}-[(MoO_{3})12MoO{2}]2)}. Ce complexe, de couleur bleue, stable et soluble dans l’eau, présente un maximum d’absorbance à 720 nm. L’intensité de la coloration du complexe est proportionnelle à la concentration en phosphate.
Autre solution, choisie par la majorité des fabricants, comme le Phosphax sc de Hach, celle au vanadate de molybdate qui donne une couleur jaune mesurée au photomètre. « Ce choix est dû à la stabilité du réactif, analyse Jean-Pierre Molinier chez Hach. Le vanado-molybdate est plus stable, ce qui permet de le conserver plus longtemps et diminuer les actes de maintenance ». Endress+Hauser laisse le choix aux utilisateurs en proposant les deux méthodes. « L’analyseur colorimétrique CA80PH, conforme à la norme DIN EN1189, permet la méthode au bleu de molybdène ou celle au vanadate de molybdate en fonction de la gamme choisie », explique Aurélia Genet, chef de marché environnement chez Endress+Hauser.
Question précision, les deux formules sont identiques. Les photomètres des analyseurs mesurent des différences d’intensité qui approchent des valeurs réelles d’environ 2 %. Ces réactions chimiques se déroulent sous pression atmosphérique, avec un pH compris généralement entre 3 et 12 et dans une échelle de température variant de 5 °C à 55 °C. C’est la raison pour laquelle de nombreux analyseurs sont installés dans des chambres isolées thermiquement et contrôlées. Cela se fait soit en laboratoire tel le Smartchem 450 d’AMS Alliance, soit en ligne dans des analyseurs autonomes, installés sur le terrain et équipés de chauffage interne. C’est le cas de l’analyseur Metrohm Process Analytics 2035 o-PO4 & PT, du Phosphax sc de Hach ou du P 700 IQ de Xylem Analytics. Le 8242 d’ABB régule lui-même sa température par des mesures optiques et des réactions chimiques internes. De même, la cellule de mesure du Waltron 3042, chauffée à 45 °C, lui permet une réactivité de détection optimisée pour un cycle de mesure raccourci au minimum et une bonne précision. De nombreux analyseurs agissent donc aujourd’hui comme des sondes installées sur le circuit d’eau.
Des besoins analytiques différents
Mais les stations d’épuration ou les usines de production d’eau potable ne s’équipent pas forcément avec des analyseurs mono-paramètres. Elles optent parfois pour des appareils multiparamètres et multitâches comme les consoles Futura d’AMS Alliance dont chacune peut effectuer 5 analyses différentes et dont 12 d’entre elles peuvent se monter en parallèle.
Le temps d’analyse est variable selon les produits. Il est de moins de 5 minutes annoncées pour le P 700 IQ de Xylem Analytics, de 7 minutes pour l’AMI Phosphate II de Swan, de 9 minutes pour le 3042 de Waltron ou l’Instran d’Anael et 11 minutes pour le 8242 d’ABB.
La reprise d’une nouvelle analyse demande un peu plus de temps. Même si l’analyse en continu n’est pas obligatoire en France, contrairement à l’Allemagne ou aux pays nordiques, elle aide au pilotage de l’usine et permet d’optimiser les coûts de fonctionnement. Pour optimiser la durée de vie du milieu bactérien ou pour avertir si les limites de la réglementation sont dépassées, l’analyseur Metrohm Process Analytics 2035 intègre un module analytique compact, cuve de digestion et cellule photométrique, pour surveiller à la fois ortho Phosphates (o-PO4) et Phosphore Total (PT) en ligne. Plusieurs échantillons peuvent être connectés à l’analyseur 2035, ce qui permet un contrôle complet de l’efficacité du processus de traitement du phosphore.
Mais pour la surveillance de la teneur d’une eau en phosphate, nul besoin de produire des analyses trop souvent. En revanche, quand il s’agit de déphosphater, le délai entre deux analyses doit être plus court afin d’ajuster en permanence le dosage de chlorure de fer ou l’activation des bactéries qui vont accumuler le phosphore, puis, sous des conditions physico-chimiques adéquats, le re-larguer dans les boues. Celles-ci seront filtrées et centrifugées, l’eau extraite étant chargée en phosphore qui sera précipité grâce à l’ajout de chaux et récupéré sous une forme minérale, l’hydroxyapatite, le constituant de l’émail dentaire.
Sur la plupart des analyseurs, les données sont stockées et transmises au centre de supervision par Modbus ou Profibus. Traitées par des logiciels adaptés qui incluent les messages d’alarme ou d’erreurs, ces données sont visibles en brut ou sous forme de courbes sur des écrans inclus dans l’analyseur ou sur tablette.
Soigner la maintenance
Que ce soit pour la surveillance ou la déphosphatation, la durée entre deux maintenances de ces analyseurs dépend du filtre utilisé. Le choix de l’unité de filtration est important, car un prélèvement en ligne dans un bassin d’épuration par exemple, nécessite des filtres robustes équipés de dispositifs de nettoyages automatiques, et faciles à nettoyer manuellement si besoin. « Une bonne filtration est la première étape indispensable d’une bonne analyse par la suite » explique-t-on chez Endress+Hauser. La consommation en réactifs est également un point important. Son économie est l’évolution majeure de ces dernières années. Tous les constructeurs se servent même de cette moindre utilisation de réactifs comme argument de vente. Alors qu’auparavant, l’analyse nécessitait de 5 à 10 litres par mois de réactifs, le bidon de 2,5 litres de réactif au vanadate-molybdate du P 700 IQ de Xylem Analytics dure 8 mois pour des mesures toutes les 10 mn, le Phosphax sc de Hach doit être rechargé une fois par an pour des mesures tous les quarts d’heure. Pour le CA80PH d’Endress+Hauser, le bidon de 1,8 litre de réactifs méthode au bleu de molybdène doit être remplacé tous les 6 mois et tous les 3 mois pour celui de 1 litre pour la méthode jaune. Dans un souci de simplification, Waltron propose pour chacun de ses analyseurs des réactifs prêts à l’emplois, pré-mixés, ne nécessitant ainsi qu’un simple remplacement tous les 1 à 3 mois, suivant l’intervalle de mesure sélectionné.
D’autres demandent des rechargements plus réguliers suivant le volume des bidons.
Les eaux usées contenant des particules en suspension, les risques de colmatage de l’analyseur sont importants. Une maintenance régulière diminue ce risque surtout quand l’analyseur est équipé d’un capteur de pression qui prévient d’un éventuel futur problème comme c’est par exemple le cas chez Hach. D’où un temps de fonctionnement plus long et une fiabilité accrue.
De fait, la durée de vie de ces appareils est de 8 à 10 ans. Cela est dû à l’usure des pièces mécaniques et de l’électronique. Leur remplacement est la raison majeure d’achat des quelques centaines d’analyseurs vendus en Europe chaque année. Pour les plus récemment sortis d’usines, « les points importants sont l’autonomie, l’autonomie et l’autonomie. Autonomie sur les réactifs, sur l’aide à la maintenance, sur les systèmes de régulations », insiste Jean-Pierre Molinier chez Hach. Dans ce domaine comme dans bien d’autres, l’heure est aux économies d’exploitation.