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Crues, orages : un système de vigilance encore imparfait

31 mars 2022 Paru dans le N°450 à la page 65 ( mots)
Rédigé par : Patrick PHILIPON

Fortes précipitations et crues peuvent perturber le fonctionnement des réseaux d’assainissement, voire causer de sérieux dégâts en ville. Les collectivités dotées de la compétence Gemapi s’équipent donc peu à peu de systèmes d’alerte, venant en complément des services de l’État. L’offre technologique, et/ou de services, tend à se diversifier.

La présence d’eau en ville est un bienfait… sauf lorsqu’il en arrive trop d’un seul coup. Qu’il s’agisse de maîtriser les rejets du réseau pluvial – ou du réseau d’assainissement unitaire - ou de protéger les populations et installations des inondations, les collectivités ont besoin d’être alertées à l’avance de l’arrivée de quantités d’eau inhabituelles, susceptibles de déborder les capacités d’évacuation des infrastructures. Il en va de même pour beaucoup de sites industriels. D’où une nécessaire veille météorologique (orages et fortes précipitations en général) et hydrologique (crues). Les responsables s’appuient pour cela sur les services de vigilance de l’État, en premier lieu MétéoFrance et Vigicrues, mais déploient aussi, de plus en plus, des moyens propres.

Alertes crues : différents types de capteurs

Vigicrues ne peut pas satisfaire tous les besoins, rendre compte de toutes les situations locales. Collectivités ou syndicats dotés de la compétence Gemapi, voire industriels, sont donc amenés à se doter de leur propre système d’alerte crues, composés de stations de surveillance placées dans le milieu et d’un dispositif de remontée des données, ou tout au moins d’alarmes. Ces collectivités ou syndicats peuvent également s’appuyer sur les services de l’état, notamment les Services de Prévision des Crues (SPC) pour définir leur besoin (voir le guide méthodologique édité par le SCHAPI).
Les FMR10 et FMR20 font partie des premiers radars sans contact à technologie Bluetooth® pour une configuration et un diagnostic d’une rare simplicité. Les courbes de signaux se visualisent sur une application disponible pour tous les smartphones ou tablettes Bluetooth® (iOS, Android).

Une étude complète préalable, confiée à un bureau spécialisé comme par exemple Artelia, Hydratec, Merlin, ou Société du Canal de Provence, s’avère indispensable pour déterminer le fonctionnement du système d'alerte de crue et notamment l’implantation idoine des stations. Ces dernières, généralement dotées de capteurs de niveau, doivent être tarées pour établir la relation niveau-débit et déterminer les seuils d’alerte. A ce moment-là interviennent des agents munis de courantomètres, fournis par des sociétés comme Xylem, Nivus ou Hydreka. « Nous pratiquons beaucoup la location de courantomètres car il est plus intéressant économiquement pour une collectivité de louer ponctuellement que d'acquérir un appareil qui ne servira qu’occasionnellement, uniquement quelques jours dans l’année » souligne Korentin Jolivet, responsable marketing et communication chez Hydreka.

Différentes technologies de mesure de niveau, en général à distance pour préserver les capteurs des“ colères” du cours d’eau, sont disponibles pour équiper ensuite des stations installées à demeure. Endress+Hauser propose des capteurs radar reliés via un data logger à la supervision du client. « Pour ces situations, mieux vaut choisir nos modèles conventionnels, les FMR 10 et 20. Ils sont alimentés par des data loggers autonomes : nous travaillons avec Lacroix Sofrel pour ce type d’application. Le FMR 20 envoie ses données en Modbus, un protocole très peu énergivore, ce qui est essentiel pour un déploiement dans des endroits souvent éloignés du réseau électrique » précise Matthieu Bauer, Team Leader Marketing Environnement/Energie chez Endress+Hauser. Plus récemment, la société a introduit le FWR 30, un radar doté d’une carte SIM envoyant ses données via le service cloud Netilion « Il n'a pas été développé pour l'alerte crue, il s'agit d'un radar autonome connecté au Cloud et services numériques Netilion et peut être employé pour faire des relevés à distance » convient Matthieu Bauer.
Basée sur une station d’acquisition ultra faible consommation et un superviseur web (logiciel hébergé), la solution Paratronic permet de réaliser les mesures de niveau, pluviométrie, débit, qualité des eaux (température, pH…) et de disposer des mesures sous toutes les formes (tableaux, graphiques, représentation cartographique) ainsi que d’alertes par SMS et mail.

Hydreka préconise également des radars pour ce genre d’application. Il s’agit soit d’un radar de hauteur, le Vegapuls, sélectionné dans la gamme Vega, soit d'un débitmètre sans contact : le SurfaceFlo, un double radar (hauteur et vitesse) adapté pour l’utilisation en milieu naturel. « Par exemple, ces appareils sont souvent installés sous des ponts, soumis à des conditions spécifiques telles que les vibrations, le vent... Le SurfaceFlo est doté d’un correcteur angulaire automatique afin de corriger ces contraintes terrain et améliorer la qualité de la mesure. Il est évidement qualifié IP 68 » explique Korentin Jolivet. Hydreka a également développé un automate autonome en énergie, le DTU2 permettant d’interfacer le radar – et toutes sortes de capteurs, par exemple qualitatifs, que le client peut souhaiter ajouter - à la supervision. « Si une collectivité n’a pas de supervision, notre environnement logiciel, WinFluid NG peut en tenir lieu, remonter les données, historiser et générer des alertes, par exemple par SMS » ajoute Korentin Jolivet. Hydreka a par exemple installé un ensemble SurfaceFlo plus DTU2, remontant les données via Modbus dans l’écosystème Winfluid NG pour une étude des transits dans un bassin pluvial sensible au dessus de Sophia Antipolis.

Disponible à la location ou à la vente, le débitmètre SurfaceFlo proposé par Hydreka, est un double radar spécialement conçu pour les applications en canaux ouverts.

« Vega fait de la mesure de niveau et de pression en général. Nous mesurons soit une distance de vide, avec un radar placé au-dessus de la surface, soit une hauteur de liquide avec un capteur hydrostatique » explique Luc Heusch, responsable commercial chez Vega. Il insiste sur la précision des radars comparée à celle des systèmes à ultrasons. « Sur une petite rivière, une imprécision de quelques centimètres n’a pas d’importance, mais sur un gros fleuve, ça représente une vraie différence de débit… » plaide-t-il. Vega propose différents modèles de radars Vegapuls. D’une part des appareils “traditionnels”, alimentés par soit par le réseau (armoire électrique, pont…) soit par batterie et panneaux solaires. Le signal est transmis en GSM-GPRS. D’autre part des appareils autonomes, les VegaPulse Air, munis d’une batterie embarquée et d’un module de transmission LoRa ou LTE-M/NB-IoT. Le capteur hydrostatique immergé VegaWell est peu utilisé pour l’instrumentation en milieu naturel du fait de sa vulnérabilité au courant et objets charriés par le cours d’eau. « Notre offre va de la fourniture du radar à celle d’un service complet. Plusieurs capteurs sont alors installés à différents endroits, les données remontent sur notre serveur VEGA Inventory System (VIS) et sont consultables par internet. VIS peut également envoyer des alertes. L’avantage de ce système est que nos serveurs redondants garantissent la sauvegarde des données. Nous apportons un haut niveau de sécurité. Les serveurs sont certifiés SOC 2, et nous sommes en voie d’obtenir la qualification ISO 27001 pour la disponibilité » souligne Luc Heusch. Vega a ainsi équipé en 2021 l’agglomération de La Roche-sur-Yon (Vendée). Le système comprend cinq radars installés sous des ponts, un système de transmission et de visualisation des données et une alerte crue. Le syndicat de l’Orge, les communes de Lux (Côte d’Or), Montbéliard (Doubs) ou de Gerstheim (Bas Rhin) ont également choisi la solution clé en main proposée par Vega.

Des capteurs aux systèmes complets

Les stations d’acquisition proprement dites comportent en général plusieurs types de capteurs, ainsi que les systèmes d’alimentation et de transmission des données. Paratronic est un spécialiste de ces ensembles. « Nos stations ouvertes, multiprotocoles, gèrent les données de radars, capteurs piézométriques (les nôtres ou ceux d’autres fournisseurs), de pluviomètres, thermomètres, capteurs physico-chimiques de qualité de l’eau… Un automate envoie les données par radio ou GSM sur un superviseur ou un serveur spécifique. L’énergie provient d’une batterie ou de panneaux solaires… sauf si le secteur passe à proximité » explique Alain Cridel. La génération actuelle, les stations LNS, sera prochainement supplantée par une nouvelle version qui entre actuellement en tests. Paratronic peut aussi proposer un superviseur Web pour les petites installations comprenant peu de points de mesure. Le client, moyennant un abonnement annuel, a accès à la visualisation, reçoit des historiques et bien sûr des alarmes (par SMS) en cas de dépassement de seuil. « Nous proposons aussi notre superviseur Sigma, avec cartographie, installé chez le client, pour les collectivités plus importantes ayant installé plusieurs dizaines de stations. Nous avons vendu une dizaine de systèmes de ce type en France » ajoute Alain Cridel.
Les capteurs radar VegaPulse Air bénéficient de la technologie radar 80 GHz qui offre une focalisation du signal radar très précise, et distingue les signaux de mesure des signaux parasites. Les données remontent sur le serveur VEGA Inventory System (VIS) et sont consultables par internet, permettant au VIS d’envoyer des alertes.

La communauté d’agglomération Caux Vallée de Seine disposant de 42 stations ou encore le Syndicat Mixte de l’Entente Oise Aisne, ont opté pour cette solution (SIGMA). « A l’inverse, la Déal Martinique, la SNCF à Reims ou encore le Syndicat d’Aménagement du Bassin de l’Indre ont choisi le système plus simple hébergé chez Paratronic (Superviseur Web), mettant à disposition différents types d’informations (niveaux, photos…) issues de nos stations de mesure ».

Inspirée de la technologie spatiale, la micro-station vorteX.io fournit un ensemble de mesures hydrologiques en temps réel.

Fort de ses différentes marques (entre autres Ysi, SonTek, GlobalWater, Exo…), le groupe Xylem est également en mesure de proposer des stations complètes. « Nous proposons aux États Unis des solutions de surveillance complètes, comprenant la mesure de niveau (radar Nile de Waterlog), un échantillonneur d’eau, des sondes Exo pour la qualité de l’eau, etc., ainsi que les systèmes de remontée d’information et d’alerte. Nous pourrions fournir et installer ces solutions en France mais ce n’est pas encore arrivé. Ici, nous vendons surtout des éléments séparés » précise Mehalia Medjahed, Ingénieure Produits Solutions. C’est le cas des courantomètres à poste fixe de SonTek. Le modèle SL peut mesurer en temps réel le niveau et la vitesse, et en déduire le débit, sur des rivières dont la largeur peut atteindre 120 mètres. « Il est installé au bord du cours d’eau, sur une échelle que nous fournissons, ce qui permet de le remonter pour entretien et le replacer à sa position exacte. Les données sortent en SDI12, RS232 ou Modbus. Notre plateforme Hydrosphere peut envoyer des alarmes en temps réel en cas de variation de valeur ou dépassement d’un seuil critique » explique Mehalia Medjahed.

Alerte pluie : encore peu développée

Bien qu’elles les utilisent encore peu pour l’alerte, les collectivités installent des pluviomètres, par exemple pour instrumenter des déversoirs d’orage. « Les collectivités installent des pluviomètres sur certains points de leur réseau d’assainissement pour anticiper les arrivées d’eau pluviale car elles sont limitées en termes de rejet en milieu naturel. Par ailleurs les services de l’État (ou certaines collectivités) en installent dans des endroits stratégiques des bassins versants pour anticiper des montées de niveau des cours d’eau » affirme Alain Cridel (Paratronic). Sa société propose le PLV 400, un pluviomètre à auget basculant. Le principe est simple : dès que 0,2 mm de pluie (ou 0.1 sur demande) sont tombés, l’auget bascule, ce qui crée un contact et envoie une impulsion. Les données sont envoyées vers un automate ou une télégestion. Hydreka commercialise également un pluviomètre à auget, de fabrication robuste. « Nous le proposons souvent à la vente ou à la location longue durée pour cette applicatif » affirme toutefois Korentin Jolivet. Dans le même ordre d’idées, Xylem lance cette année en France la commercialisation du pluviomètre de Globalwater.
Sous sa marque Ysi, le groupe Xylem propose aux États-Unis des stations de surveillance complètes (crues, orages, eaux de ruissellement…) comme celle-ci installée à Broad Channel (New York).

Pour des installations rapides sur piétement en toiture ou au sol, C2AI propose la station météo multi-paramètres séries HD 52.3D : prémontée et rapide à installer elle peut embarquer, sur une même tête de mesure, un pluviomètre un anémomètre à ultrasons à 2 axes, un thermo-hygromètre, un baromètre, un pyranomètre. Outre la forme aérodynamique du pluviomètre de la gamme standard scientifique ELM, la présence physique de la jauge, qui provoque l’accélération de l’air entraînant les précipitations loin du collecteur, a pour effet d’assurer un haut niveau de confiance dans la précision des mesures récupérées.

Dérivé du débitmètre Raven-Eye, dont il reprend nombre de caractéristiques, le Phoenix, proposé par Cometec, se différencie par l’utilisation d’un radar à large ouverture de 32° afin de scruter l’ensemble du champ des vitesses sur la largeur du canal.

A Aix-en-Provence, Anglet ou à Nancy, Nivotech a déployé dans ce sens ses capteurs à ultrasons pour délivrer en temps réel les informations sur le taux de remplissage des bassins de rétention. Connectées via un réseau sécurisé à un tableau de bord de NivotechDesk, les collectivités disposent de toutes les données en temps réel des épisodes de pluie issues des seuils d’alertes programmables leur permettant de les historiser et de les exploiter pour un large panel d’usages.

Une autre approche

VorteX.io, un nouveau venu dans le monde de l’eau, a adopté une approche radicalement différente de la surveillance du risque hydrologique, que ce soit en termes de technologie ou de modèle économique. « Nous constituons actuellement la plus grande base de données hydrologiques du monde, avec de petits capteurs innovants issus des technologies spatiales. Cela va au-delà des solutions in-situ traditionnelles basées sur des technologies vieillissantes et non déployables à grande échelle… Nous mesurons des paramètres hydrologiques, et diffusons les données sur une plateforme Web » explique Guillaume Valladeau, co-fondateur de la société. Opérationnelle en quelques minutes, la micro-station de vorteX.io, totalement autonome, non invasive, transmet ses mesures en temps réel par 4G et bientôt par IoT spatial. « Notre technologie fournit d’ores et déjà plus de paramètres que la plupart des solutions existantes : hauteurs, vitesses, images. Demain nous ajouterons la qualité de l’eau, la température de surface, ainsi que la mesure de précipitations. Le tout en télédétection, sans contact avec l’eau : l’ensemble fonctionne en fait comme un satellite », souligne Guillaume Valladeau.
Le NivusFloStick calcule automatiquement le débit et enregistre les données de mesure. Les rapports de jaugeage générés sont lisibles sur smartphone, tablette ou PC portable grâce à une interface conviviale accessible via une connexion Wifi locale. 

La société offre aux collectivités un service clé en main depuis l’installation des stations jusqu’à la distribution des données via une plateforme dédiée (Maelstrom) ou une API accessible depuis n’importe où dans le monde. « Les stations restent notre propriété, nous en assumons l’installation et la maintenance, et ne vendons que l’accès aux données sous forme d’abonnement mensuel » précise Guillaume Valladeau. La société entend déployer 10 000 microstations en France pour créer un système d’observation de tous les cours d’eau contribuant aux risques inondation et sécheresse. « En France, 13 000 cours d’eau nécessitent une observation en temps réel, et plus de 8 000 communes n’ont aucun système de surveillance. Nous visons ce type de segment grâce à notre rapidité de déploiement : petites collectivités, syndicats, voire grands industriels. La base de données est accessible à tout un chacun » affirme Guillaume Valladeau. La démarche d’ores et déjà séduit un certain nombre de communes dont celle de Gardouch, à côté de Toulouse, qui adhère au service depuis deux ans. « Gardouch a subi une grosse inondation en 2018 et les services se sont tournés vers nous car le réseau étatique n’était pas déployé à proximité de la commune » souligne Guillaume Valladeau. 


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