Le déploiement de capteurs intelligents, simples à utiliser et rapides à mettre en oeuvre, associé au développement de réseaux de communication dédiés à l’Internet des objets (IoT) facilite la transition vers des réseaux plus intelligents sans nécessiter forcément de gros investissements du fait de la baisse du coût des infrastructures, de l’obtention des données et de leur stockage. À la clé, de réels bénéfices économiques et environnementaux mais aussi de nouveaux défis, concernant notamment d’énormes volumes de données qui nécessitent des traitements additionnels, du stockage et des fonctions d’administration.
Qu’il s’agisse d’eau potable, d’eaux usées ou d’eaux industrielles, il est difficile d’évoquer l’optimisation des réseaux sans parler des réseaux intelligents. Mais qu’est-ce qu’un réseau intelligent ? D’un point de vue fonctionnel, on peut le définir comme un ensemble intégré de produits, de solutions et de systèmes permettant aux exploitants de contrôler et de diagnostiquer les problèmes, de prioriser et de gérer les opérations de maintenance, en continu et à distance, et d’exploiter les données collectées pour optimiser tous les aspects de la performance du réseau.
Du point de vue du gestionnaire, c’est surtout le moyen de respecter les exigences réglementaires et les politiques engagées dans le domaine de la qualité de l’eau, de la préservation de la ressource, tout en fournissant aux consommateurs les informations et les outils dont ils ont besoin pour adapter leurs comportements, leurs consommations et leurs usages.
Car tous en conviennent : la gestion des réseaux, qu’il s’agisse d’eau potable, d’eaux usées ou d’eaux pluviales, est devenue extrêmement contraignante du fait de leur vieillissement, des réglementations de plus en plus exigeantes, sans parler des attentes des consommateurs en termes de nouveaux services et de nouvelles offres. « Le développement de solutions Smart, et plus globalement de réseaux intelligents, est une réponse aux trois grands enjeux auxquels sont confrontées les collectivités, détaille Antonin Fradin, Responsable de la division Smart Water chez Suez. Les enjeux liés à la sécurité notamment en eau potable mais aussi en prévention des inondations, les enjeux réglementaires, et les enjeux économiques qui sont devenus très prégnants pour des collectivités qui n’ont pas forcément les capacités qu’elles avaient il y a quelques années en termes d’investissement ». Impossible donc de satisfaire l’ensemble de ces exigences sans recourir à ces solutions et systèmes constitués d’outils métrologiques (capteurs, débitmètres, compteurs évolués) couplés à des outils de communication et d’aide à la décision. Des solutions qui peuvent s’apparenter à un empilement de technologies complexes, coûteuses, génératrices d’investissements lourds dans un contexte technologique mouvant et incertain mais qui contribuent en réalité à rendre le réseau plus intelligent. Car un réseau ne naît pas intelligent, il le devient peu à peu, grâce au déploiement progressif des technologies de l’information et de la communication.
L’intelligence, au sein d’un réseau d’eau, résulte de l’interconnexion de plusieurs couches, dont la première consiste à déployer des capteurs permettant d’optimiser la gestion du réseau en interagissant avec lui.
Déployer des capteurs pour optimiser la gestion du réseau en interagissant avec lui
En imposant un taux de rendement seuil à 85 % pour les collectivités urbaines et entre 60 et 85 % pour les collectivités rurales, le décret du 27 janvier 2012 a incité les exploitants à instrumenter les réseaux d’eau potable pour pallier leur vieillissement. Et même si, selon le service de l’observation et des statistiques du ministère de l’environnement (Soes), près d’une collectivité sur quatre ne respecte pas, aujourd’hui encore, ces obligations en la matière, le mouvement est engagé. La recherche systématique de fuites et l’amélioration des rendements ont incité les gestionnaires de réseaux à mieux gérer leur patrimoine en sectorisant leur réseau pour mieux connaître les volumes entrants et sortants, suivre les débits nocturnes pour repérer les secteurs fuyards.
Ces démarches systématiques n’auraient pas été possibles sans les multiples développements intervenus dans le domaine de l’instrumentation.
En débitmétrie tout d’abord avec le développement d’appareils qui permettent de suivre au plus près le comportement du réseau : les débitmètres à insertion tels que Hydr INS d’Hydreka, Flomat de Tecfluid, Flo-Pipe de Cometec ou FLT01 de Flow Lab Technologies ont ouvert la voie à une mesure de débit économique, précise, facile et rapide à mettre en place sans qu’il soit nécessaire d’interrompre la distribution. Le développement rapide de débitmètres sans fil, communicants, autonomes en énergie a amplifié le mouvement. Le Promag W 800 d’Endress+Hauser, le Waterflux de Krohne ou encore le Magnetoflow M5000 de Fuji Electric permettent de scruter le réseau en toute autonomie sur de longues périodes, de 10 à 15 ans en fonction de la fréquence de scrutation et de transmission des mesures. Et ces appareils ne cessent de gagner en intelligence : le Promag W 800 d’Endress+Hauser est capable, grâce à son “SmartMode”, d’accélérer son pas de mesures en cas de modification du débit. Chez Krohne, le nouveau Waterflux embarque un capteur de pression et une sonde de température, permettant de comparer les valeurs de pression et de débit.
Chez Isma, le DLK 103 ne comporte plus ni afficheur, ni clavier. « Dorénavant, l’interface utilisateur/appareil se fait via notre application Logisma VP sur appareils Android (tablette, smartphone.), explique Christophe Lichtle. Cela nous permet de supprimer les faiblesses sur les appareils (afficheurs, clavier, connectique…), d’afficher des données beaucoup plus riches sur un seul écran (débit instantané, débit cumulé, hauteur correspondante, défaut s’il y a lieu…) et de simplifier le paramétrage qui se fait via l’application (formule, point par point, mode de mesure, calibration des capteurs). De même, la récupération se fait via l’application avec enregistrement physique sur l’appareil Android et possibilité d’envoyer en temps réel les informations par mail ». L’utilisation n’est plus liée à un seul utilisateur, il suffit d’avoir l’application Logisma VP pour se connecter à l’appareil qui envoie les données, le paramétrage est enregistré dans le débitmètre et non dans le smartphone. Quant à l’application, elle gère un nombre illimité de débitmètres et un seul smartphone ou tablette suffit à gérer un parc illimité de débitmètres…
De même, les prélocalisateurs à poste fixe et télésurveillés développés par Sewerin avec les SePem, Primayer avec les Phocus, Hydreka avec Permalog, ou Gutermann avec Zonescan ont permis d’améliorer considérablement l’efficacité des recherches de fuites. En solo, par GSM ou par radio, ils s’intègrent désormais pleinement à un réseau de télérelève quelle que soit son architecture ou presque. Ces outils ayant fait leurs preuves, les exploitants s’équipent. Gutermann revendique ainsi le déploiement en France de près de 10 000 loggers dont 6 000 à Lyon, 1 000 à Lille, 200 à Lagny sur Marne dans le cadre du réseau déployé par M2ocity, et à Bordeaux, Belfort, Valence ou Le Touquet avec la solution de communication développée par Gutermann. « Les exploitants ont compris l’intérêt des loggers corrélants, notamment pour tout ce qui est suppression des faux positifs, explique Luc Bade chez Gutermann. On ne peut pas à la fois optimiser la gestion d’un réseau et gérer de fausses alarmes. Une démarche d’optimisation passe par la suppression des interventions inutiles ». Le mouvement ne concerne plus seulement les grandes villes. Luc Bade note une forte augmentation du nombre de petits projets - entre 20 et 100 loggers - avec des modes de télérelève variés. « Les exploitants souhaitent bénéficier d’une plateforme élaborée sans pour autant opter pour un réseau fixe lorsque la configuration ne le justifie pas, explique-t-il. Selon le mode d’utilisation et les préférences, les loggers seront associés avec le logiciel Zonescan PC, le nouveau Zonescan Smart (logiciel Android pour Smartphones et Tablettes) ou encore avec la solution cloud Zonescan Net ».
Chez Sewerin, la gamme SePem, qui peut communiquer aujourd’hui via les réseaux GSM, Ondeo, Homerider, va bientôt s’ouvrir à d’autres réseaux de communication. « Il s’agit d’offrir à nos clients qui souhaitent maintenir ou améliorer leur rendement de réseau une souplesse maximale dans le choix du moyen de remonter l’information, explique Maxime Kieffer. Nous cherchons par ailleurs à concevoir et fabriquer les capteurs les plus sensibles possible afin de détecter les fuites avec le moins capteurs possible et le meilleur ratio technico-économique possible ».
Les dataloggers développés par Lacroix Sofrel, Perax, Ijinus, nke Watteco ou SebaKMT, savent également s’intégrer à n’importe quelle architecture en enregistrant et en transmettant automatiquement les données à distance par GSM-GPRS, ou par voie hertzienne, ouvrant la voie aux informations en temps réel. C’est par exemple le cas du Sofrel LS-V qui mesure le débit et la pression selon une période d’archivage paramétrable et transmet ses valeurs par GPRS vers un outil de centralisation. Il peut transmettre un message d’alerte par SMS en cas de franchissement de seuil de débit ou de pression. Il intègre également un dispositif de pilotage de vanne sur seuil ou sur plage horaire. En assainissement, Sofrel LT-US permet de mesurer en continu le niveau des effluents transitant dans les collecteurs, de détecter et d’enregistrer les surverses dans les déversoirs d’orage, de calculer les débits et volumes des déversements dans le milieu naturel et d’établir un diagnostic permanent et l’autosurveillance du réseau.
Chez Ijinus, chaque instrument connecté est capable, nativement, de communiquer avec les autres produits de la gamme en mode radio : l’un est alors capable de fournir une information en quasi-temps réel à l’autre pour lui demander, par exemple d’accélérer son pas de mesure. Ainsi, sous peu, une mesure des niveaux pourra s’étalonner automatiquement lorsqu’un détecteur de surverse lui indiquera qu’un niveau connu d’eau est atteint.
Les solutions se multiplient.
Ainsi, 3D EAU, une start-up adossée au laboratoire de recherche ICUBE (ENGEES, CNRS, INSA et Université de Strasbourg) présentera à Pollutec 2016 une solution permettant d’évaluer le débit dans les déversoirs d’orage grâce à une mesure de hauteur d’eau sans contact et une modélisation 3D des écoulements. Les capteurs, sans contact, simplifient et allègent l’exploitation. Les informations sont transmises par SMS.
De son côté, nke Watteco a développé une gamme de capteurs capable de communiquer à la fois en GSM/GPRS, LoRa et Sigfox. De même chez Ijinus, les produits intègrent actuellement, en plus de la 2G, GPRS et Sigfox, la 3G, 3GPP et LTE-M.
Le développement ces dernières années de capteurs intelligents s’est essentiellement concentré sur les paramètres physiques.
Ça n’est plus seulement le cas.
Des sondes multiparamètres se développent qui permettent de mettre en place un système de surveillance de la qualité de l’eau depuis la production jusqu’au point de distribution. C’est par exemple le cas de la sonde Multi-Probe+ d’EFS qui analyse 12 paramètres en temps réel (chlore, pH, turbidité, redox…) ou de la sonde Kapta 3000 d’Endetec sur laquelle repose le projet Qualio, déployé par le SEDIF qui vise à mettre en place une démarche de traçabilité de type “agroalimentaire” pour garantir en permanence et en tout point une eau de qualité sanitaire irréprochable (voir notre reportage page 16). Les enjeux liés au bioterrorisme et à la cybersécurité sont de plus en plus importants.
Libelium™, la plateforme de capteurs sans fil destinée surveiller la qualité de l’eau à distance commercialisée par Factory Systèmes est équipée de plusieurs capteurs ultra basse puissance capables de mesurer une dizaine de paramètres. L’une des forces du système est la rapidité de déploiement du réseau de capteurs sans fil. Implanté à Valence (Espagne), il surveille le réseau d’eaux usées en temps réel et est capable d’interagir avec des situations inattendues, par exemple des orages ou des inondations.
La miniaturisation, le développement de microsystèmes issu des nanotechnologies et les progrès en manière de TIC sont continus. Ainsi, la technologie de communication multi-hybride exploitée par Burkert permet déjà de faire communiquer une carte électronique standard intégrant des puces MEMS avec des pièces mécaniques. Avec, à la clé le développement d’une plateforme, le type 8905, qui regroupe l’analyse des paramètres essentiels en assurant un monitoring en continu.
Les compteurs eux-mêmes, que l’on croyait immuables, ont beaucoup évolué pour gagner en précision et en fiabilité. L’iPERL de Sensus, qui repose sur une mesure statique électromagnétique, est emblématique de ces nouveaux compteurs qui apportent une précision constante dans le temps, même à bas débit. Il s’autocontrôle une fois par minute pour prévenir toute dérive métrologique. Intelis® de Itron, Hydrus® de Diehl Metering, Octave© de Smarteo Water, le v200H d’Elster ou encore Multical© 21 de Kamstrup reposent sur une mesure statique par ultrasons permettant une précision constante sur toute leur durée de vie. Autonomes en énergie, ils peuvent être installés dans n’importe quel environnement et embarquent un module de communication capable de répondre aux exigences de la télérelève, notamment en matière de collecte d’index à distance. « Ces développements sont essentiels car les informations recueillies par ces différentes catégories de capteurs constituent l’une des briques essentielles des réseaux intelligents, souligne Antonin Fradin chez Suez, mais elles doivent être associées à toutes les sources d’informations disponibles comme par exemple les systèmes d’information géographique, les réclamations-clients, les interventions techniques, la modélisation hydraulique…etc. L’un des enjeux du “Smart”, c’est d’arriver à décloisonner l’ensemble de ces outils qui ont tendance à fonctionner indépendamment les uns des autres pour proposer une vision intégrée et homogène du fonctionnement d’un ouvrage ».
Le réseau intelligent doit sa valeur ajoutée à la vision globale qu’il procure.
Encore faut-il rassembler et collecter toutes les sources d’informations disponibles et maîtriser les systèmes de communication qui permettent aux gestionnaires d’obtenir des données au meilleur coût.
Obtenir des données au meilleur coût
Walk-by, Drive-by ou réseau fixe, les fabricants de compteurs ont très tôt développé leurs propres solutions globales de comptage et de télérelève. Mais ces solutions, parce qu’elles n’étaient pas interopérables et parce que les exploitants craignaient tout à la fois l’obsolescence et la dépendance par rapport à un choix initial, n’ont pas permis au marché de se développer. De nouvelles solutions plus ouvertes, capables de s’interfacer avec de nombreux protocoles, sont apparues sous l’effet de développements de passerelles et/ou de software réalisés par des acteurs tels que comme Adeunis RF, Webdyn, Kerlink, eWON, Ixel, IP Systèmes ou nke Watteco.
Parallèlement à cette profusion de développements, un groupe de travail a été créé au sein de l’AFNOR en 2012 rassemblant des distributeurs d’eau, des fournisseurs d’équipements et des opérateurs télécom pour faire émerger un standard applicable en matière de télérelevé par radiofréquence. Ce groupe a élaboré un guide d’application des normes européennes “Wireless M-Bus” définies par l’OMS (L’Open Metering Standard) ouvrant la voie à l’interopérabilité des systèmes.
Aujourd’hui ou en sommes-nous ?
Le Wireless M-Bus, susceptible d’être associé à une large variété de technologies radio et filaires en monitoring comme en transmission, bénéficie de son ouverture. Il est compatible avec une supervision sur port série, E/S Tor, M-Bus et Modbus. Du côté des standards de communication, les réseaux Sigfox et LoRa, dédiés au transfert de données entre les objets (IoT) font leur trou. Ils coexistent avec les réseaux GSM/GPRS des opérateurs téléphoniques plutôt conçus pour transférer des voix et des images mais qui peuvent également transférer des datas en vertu du principe « qui peut le plus peut le moins ». Leurs atouts ? « Permettre la création d’un vaste réseau destiné aux objets connectés, permettant de réduire les coûts ainsi que la consommation électrique des appareils s’y connectant », comme le souligne Jean-Claude Le Bleis, Directeur de nke Watteco.
Ces nouvelles technologies ont incité les équipementiers à développer de nombreuses offres démontrant sur le terrain leur intérêt. C’est par exemple le cas de Smarteo Water qui se positionne comme intégrateur de solutions pour informatiser les réseaux d’eau, ce qui signifie que le déploiement de capteurs communicants, la remontée des données transmises, leur stockage, traitement et mise à disposition sont gérés l’entreprise. « Notre positionnement est clairement ouvert et interopérable, explique Loïc Charron chez Smarteo Water. Cela signifie que nous nous intégrons aux systèmes déjà déployés par l’exploitant du réseau d’eau (sectorisation, capteurs de recherche de fuite, systèmes de facturation, etc) et ne cherchons pas à imposer notre solution à tous les niveaux. Le coeur du réseau d’eau intelligent est sa capacité à croiser les informations issues de capteurs et de systèmes différents. Nous observons une convergence des acteurs français de l’eau autour des standards mondiaux de l’Internet des objets : Sigfox et LoRa. La standardisation des systèmes, qui va bien au-delà du monde de l’eau, permet le développement rapide des solutions intelligentes liées aux réseaux d’eau. Il est aujourd’hui inconcevable de revenir à des solutions propriétaires et fermées, ce qui est désormais (enfin !) intégré à la fois par les exploitants de réseau, mais aussi par les fournisseurs de capteurs et de solutions ».
De même, Adeunis RF a développé une large gamme de capteurs, émetteurs et concentrateurs utilisant le protocole Wireless M-Bus pour connecter et récupérer les trames radio W-MBus pour les retransmettre, via un réseau GPRS, vers un serveur.
Mais pour proposer à ses clients des réseaux locaux adaptés à leurs besoins et à leurs modèles économiques, Adeunis RF propose également des produits reposant sur les réseaux Sigfox ou LoRa, spécifiquement conçus pour transporter les données IoT à faible coût. Ces technologies s’intègrent facilement aux objets connectés grâce à leur modem miniature qui permet à l’objet de communiquer des informations qui sont récupérées par le serveur avant d’être retransmises sous HTTP au serveur client qui peut les intégrer sur ses applications logicielles.
Premier venu sur le marché de l’eau, Sigfox s’est allié à Sogedo, 4ème distributeur d’eau en France, pour déployer auprès de ses 245 000 abonnés un service de télérelève et de suivi des consommations en temps réel. L’entreprise s’est également engagé dans le cadre d’un consortium formé par Smarteo Water et Connit pour déployer 30 000 compteurs connectés pour la Communauté de Communes du Pays de Gex (27 communes, 80 000 habitants).
De même, nke Watteco a développé un système de télérelève en LoRa, baptisée Senso™. « Deux offres sont actuellement disponibles, détaille Jean-Claude Le Bleis chez nke Watteco. La première, totalement intégrée, fonctionne sur des compteurs existants développés par Smarteo Water via une tête qui se clipse sur le compteur. La seconde repose sur un module déporté, connecté au compteur, étanche IP 68, qui propose des fonctionnalités identiques tout en convenant à n’importe quel type de compteur. Cette solution est bien adaptée au secteur de l’eau du fait de sa portée (jusqu’à 4 km en champ libre pour 14 dBm de puissance d’émission), sa faible consommation d’énergie, et surtout un coût d’obtention de la donnée nettement plus faible que celui obtenu avec les réseaux des opérateurs ». Ainsi, économique en investissement mais aussi en exploitation, Sens’O™ permet l’optimisation de la consommation énergétique liée au procédé de télérelève et reste opérationnel pendant 15 ans sur la base d’une transmission radio par jour. nke Watteco a d’ores et déjà déployé sa solution sur près de 3 000 compteurs en France et attend la concrétisation de plusieurs gros appels d’offres de collectivités centrés sur la technologie LoRa. « Ces solutions, parce qu’elles sont souples, peu coûteuses et qu’elles font leurs preuves sur le terrain, favorisent une transition progressive vers les réseaux intelligents » souligne Jean-Claude Le Bleis. Reste à choisir le dispositif et la technologie la plus adaptée. Et être prêt à affronter un nouveau défi, celui du traitement des données.
Un nouveau défi : le traitement des données
« Le développement des capteurs intelligents et des réseaux de communication a modifié sensiblement le rôle des exploitants qui doivent peu à peu passer d’une logique d’exploitation d’un équipement à une autre logique basée sur l’exploitation et l’analyse des données qu’il transmet », souligne Fabrice Renault, Segment Manager Water & Environnement chez Schneider Electric.
Les solutions développées par Itron, Sensus ou Diehl Metering, qui présentera à Pollutec 2016 son nouveau pack logiciel de gestion et d’analyses des données Izar Software, permettent d’exploiter pleinement l’intégralité des données collectées par les compteurs communicants et les applications de Smart Metering qui y sont associées.
Plus largement, les outils de supervision développés par Areal, Codra, Technilog (Supervision SaaS pour l’IoT) ou Arc informatique sont capables de s’interfacer avec un grand nombre d’équipements et permettent de gérer des millions de variables sur des centaines de sites distribués.
Ces solutions offrent de nombreuses fonctionnalités et savent s’intégrer aux outils d’aide à la décision et aux systèmes d’hypervision qui permettent d’agréger et de réconcilier des données hétérogènes en provenance de sous-systèmes pour fournir aux exploitants des informations facilement interprétables.
À Nice, Schneider Electric a ainsi déployé pour le compte de la Régie Eau d’Azur, sa suite logicielle Aquis permettant d’avoir un accès instantané et permanent avec l’ensemble des indicateurs clés de la gestion du réseau et des usines de production d’eau potable. « Avant la mise en place de cet outil, l’accès à l’information n’était pas immédiat, explique Fabrice Renault. Il existait un ensemble d’informations collectées dans différents points et sous différents formats et avoir une vision synthétique et globale nécessitait de collecter ces différentes informations, de les retraiter et de les mettre en forme. Aujourd’hui, de manière instantanée, le système d’hypervision est capable de puiser ces informations dans différents systèmes d’informations, qu’ils proviennent des usines, du réseau ou d’ouvrages décentralisés, en les restituant, toujours instantanément, sous la forme d’indicateurs clés immédiatement exploitables. L’un des gros intérêts de cet outil, c’est que la restitution de ces informations est disponible sur de nombreux supports, poursuit Fabrice Renault, au travers d’un serveur web, sur un PC, un Smartphone, une tablette… etc ».
La modélisation hydraulique du réseau d’eau potable est un autre outil qui permet de mieux comprendre ce qui se passe au sein du réseau en identifiant les zones à problème, par exemple une zone en sur ou sous-pression. « L’outil procure à l’exploitant une vision dynamique et non figée du réseau, explique Fabrice Renault chez Schneider Electric. Il permet de savoir heure par heure ce qui se passe réellement au sein du réseau et de simuler ce qui va s’y passer dans les 24 h à venir en captant des valeurs rafraîchies par rapport à celles relevées précédemment. On établit ensuite des hypothèses sur la base de valeurs instantanées ». L’outil a été mis en oeuvre à Nice et est en phase de déploiement sur une autre collectivité de taille moyenne dans le Sud Ouest de la France.
À Bordeaux, Suez a déployé sur le réseau d’assainissement une solution Aquadvanced ™ qui permet d’intégrer en temps réel les données métrologiques du réseau, les prévisions météorologiques pour modéliser le fonctionnement hydraulique du réseau en temps réel, prévoir et anticiper les évènements à venir, et mettre en oeuvre des consignes de gestion de façon automatique. Reste que pour faire fonctionner ces nouveaux outils, il faut déjà avoir passé les différentes étapes de digitalisation et introduire de profonds changements en matière de comportements. « Passer d’une exploitation cloisonnée, matérialisée par plusieurs outils répartis et maîtrisés par différents services, à l’exploitation d’un outil centralisé et partagé, c’est un profond changement de culture, souligne Fabrice Renault. Il faut avancer pas à pas ».
« Mais le “smart” n’est pas l’apanage de grandes collectivités, souligne Antonin Fradin chez Suez. Il est possible d’optimiser les systèmes, même sur de petits réseaux faiblement instrumentés ». C’est le sens de l’outil Aquadvanced™ dont le module assainissement vient d’être lancé en France (Voir EIN n° 394). Plus de 400 contrats de délégation intègrent aujourd’hui cet outil. Hors délégation, il est exploité par une vingtaine de collectivités dans le monde et est aujourd’hui proposé à des collectivités de taille moyenne ou petite dans l’hexagone.
En tant qu’exploitant et pour accompagner les collectivités de moyennes et petites tailles dans leur recherche de performance, Suez a implanté au Pecq (Yvelines), un centre chargé de superviser l’ensemble des infrastructures de télérelève et de solutions ‘Smart’, tant en France qu’à l’international. Ce centre a pour but de garantir une parfaite restitution des données de fonctionnement ainsi que la performance des infrastructures informatiques et télécoms émetteurs, logiciels, serveurs, etc). En lien direct avec les 15 centres “front office” Visio implantés dans l’hexagone, le “Smart Operation Center” joue un rôle de “back-office” assurant fiabilité et actualisation des données. Ainsi, chaque espace Visio bénéficie non seulement de l’état du parc des capteurs intelligents mais aussi des indicateurs météo et de récepteurs capables d’anticiper de possibles dysfonctionnements liés aux orages ou tempêtes. Même si l’intelligence opérationnelle se situe dans les différents espaces Visio, c’est le “Smart Operation Center” qui garantit la performance des infrastructures smart…
Chez Saur, ce sont les CPO® qui sont chargés d’offrir aux collectivités le même niveau de service sur l’ensemble du territoire, quelles que soientleurs spécificités et leur taille. Des milliers de capteurs installés sur différents ouvrages (stations, réservoirs, canalisations, postes de relèvement), récoltent, qualifient et traquent la moindre anomalie ou défaillance puis sont centralisées par le CPO, lieu stratégique de surveillance 24h/24, véritable cerveau garant de chaque opération menée sur les installations.
Veolia vient de son côté de lancer Vig’iléo, un
centre qui assure un suivi en temps réel du 4ème plus grand
réseau d’eau potable de France, celui de la Métropole Européenne
de Lille (MEL). Vig’iléo est un centre d’hypervision capable de
synthétiser sur une seule interface toutes les données qu’il
reçoit des logiciels métiers, des smartphones des agents, des
capteurs de terrain, des retours des usagers, etc. Il croise des
informations liées à la qualité de l’eau, au plan du réseau,
aux alertes fuites, au suivi de la flotte de véhicules offrant
ainsi une vision à 360° du service de l’eau dans la métropole. Via
un outil cartographique novateur, il suit en continu et de façon
centralisée l’activité du réseau et pilote plus efficacement les
opérations de terrain. Avec le déploiement de plus de 1 000 capteurs
mobiles sur les 4 300 kilomètres de réseau, opérationnel d’ici
fin 2017, Vig’ileo met également en place un programme de recherche
de fuites. Il s’agit de disposer d’un réseau en parfait état
de fonctionnement pour atteindre les objectifs de performance
demandés par la MEL (en passant de 80 % à 85 % d’ici 2024).
Pour répondre aux objectifs de gouvernance et de
transparence, les données générées par Vig’iléo sont accessibles
aux services de la MEL dans le cadre de la délégation de service
public contractée avec iléo, filiale de Veolia au service de la métropole.
Les services de la MEL peuvent ainsi participer au
pilotage du centre et suivre les interventions techniques en temps réel.
Ce centre de pilotage, le 3ème développé par Veolia
dans le monde, fait appel aux technologies les plus avancées en matière
de smart city. Vig’iléo est une déclinaison de la Smart Water Box de
Veolia. Conçue en partenariat avec IBM, elle s’appuie sur
les technologies numériques les plus avancées : capteurs internet des
objets, Big Data, sécurisation des données, visualisation des
résultats, interaction participative des citoyens.
Le traitement des données des services d’eau et
d’assainissement permet d’améliorer la performance, la qualité de service,
la gestion de crises et l’information des parties prenantes.