Encore parfois considérée comme une “nouvelle technologie” en production d’eau potable, l’ultrafiltration a pourtant une trentaine d’années déjà. C’est aujourd’hui un marché mature, porté par le renouvellement des membranes. Des avancées, encore en cours de développement ou testées sur des unités pionnières, se profilent. Parmi celles-ci, la nanofiltration et l’osmose inverse à basse pression, destinées aux polluants dissous et aux micropolluants.
Les membranes d’ultrafiltration sont apparues il y a une trentaine d’années dans les usines d’eau potable. Qu’apportaient-elles de nouveau, alors qu’il existait déjà des techniques éprouvées - et toujours largement utilisées - en matière de potabilisation ? « Les traiteurs d’eau ont adopté l’ultrafiltration car la taille des pores membranaires garantit à tout moment une turbidité inférieure à 0,1 ou 0,2 FTU (selon les garanties constructeurs). Elle élimine tout ce qui est particulaire » explique Kader Gaïd, directeur de la validation des projets à la Direction Technique et Performance de Veolia. Autre avantage : le résultat de ce procédé physique ne dépend pas de la qualité initiale de l’eau, ni de ses variations. Benoît Laplagne, directeur commercial des produits Aquasource (Suez) et fabricant de systèmes membranaires, explique ainsi que « lorsque la turbidité augmente, les filtres à sable ne peuvent pas faire face. Il faut faire du “collage sur filtre”, autrement dit ajouter et doser un coagulant, ce qui requiert du personnel. La membrane fonctionne seule, en toute circonstance et sans intervention humaine ».
Ce que confirme Isabelle Duchemin, responsable marketing et commercial export chez Polymem seul fabricant français de fibres creuses : « la membrane donnera une qualité d’eau constante, même sur une eau brute chargée ou de mauvaise qualité, ce que ne garantissent pas les autres types de filtration ». Enfin, à ce niveau de coupure, l’ultrafiltration constitue une barrière physique garantissant l’élimination des bactéries (abattement > log.6) et des virus (> log.4) ce qu’aucune technique classique ne permet. Cela ne dispense pas de chlorer l’eau pour la distribution car, comme le rappelle Rémi Duvillard, responsable des ventes France chez Pentair, « la membrane élimine les micro-organismes mais n’a pas d’effet rémanent ». Lorsque l’on clarifie l’eau avec une membrane d’UF, la demande en chlore de l’eau ainsi traitée est cependant bien plus faible en comparaison avec un traitement classique, comme l’explique Nouhad Abidine, Gérant d’ABC Membranes SARL. « De plus, la stabilité du chlore dans le réseau est bien meilleure, ce qui est donc bien plus avantageux et la qualité de l’eau traitée avec les membranes d’UF est bien plus stable dans le réseau ».
Pour les eaux de forage, généralement d’une bonne qualité initiale mais parfois sujettes à de brusques augmentations de turbidité, en particulier pour les eaux karstiques, les membranes d’ultrafiltration peuvent constituer le traitement principal. Pour les eaux de surface, notoirement plus difficiles à traiter, elles interviennent après des traitements classiques (coagulation/décantation, filtre à sable, éventuellement charbon actif), pour retenir bactéries, parasites et virus. « Après la problématique des eaux karstiques a surgi celle des parasites des animaux d’élevage, Cryptosporidium ou Giarda, que les filières classiques n’éliminent pas à 100 % alors que l’ultrafiltration donne une eau nettement mieux désinfectée » se souvient Fabrice Nauleau, directeur technique de la SAUR. L’intoxication à Cryptosporidium des habitants de Milwaukee (Wisconsin), en 1993, a ainsi donné le signal de départ de l’ultrafiltration aux États-Unis.
Deux types d’acteurs pour un marché mature
Fabriquer une membrane de filtration reste un métier de spécialiste, à base de chimie des polymères. Pentair, Inge (BASF), Polymem, GE Water & Process Technologies (Suez), Hydranautics, Dow Water & Process Solutions, Koch Membranes Systems, Orelis, ou Toray Membrane proposent chacun leur option technologique pour la membrane elle-même. Pour atteindre le marché de l’eau potable, ils se battent également sur la conception des racks, la facilité de montage, les automatismes… Comme le souligne Isabelle Duchemin, « les fabricants essaient de présenter des solutions en rack : pas seulement les modules mais aussi les pièces de connexion qui vont autour pour proposer des assemblages rapides et pas chers aux traiteurs d’eau ». Depuis qu’Aquacontrol et Hydranautics se sont retirés du marché français, et qu’Aquasource, le constructeur historique créé par Suez, distribue les membranes d’Inge (BASF), Pentair, Polymem et Suez fournissent à eux trois l’essentiel des membranes pour l’eau potable en France. Il est cependant très rare que ces constructeurs s’adressent directement aux communes : leurs clients sont les grands traiteurs d’eau. Tels que Saur, Veolia ou Suez, via par leurs propres bureaux d’études, ou des municipalités, collectivités territoriales ainsi que des industriels, généralement orientés vers les membranes par les bureaux d’études indépendants.
La France, et même l’Europe constituent aujourd’hui des marchés matures pour l’ultrafiltration. Il se crée bon an mal an entre 10 et 15 installations nouvelles, de toutes tailles, dans l’Hexagone estiment Isabelle Duchemin chez Polymem et Fabrice Nauleau chez Saur. Benoît Laplagne, (Aquasource-Suez), souligne-lui aussi que « la plupart des grosses usines sont équipées. C’est aujourd’hui un marché de renouvellement ». Il constate même un certain essoufflement depuis l’année dernière, rapportant qu’il « se crée peu d’usines d’eau potable, que ce soit en ultrafiltration ou non : les finances publiques sont tendues ». Kader Gaïd, chez Veolia, confirme la tendance : « nous sommes plutôt à moins de 10 créations par an en ce moment, tous opérateurs confondus, pour les usines de grosse ou moyenne importance ».
Des membranes et des racks
L’Allemand Inge (BASF) fabrique des membranes de type in-out en PES, avec une particularité : chaque fibre, appelée Multibore®, comporte sept canaux au lieu d’une lumière unique. « Ces fibres sont tellement solides que la casse est devenue exceptionnelle » affirme Denis Vial, de l’équipe marketing stratégique d’Inge. Ce que confirme Benoît Laplagne, pour qui « la casse n’est simplement plus un sujet avec ces fibres ». Inge fournit modules appelés dizzer®, d’une surface unitaire de 60 à 80 m² de membrane. Il peut proposer des racks, assemblages verticaux de modules dotés de “boîtes à eau” moulées. Livrées séparément, ces ensembles se montent facilement sur place. La gamme T-Rack®, totalement modulable, va jusqu’à un système de 136 modules pour une capacité totale d’environ 1.000 m³/h. En France, c’est Suez qui distribue ces membranes et propose sa propre gamme de systèmes d’ultrafiltration.
Pentair opte pour une membrane en PES à canal unique. « Cette géométrie, cylindre parfait, permet une répartition uniforme de la matière en tout point de la fibre et ainsi une excellente résistance mécanique » affirme Rémi Duvillard. « De plus, son fonctionnement en mode in-out assure un mode de contre lavage simplifié et optimal pour évacuer les MES retenues à l’intérieure des fibres après chaque cycle de filtration » ajoute-t-il.
« Les modules membranaires, fabriqués par Pentair à Enschede (Pays-Bas), peuvent s’intégrer dans trois configurations de skids suivant les exigences du cahier des charges (empreinte au sol, qualité d’eau entrante…) ».
Les unités Xiga présentent une configuration horizontale. Les modules sont installés à l’intérieur de tubes de pression. « Cette disposition minimise l’empreinte au sol, facilite l’intégration dans des systèmes containerisés et permet de travailler à des pressions allant jusqu’à 8 bar, c’est idéal lorsque l’UF est utilisée en prétraitement de membranes d’osmose inverse » affirme Rémi Duvillard.
Stereau a réalisé quelques installations avec les systèmes horizontaux de Pentair, à l’instar de l’usine du Petit Paradis à Lorient. Alimentée en eau de surface, cette usine de 25.000 m³/jour utilise l’ultrafiltration en finition après un traitement “classique” complet (Coagulation/décantation, réacteur à charbon fluidisé, filtration sur sable).
Quant aux skids Aquaflex, ils permettent une intégration verticale des modules Pentair. Ils autorisent, en plus d’un mode de filtration frontal, un mode semi-tangentiel et airflush lors des cycles de nettoyage permettant de traiter des eaux ayant une turbidité de 100 NTU maxi. Veolia en a par exemple utilisé pour l’usine de Clermont-Ferrand (60.000 m³/j), mise en service cette année. Elle traite une eau souterraine mais polluée par des pesticides et sujette à contamination bactériologique. « Après un traitement par charbon actif pour les pesticides, nous utilisons un système Aquaflex ou U-Flex pour affiner la turbidité et éliminer les bactéries » explique Kader Gaïd, directeur de la validation des projets à la Direction Technique et Performance de Veolia. Jacobi développe un charbon actif en poudre compatible avec les membranes d’ultrafiltration du procédé Cristal® de Suez. Dans ce procédé, le charbon actif en poudre circule à l’intérieur des membranes et agit en complément de la membrane pour l’élimination poussée des pesticides et des matières organiques contenues dans l’eau. Cette injection de charbon actif en amont de la membrane est une configuration qui a fait ses preuves en France.
Depuis fin 2014, Pentair propose des unités verticales appelées Rack X-Line. Les modules membranaires sont alors équipés de trois capots PVC, qui se raccordent hydrauliquement entre eux pour former des rangées de modules et ainsi jouent le rôle de collecteurs d’eau d’alimentation, de perméat et de concentrat. « Plus besoin de concevoir des skids pour intégrer nos modules, les racks X-Line arrivent en pièces détachées et sont montés directement sur site permettant un gain de temps et surtout de coûts d’investissement » estime Rémi Duvillard. Totalement modulable, le système X-Line adapte sa configuration aux contraintes de l’usine. Une unité de 5.000 m³/j est ainsi en service depuis 2016 dans l’usine de Torchamp (Orne), réalisée par Sogea et alimentée en eau de surface. Tout aussi récente, l’usine de Lathuile (Haute-Savoie), conçue par l’assembleur suisse Membratec, potabilise 720 m³/j d’eau karstique. Le système X-Line y assure l’essentiel du traitement.
Seul fabricant français, le toulousain Polymem se distingue par le choix d’une membrane out/in, unique en Europe sur le marché de l’eau potable mais leader dans le monde (75 % du marché de l’ultrafiltration dans le monde se fait en out/in). « Nos fibres sont bouchées d’un côté, débouchantes de l’autre : nous n’avons donc besoin que de deux connexions par module au lieu de trois pour le in-out » explique Isabelle Duchemin.
Pour les installations importantes, Polymem promeut aujourd’hui sa gamme Gigamem, à base de modules compacts, plus courts que ceux des concurrents et assemblés dans des carters en inox (au lieu du PVC utilisé par les autres fabricants). Ces carters sont disponibles en trois dimensions, 90, 140 et 240 pouces, le plus grand modèle totalisant 540 m² de surface membranaire. « Le carter inox reste en place durant toute la vie de l’usine : seuls les faisceaux de membranes sont remplacés lors du renouvellement. C’est un plus pour nous et surtout pour nos clients en termes de coût de remplacement et de recyclabilité. En effet, c’est un pari gagnant/gagnant pour les deux parties » souligne Isabelle Duchemin. Polymem a récemment remplacé une partie de l’unité d’ultrafiltration de l’usine de Saint-Cloud (Eaux de Paris) pour la production de 560 m³/h. Plus petite, la station de Vaujany (Isère) utilise un ensemble de trois Gigamem pour produire 250 m³/h d’eau potable.
Le choix des assembleurs
Face à cette offre, les assembleurs font leur marché à chaque réalisation, en fonction des contraintes locales. « Nous avons eu un fabricant dans le groupe mais choisissons aujourd’hui, en fonction du projet, des systèmes Pentair, Hydranautics, Inge pour les marchés étrangers, Polymem… » explique Kader Gaïd (Veolia). OTV, le concepteur/constructeur de Veolia, a ainsi récemment modernisé l’usine de Ribou (24.000 m³/j), près de Cholet. Elle traite des eaux de surface (provenant du lac de barrage de Ribou) présentant une forte turbidité, des algues, de la matière organique, des pesticides, etc. D’où un traitement très complet, avec un affinage terminal sur membranes Pentair. Même éclectisme chez Saur (et son constructeur Stereau) : « nous travaillons avec X-Flow (Pentair) ou Polymem selon le cahier des charges soumis par le maître d’œuvre : chacun présente ses avantages et inconvénients » affirme Fabrice Nauleau. Saur/Stereau a ainsi fait appel à Pentair pour l’usine de Lorient et à Polymem pour celle de Vaujany. De son côté, Elmatec travaille essentiellement avec GE Water Process & Technologies (Suez) dont les équipements sont jugés plus ouverts, c’est-à-dire paramétrables, adaptables et interchangeables ce qui permet de coller aux besoins.
Suez constitue un cas particulier. Pionnier de l’ultrafiltration, le groupe a créé le fabricant de membranes Aquasource, qui reste son fournisseur. Suez propose donc à la fois le point de vue d’un fournisseur de membranes et celui d’un grand traiteur d’eau.
Avec ses produits Aquasource, Suez se concentre sur l’optimisation du système : skid, programme de commande, etc. « Nous vendons nos solutions à l’ensemble des traiteurs d’eau sur le marché français et international » tient cependant à préciser Benoît Laplagne.
Aquasource a fait le pari d’une vaste gamme composée d’assemblages d’éléments standard. Selon la taille de l’usine à réaliser, le client choisira un système Aquasource XS, M ou L, voire un Nomad (skid en conteneur). Tous exploitent le même module filtrant ainsi que le même programme informatique de pilotage, qui gère les lavages de membrane de manière à minimiser la consommation d’eau propre, d’énergie et de produits chimiques. « Plutôt qu’écrire un programme pour chaque réalisation, avec le coût, la perte de temps, nous utilisons un programme standard. Il comprend différentes “briques” que la machine appellera au besoin. Chacun de nos systèmes s’adapte ainsi automatiquement à ses conditions d’exploitation. Le système est standardisé pour être fiable » avance Benoît Laplagne.
La nouvelle usine de Quincampoix - Montours (Ille-et-Vilaine) traite des eaux provenant du Couesnon, une rivière présentant des taux élevés de pesticides et de matière organique. Malgré ces eaux difficiles, deux systèmes Aquasource M sont installés directement après la décantation, sans passage par un filtre à sable. « Cela représente une économie pour le client » souligne Benoît Laplagne. La petite commune de Robiac, dans le Gard, est quant à elle alimentée par une source karstique présentant des pics de turbidité qui mettent en difficulté le filtre à sable. En 2016, Aquasource a résolu le problème en installant un petit système XS directement dans le château d’eau existant. Durant l’été 2014, la source alimentant Aniane, dans l’Hérault, s’est tarie. Obligée de recourir à un forage de secours fournissant une eau trouble, la commune a fait appel un système Nomad, installé en deux jours, pour distribuer une eau de qualité à ses administrés. « Nous pouvons louer ou vendre ces Nomad. En France, il s’agit essentiellement de locations pour résoudre des problèmes passagers » explique Benoît Laplagne.
Pour Salvador Perez, Directeur du fabricant Français d’équipement Chemdoc Water, « l’ultrafiltration permet de réaliser des installations très compactes. En couplage ultrafiltration-nanofiltration (ou osmose inverse) et en alternative aux traitements physico-chimiques conventionnels de clarification et décarbonatation, l’empreinte au sol peut facilement être réduite d’un facteur 5 à 10. Cet avantage, associé à une simplicité d’exploitation, en font un élément de choix pour les stations d’eau potable de moins de 10.000 m³/J, sur lesquelles le plus gros du développement du marché français est à venir. La conception en skid et container ouvre un champ d’application immense pour les problématiques liées à la raréfaction et salinisation des eaux dans les zones arides. Aujourd’hui, le traitement membranaire est un standard de production d’eau d’urgence, les conceptions modulaires mobiles et autonomes sont également adaptées aux petites collectivités isolées ou elles délivrent de l’eau potable de façon fiable tout en étant simples à exploiter ». Le pilotage en temps réel et le suivi à distance viennent faciliter le travail de l’exploitant et l’assistance technique. L’autre avantage, lorsque l’on livre des installations conteneurisées prêtes à raccorder, c’est le gain de temps et la rapidité d’exécution des projets du fait de l’absence de génie civil complexe.
Nanofiltration et osmose inverse basse pression
Grâce à des pores de l’ordre du nanomètre (un millième de microns), la nanofiltration arrête les éléments dissous comme les pesticides, les micropolluants, la matière organique. Elle est aussi utilisée pour la décarbonatation. La première unité en France a été mise en service en 1999 dans l’usine de Méry sur Oise (Sedif), réalisée par OTV. Le système est constitué de membranes planes enroulées en spirale. Cette technologie, vulnérable au colmatage et exigeant donc un traitement préalable très poussé, reste cependant une exception en France. Il n’en va pas de même en Australie ou dans des pays du Nord de l’Europe (Ecosse, pays scandinaves), qui disposent d’importantes réserves d’eaux de lac de très bonne qualité mais colorées par des acides humiques. Coloration difficile à éliminer par des filières de clarification classiques et gourmandes en réactifs chimiques (coagulants, floculants).
Pentair propose la première membrane de nanofiltration, fibre creuse en PES, permettant d’éliminer en une étape les matières organiques naturelles présentes dans les eaux et cela sans nécessiter de prétraitement exhaustif (pas de coagulants, ni de floculants). Le module HFW-1000 possède toutefois un seuil de coupure assez élevé pour la nanofiltration : il arrête les molécules de plus de 1.000 daltons (contre 150.000 pour l’ultrafiltration), donc laisse passer pesticides, nitrates ou micropolluants. Développé pour les problématiques d’acides humiques, le HFW 1000 présente également un intérêt pour les applications eau potable en France. « Un certain nombre d’usines peinent à produire, 100 % du temps, une eau traitée présentant une teneur en COT inférieure à 2 ppm comme l’exige la réglementation en vigueur. Les membranes HFW 1000 peuvent sécuriser ces productions » précise Rémi Duvillard.
Fabrice Nauleau pense également aux petites installations (moins de 150 m³/h). « Pour les eaux de surface, la nanofiltration pourrait remplacer toute la filière. C’est intéressant pour les petites collectivités qui doivent maîtriser 10 réactifs pour respecter la réglementation » explique-t-il.
Le fabricant français d’équipements membranaires Chemdoc Water pour l’eau potable et l’eau industrielle a développé une importante expertise sur des installations intégrant une ultrafiltration couplée avec une nanofiltration ou une osmose inverse basse énergie permettant de répondre aux applications les plus exigeantes, en éliminant les polluants colloïdaux et biologiques mais aussi les composés solubles organiques et minéraux. Ainsi, des installations compactes en conteneur ou sur skids assurent une production d’eau de qualité stable. Actuellement, il n’y a qu’une membrane de nanofiltration agréée en France, ce qui élimine la possibilité de réaliser du dessalement d’eau pleinement conforme dans un contexte franco-français d’ACS. À l’international, les référentiels NSF, WRAS… ouvrent beaucoup plus largement les applications de potabilisation sur membrane polyamide spiralée pour la déminéralisation, décarbonatation etc.
C’est donc à l’export que les solutions membranaires complètes répondent le mieux aux besoins des collectivités et des ensembles hôteliers qui partagent les contraintes de qualité de ressource et d’exigence de robustesse et d’autonomie de fonctionnement. Contrairement aux idées reçues, un système membranaire est souvent bien plus simple qu’un système conventionnel. Chemdoc Water a dimensionné et construit des systèmes de production de 300 m³/jour en conteneur 20’, installés dans des villages du Niger pour réaliser de la défluoration-dénitration par osmose inverse. Ces unités conviennent bien à une exploitation en collectivité rurale isolée, quand les mêmes problématiques sont traitées habituellement avec des procédés chimiques complexes et inadaptés pour ces sites. Le procédé Flexionic®, basé sur le couplage de l’ultrafiltration PES et osmose inverse spiralée en polyamide, est assemblé en conteneurs autonomes et permet une production d’eau potable de qualité stable dans de larges gammes de turbidité, COT, salinité de l’eau brute. Les membranes purifient l’eau par un principe de rejet défini par la taille des polluants, sans besoin strict de déstabilisation des suspensions colloïdales (coagulation/floculation) comme c’est le cas en décantation ou en coagulation sur filtre et sans régénérants chimiques. C’est cette particularité qui explique la simplification de l’exploitation car la performance est atteinte sans que les opérateurs n’aient à adapter des dosages d’adjuvants ou faire des essais laborieux en Jar test comme c’est le cas avec les procédés physico-chimiques.
Et si la réglementation évoluait, imposant par exemple la suppression des micropolluants ? Denis Vial estime que la nanofiltration ne suffirait alors pas. Et de fait, une autre technologie, encore plus performante, émerge : l’osmose inverse à basse pression (tout de même 10 à 12 bars, comme la nanofiltration). « Si on veut arrêter les ions monovalents (nitrates, perchlorates, fluorures), il faut aller vers l’osmose inverse. Cela va venir, au moins pour les eaux souterraines : on ne peut pas multiplier indéfiniment les traitements chimiques » estime Fabrice Nauleau. La Saur annonce d’ailleurs une première installation “d’ici peu” sur des eaux souterraines. Pour des eaux de surface, plus chargées, l’osmose inverse ne peut en revanche intervenir qu’après un traitement complet, ce qui exige encore un travail de mise au point. Kader Gaïd croit également à l’avenir de la technologie, et veut en persuader les bureaux d’études.
Mais ce n’est pas l’avis de Nouhad Abidine chez ABC Membranes, qui évoque la nécessité pour le Gouvernement Français et pour la Communauté européenne de mettre en place des programmes de développement permettant d’explorer et d’industrialiser le procédé de distillation membranaire, très étudié en ce moment au Japon et en Corée du Sud. « Cette technologie permet de dessaler les eaux de mer et de purifier des eaux de surface et des eaux saumâtres sans nécessiter de prétraitement, à part une simple pré-filtration classique, explique-t-il. De plus, ce procédé permettrait de réduire les pertes en eaux, problème majeur de l’osmose inverse et induit l’utilisation de moins de réactifs chimiques pour stabiliser les performances des membranes, ce qui est un plus par rapport à l’osmose inverse ».
Grâce à l’acquisition de GE Water & Process Technologies, Suez dispose désormais des technologies de nanofiltration et d’osmose inverse basse pression qui viennent compléter son offre de membranes pour le marché de l’eau potable.